vendredi 31 mars 2017

L'incandescence du rêve



"J'ai grandi à des années-lumière des paillettes cannoises, à Montfort-sur-Meu, un village de trois mille habitants au large de Rennes, entouré de vaches analphabètes, de braves ploucs certifiés BZH et de petits bourgeois eighties."

Après un hommage à Forest Whitaker, c'est ainsi que se présente Caryl Férey, l'auteur de "Zulu" dont l'acteur américain fut le remarquable interprète. Cette consécration à Cannes en 2013 pour la cérémonie de clôture du festival est le point d'arrivée provisoire d'un homme en perpétuel mouvement.




Une enfance agitée dans un monde dont les mutations préfigurent la société du vide, une adolescence portée par l'énergie rebelle de la musique, des poètes et des écrivains voyageurs, autant d'années qui le promènent sur le fil du rasoir, entre scarification et réelles tentatives de suicide. Sa "nouvelle arme de construction massive", ce sera l'écriture, avec un billet open pour explorer les lointains et s'affranchir aussi d'une introspection "pathétique". 




"Ce n'est pas tant où l'on va qui compte mais avec qui." Sur les traces de Lawrence d'Arabie, il expérimente la puissance scénaristique du boulet en partageant son voyage avec un encombrant partenaire. Joseph Kessel lui rappellera qu'il faut "cinq ans pour digérer un pays". Il respectera le délai avant son premier grand roman "Haka". Maoris, Nouvelle-Zélande, amour tragique, le meilleur de l'auteur procède de ses souvenirs de voyage destinés à cicatriser les blessures de l'adolescence sans rien perdre du feu que la mémoire capitalise. D'Arthur Penn à Bertrand Cantat, en passant par la rage de Brel et l'emphase de Rostand, Caryl Férey revisite l'incandescence du rêve. Oui, vraiment, "pourvu que ça brûle". 

Pourvu que ça brûle – Caryl Férey – Albin Michel – 298 pages – 20€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 19 mars 2017




jeudi 30 mars 2017

Barouf chez les dieux





Auteur de livres souvent très noir, familier des zombies dévoreurs de Père Noël, Browne fait ici une incursion dans l’Olympe: le sexe entre un immortel et une humaine risque d’entraîner la colère de Jerry, l’Être suprême! Le bon choix d’une nouvelle éditrice, jeune et bourrée d’idées, installée à Villenave-d’Ornon près de Bordeaux.






La Destinée, la Mort et moi, comment j’ai conjuré le sort - S. G. Browne – Traduit de l’anglais (États-Unis) par Morgane Saysana - Agullo Fiction - 400 pages – 22€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 20 novembre 2016




mercredi 29 mars 2017

Féerie macabre




Ce "nouveau" roman de Charyn date en fait de 1985. Féérie macabre, il délocalise les horreurs de la Guerre du Vietnam dans "l'appendice crasseux du Lower East-Side de Manhattan". Sarah Fishman, infirmière en chef d'un hôpital de la CIA, devenue Sarah Saïgon dans l'enfer new-yorkais, partage sa folie avec le Prof, un vétéran à la cervelle endommagée par les éclats d'obus. Charyn avait abandonné Isaac Sidel pour cette hallucination qu'on a du mal à raccrocher au réel.




Cris de guerre Avenue C – Jérôme Charyn – Traduit de l'américain par Marc Chénetier – Mercure de France – 428 pages – 25,80€ - ** 
Lionel Germain




mardi 28 mars 2017

Art scénique et vieilles ficelles





Le trésor de Rennes-le-Château qui aimante tous les amateurs de complots millénaires, de sociétés secrètes et d'odyssées labyrinthiques est aussi un fond de caisse redoutable pour les bonimenteurs. Tout en nous délivrant du mal par un récit distancié sur l'origine du mythe, Éric Maneval ferre son lecteur avec un personnage que le hasard abandonne sur les coordonnées précises de la légende. Le réel n'est qu'une fiction parmi tant d'autres, scénarisé ici en voix off grâce aux vieilles ficelles efficaces du roman gothique. Malin comme le diable.   



Rennes-le-Château Tome Sang – Éric Maneval – Polars et Grimoires – 244 pages – 13,80€ - ***
Lionel Germain





lundi 27 mars 2017

Crime à la Une






Ne passez pas à côté de ce thriller dont le résumé ne fournit qu'un aperçu trompeur. A travers l'enquête sur la disparition d'une jeune fille, Donato Carrisi instruit le procès de l'appât lumineux balancé en boucle par les nouveaux maîtres de l'info télévisée. On assiste au naufrage d'un flic fasciné par la chorégraphie des caméras et le dernier chapitre est un petit chef–d'œuvre de perversité.





La fille dans le brouillard – Donato Carrisi – Traduit de l'italien par Anaïs Bouteille-Bokobza - Calmann-lévy – 320 pages – 20,50€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 19 mars 2017




dimanche 26 mars 2017

Polar à Quai



"Il considérait que sa stratégie n'était ni pire ni meilleure que celle des autres, que le monde des livres était passé du noble art de l'imprimerie à la folie capitaliste du XXIe siècle, que désormais un livre devait être écrit pour être vendu, que pour vendre un livre il fallait qu'on en parle, et que pour qu'on en parle il fallait s'approprier un espace qui, si on ne le prenait pas soi-même par la force, serait pris par les autres. Manger ou être mangé."




La Vérité sur l'Affaire Harry Quebert – Joël Dicker – De Fallois poche – 864 pages – 9,20€ - ****



En savoir plus.




samedi 25 mars 2017

Alerte enlèvement


Cette réédition d'Elizabeth George raconte une histoire tristement banale d'enlèvement d'enfant. Le père est pakistanais, la mère anglaise, et la facilité nous pousse à voir un coupable dans la couleur du temps, musulman si possible. L'intrigue délocalisée en Toscane est (lire la suite)




Juste une mauvaise action – Elizabeth George – Traduit de l'américain par Isabelle Chapman - Réédition Pocket - 912 pages - 10€ - **




vendredi 24 mars 2017

Double identité





L'histoire contemporaine de l'Allemagne, des deux guerres à la partition de 1945, est le réservoir inépuisable de drames collectifs et singuliers. Quand Patricia, journaliste au Spiegel, se met à rechercher les fugitifs de l'Allemagne de l'Est dans les années soixante, elle ouvre une boite de Pandore pleine de fantômes. Avec ce roman passionnant, Maxime Gillio détricote les conséquences des idéologies totalitaires.





Rouge armé – Maxime Gillio – Ombres noires – 384 pages – 19€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 19 mars 2017




jeudi 23 mars 2017

Un bonheur insoutenable






Repris dans une collection émérite consacrée aux chefs d’œuvre étrangers, cette relecture de "La République" de Platon prend place désormais parmi les classiques. Au XXIVe siècle, des hommes sans tabou ni complexe vivent en haut de tours de 1000 étages. Mais qu’accidentellement ils dégringolent, alors la descente aux enfers révèle l’envers du décor. 






Les monades urbaines - Robert Silverberg – Traduit de l’anglais (États-Unis) par Michel Rivelin - Pavillons poche/Robert Laffont – 335 pages – 8,90€ - ****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 20 novembre 2016




mercredi 22 mars 2017

Cellules grises






Auteur d'une série dont le héros est le capitaine Coste, patron d'un groupe crime dans le 93, Olivier Norek a obtenu le Prix Polar européen 2016 du Point pour cet épisode à tiroirs. Le premier s'ouvre sur les horreurs du monde carcéral. L'auteur a crédité son jeune taulard, victime promise à toutes les turpitudes, d'une épaisseur crédible. Ensuite, on déroule entre prise d'otage et vengeance meurtrière. Classique mais efficace. 





Surtensions – Olivier Norek – Pocket – 480 pages - 7,80€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 19 mars 2017




mardi 21 mars 2017

Vices de famille






Les Wolfe ont ça dans le sang. James Carlos Blake met en scène le compagnonnage de truands familiaux lâchés sous le soleil du Mexique pour venir en aide au plus jeune de la bande. Égaré dans les bras d'une jolie fille courtisée aussi par le chef d'un cartel, il est en mauvaise posture. Western contemporain sous les auspices de Shakespeare et de Zorba le Grec. 






La loi des Wolfe – James Carlos Blake – Traduit de l'américain par Emmanuel Pailler – Rivages noir – 318 pages – 8,90€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 19 mars 2017




lundi 20 mars 2017

Heures sup






Les retraités font souvent mine de promener le chien et se retrouvent à patrouiller sur les lieux de leurs crimes. Normal pour d'anciens flics comme Rebus que Rankin refuse d'abandonner en pantoufles dans un salon crépusculaire. La patronne le ramène au bercail pour son expérience du milieu et il redevient flic malgré son look de "cadre moyen sans âme et sans tripes". Des dialogues toujours aussi percutants.





Tels des loups affamés – Ian Rankin – Traduit de l'anglais par Freddy Michalski – Le Masque – 452 pages – 22€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 12 mars 2017




samedi 18 mars 2017

Spleen coltranien



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Réédition de La maison au bout du monde - Edwardson - 10/18 - 504 pages - 9,10€



vendredi 17 mars 2017

Près de chez nous



Gilles Vincent a déjà consacré plus de la moitié de son œuvre romanesque à la commissaire Aïcha Sadia, flic obstinée, indépendante mais fidèle à sa petite meute d'officiers à laquelle s'est rallié son compagnon, le détective privé Sébastien Touraine, un ancien des stups. Les séquelles de la colonisation dans "Djebel", les mauvais souvenirs de la guerre d'Espagne dans "Beso de la muerte", la pédophilie dans "Hyenae", et plus récemment le terrorisme avec "Trois heures avant l'aube", la série publiée par Jigal a permis à l'auteur de décliner les différentes facettes du roman noir français.



Dans "Ce pays qu'on assassine", l'auteur change d'enseigne éditoriale et propose une nouvelle scène de crime à Hénin-Beaumont où deux jeunes filles noires sont retrouvées violées et sauvagement assassinées. Comme une chambre d'écho à l'enquête marseillaise d'Aïcha Sadia sur l'exécution d'un Franco-syrien, directeur de campagne d'une candidate d'extrême-droite. La transparence du personnel politique emprunté au réel n'est pas le vrai sujet du livre qui interroge les conséquences de l'engagement, notamment à travers le portrait réussi d'une capitaine de police, Carole Vermeer. 




Son passé en fait un personnage fragile, séduit par les programmes de ceux qui promettent de faire du neuf dans les régions dévastées par la crise. Son enquête aura la même valeur rédemptrice que celle menée par un supérieur hiérarchique un peu trop vite tenté de se débarrasser d'une affaire emblématique à la veille des attentats de Paris.
Au cœur d'un scénario millimétré, Aïcha Sadia et Carole Vermeer incarnent les deux versants d'une république déboussolée. Pas loin de "chez nous".

Ce pays qu'on assassine – Gilles Vincent – In8 – 386 pages – 19€ - ***
Lionel Germain – Sud-ouest-dimanche – 5 mars 2017




jeudi 16 mars 2017

Une histoire du futur





L’intégrale en deux romans et cinq nouvelles de l’un des cycles les plus énigmatiques de Zelazny, dont l’entreprise de relecture des mythes croise religion, magie et science. Le héros, réincarnation d’une divinité extraterrestre réfugiée dans un univers cocon, doit affronter d’étranges ennemis. Il est difficile d’être un dieu. Une édition critique de l’œuvre, accompagnée d’un glossaire impressionnant.






L’île des morts - Roger Zelazny – Préface de Timothée Rey - Mnémos – 473 pages – 27€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 2 octobre 2016




mercredi 15 mars 2017

Carte posthume





De la délinquance crapuleuse à l'assassinat politique, l'Irlande du Nord a cultivé un art du crime tellement sophistiqué que la population de l'île ressemble à un annuaire de survivants. Depuis "Les Fantômes de Belfast", c'est Jack Lennon le gardien de cette nécropole. Impliqué dans l'héritage d'un expert en atrocités, il accumule plaies et bosses et poursuit un autre combat pour la garde de sa fille. 





Le silence pour toujours – Stuart Neville – Traduit de l'anglais par Fabienne Duvigneau – Rivages – 318 pages – 22,50€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 12 mars 2017




mardi 14 mars 2017

Saisons d'enfer






Avec un personnage solitaire et amoureux des paysages de haute montagne, on partage la terreur d'une femme dont les cauchemars se confondent avec la réalité. Pierre, ancien guide, se définit comme un paysan, et sa sœur Claire a coutume de le rejoindre à la Toussaint sur le massif de l'Oisans. Xavier-Marie Bonnot, Prix Lion noir 2014, cultive l'art du secret, ménageant un suspense sans effets spéciaux mais d'une belle intensité.





La dame de pierre – Xavier-Marie Bonnot – Pocket – 436 pages – 7,80€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 12 mars 2017




lundi 13 mars 2017

Le Nord aux trousses






Ce polar islandais a les attributs du grand nord mais ne doit rien à Indridason. Un flic islandais reçoit un message de détresse d'un compatriote qu'il ne connaît pas. Le message vient de Cambridge et le messager est assassiné. Un imbroglio à la John Le Carré où le héros bientôt recherché et accusé de meurtre se démène pour comprendre le dessous des cartes. La mort aux trousses.






En pleine turbulence – Jon Ottar Olafsson – Traduit de l'islandais par Jean-Christophe Salaün – Presses de la Cité – 314 pages – 22€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 5 mars 2017




dimanche 12 mars 2017

Les roues de l'infortune





Six amis ont fait un pacte: courir le monde pendant cinq ans, faire fortune, ensuite se retrouver, et partager. Senterre, le premier arrivé, est effectivement très riche. Il attend les autres avec Asuncion, la fiancée de Gernicot. Il en est amoureux secrètement. Perlonjour débarque sans un sou en poche. Et c'est par la presse qu'on annonce la mort de Nanotte sur le bateau qui le ramenait. Gernicot son compagnon de voyage est paniqué. 




Il affirme que tout le monde est menacé, se montre peu empressé envers sa fiancée. Son assassinat justifie l'entrée en scène de Wenceslas Vorobeitchnik, "Monsieur Wens", détective privé. Première apparition du héros de Steeman qui obtint le Prix du Roman d'aventures en 1931 pour cette intrigue verrouillée comme une salle des coffres.




Six hommes morts – Stanislas André Steeman – Les Maîtres du roman policier Le Masque – Le livre de poche (1995) – 155 pages – à partir de 2,50€ - **
Lionel Germain




samedi 11 mars 2017

BAC au Bronx



Lire la critique





Réédition de "The Whites" 10/18 - 432 pages - 8,80€ - **






vendredi 10 mars 2017

Suer du cou





Combinaison de nombres, chaleur et durée, le championnat du monde de sauna finlandais exige une martingale absurde pour vaincre. Joseph Incardona caractérise cet enjeu dérisoire à la manière du "Body" d'Harry Crews. Une star du porno, symbole de virilité conquérante, affronte un ancien militaire russe, petit et transparent. Chacun cherche le défi ultime. Au-delà du bien et du mal, un roman sombre et dérangeant.  





Chaleur – Joseph Incardona – Finitude – 148 pages – 15,50€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 5 mars 2017




jeudi 9 mars 2017

Guide des Égarés






Ingénieur, cinéaste, auteur d’un premier roman qui lui valut une correspondance d’Ursula Le Guin – excusez du peu, l’auteur nous transporte ici aux confins de ce Caucase où se joue toujours un peu de notre destinée. L’hiver nucléaire sévit. L’homme cherche un passage à travers les zones contaminées, des formes de vie déroutantes, un futur incertain aussi. Et les Sacrifiés ouvrent la route, comme le Stalker de Tarkovski.





Les Sacrifiés - Bernard Henninger – L’Ivre book – 322 pages – 16€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 2 octobre 2016



Stalker : La Bande annonce sur Allo Ciné




mercredi 8 mars 2017

Nom de Dieu





Dans ce nouveau monde, les États-Unis, l'Arabie Saoudite et Israël ont montré le chemin vers la radicalité intégriste. Désormais, les mécréants sont des criminels, y compris au sud de l'Europe où la tradition catholique impose ses "Monseigneurs" aux commandes de l'état. Tito Topin force à peine le trait pour raconter la cavale des résistants allergiques à l'eau bénite. Un roman d'humeur pessimiste. 





L'exil des mécréants – Tito Topin – La Manufacture des Livres – 188 pages – 15,90€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 5 mars 2017




mardi 7 mars 2017

Sans rime ni oraison






Comment expliquer l'épidémie mortelle qui frappe les amateurs de poésie réunis dans un groupe sur Facebook? La réponse à cette question constitue le sel principal d'une intrigue bricolée à l'intention des inconditionnels du genre, avec rétropédalage dans l'histoire récente de l'Europe, famille de flics décomposée, vertige du monde virtuel et enquête marabout de ficelle. Le vice console et le vers tue. 






Tout un poème – Ursula Poznanski – Traduit de l'allemand par Corinna Gepner – Pocket – 510 pages – 8€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 5 mars 2017




lundi 6 mars 2017

Frères de sang






L'Amérique a construit sa légende sur ces histoires portées par le vent d'Ouest. Des histoires où les hommes n'affrontent que les limites de leurs désirs. On y respire la sueur, le sang, l'exhalaison des flingues et l'herbe sèche de la prairie. On y côtoie deux frères assignés à la loi des règlements de comptes et un gamin amnésique venu de nulle part, initié à la brutalité du monde. Violent et inspiré.





Là où naissent les ombres – Colin Winnette – Traduit de l'américain par Sarah Gurcel – J'ai Lu – 288 pages – 7,60€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 26 février 2017