vendredi 23 décembre 2016

Sous la protection d'une étoile



C'est un couloir à tornades dans les grandes plaines centrales du Midwest, une région des États-Unis où les démocrates ne sont pas les bienvenus, où la population est blanche à plus de quatre-vingts pour cent, où la peine de mort mobilise encore assez de partisans pour qu'on la rétablisse un an à peine après son abolition. Dans ce coin du Nebraska, le décor est vite planté. La gare de triage, les deux autoroutes et les champs de maïs dessinent l'essentiel. Il y a encore le vent, pas la brise mais un souffle permanent "qui rendait cinglés les premiers colons". Il y a enfin les hommes. Des types épais, taillés dans le granit comme Earl Haack Junior et son étoile d'argent à cinq branches. Shérif pour un western dont on aurait brouillé les codes.



On en comprend la logique dans une séquence où Frank Wheeler, fils de prêcheur et professeur, prouve qu'il est aussi un scénariste hors pair. Pendant qu'au fond d'une salle de restaurant, Earl explique au maire et à ses adjoints qu'il est décidé à poursuivre l'action initiée par son père en tant que shérif de la ville, une série de plans s'intercalent pour nous montrer ce qu'il entend par là. Earl leur promet de maintenir la paix sur son territoire mais "sans ordre, il ne peut y avoir de paix, ni de justice ni quoi que ce soit qui puisse nous protéger". 



La violence du récit est démultipliée par le sens de l'ellipse avec lequel se poursuit l'entretien, par cet écart terrible entre la promesse et les moyens mis en œuvre pour la tenir.
Les retraités et les classes moyennes supérieures fournissent la population majoritaire de cette ville de 8 000 habitants. Ils aspirent au calme, ne veulent rien savoir des trafics en provenance de Chicago et comptent sur le shérif pour dormir sur leurs deux oreilles. Pour les élus, c'est une exigence qui autorise les manquements à la légalité commis par le shérif à condition de n'en rien savoir. Earl a commencé sa carrière de flic aux stups, à Denver. La guerre contre les trafiquants est une mascarade. On y apprend très vite à ne pas respecter les règles.
Écrit en 2014, le roman de Wheeler résonne étrangement dans l'Amérique de 2016. Ponctuée de scènes d'une violence extrême, l'intrigue s'organise autour de personnages sans autre conscience que celle de leur survie. Bandits et justiciers ne sont que des figures interchangeables, le rapport amoureux est un contrat sans cesse renégociable et seul le shérif est candidat à une rédemption improbable. The Good Life, son titre original, annonce le retour à la loi clanique, le repli communautaire, le peuple en armes dont la vision du monde feint de rêver le meilleur tout en s'accommodant du pire.

L'ordre des choses – Frank Wheeler Jr – Traduit de l'américain par Sébastien Raizer – Série noire Gallimard – 292 pages – 19,50€ - **** 
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 4 décembre 2016




jeudi 22 décembre 2016

Futur proche






L’Unité 731 a réellement existé. De 1936 à 1945 le Japon y perpétra sous prétexte d’expérimentation scientifique d’abominables atrocités. Pour dénoncer ce crime d’État couvert ensuite par l’occupant US, l’auteur, d’origine chinoise, choisit le prisme de la SF – un voyage dans le temps – et la forme impersonnelle du scénario de docu-fiction. Glaçant.






L’homme qui mit fin à l’histoire - Traduit de l’anglais (États-Unis) par Pierre-Paul Durastanti - Ken Liu – Une heure lumière/Le Bélial’ – 106 pages – 8,90€ - ****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 28 août 2016




mercredi 21 décembre 2016

Mauvaise mémoire





Home jacking, Go-Fast, trafic de drogue et prostitution étudiante, avec Du Noir Au Sud, la collection des éditions Cairn, la capitale du Béarn devient une véritable foire aux crimes. L'enquête du lieutenant Yann Loubeyres sur l'assassinat d'une étudiante à la fac de Pau va réveiller les mauvais souvenirs enfouis dans le camp de Gurs. De 1939 à 1945, tous les réprouvés de l'Europe y trouvèrent un terminus pour l'enfer. Mémoire à vif. 




Nous n'irons plus au bois – Philippe Lescarret – Cairn – 288 pages – 12€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 27 novembre 2016




mardi 20 décembre 2016

Canaries en cage





Ils s'appellent Lola, le Sauvage, le Foncedé, le Marquis. Ce sont des branquignols dont les rêves dépassent forcément les compétences. En préparant l'enlèvement de la fille d'un mafieux dans le décor paradisiaque des Canaries, ils se hissent au niveau des personnages déjantés de l'Américain Tim Dorsey. Mais l'île est une cage où les vrais méchants se mettent parfois à table avec les flics. Impunément. 





Les fleurs ne saignent pas – Alexis Ravelo – Traduit de l'espagnol par Amandine Py – Mirobole éditions – 416 pages – 22€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 27 novembre 2016




lundi 19 décembre 2016

Trompe-l'oeil





Pour qui écrit-on un roman? Et pourquoi? Pour le peuple et par devoir, diront les hypocrites. Pour soi-même et une poignée de dollars, diront les autres. Le pari vertigineux et réussi de l'écrivain Adam langer, c'est de transformer ces deux questions en matrice d'un polar dont il est d'abord le narrateur incrédule, convoquant Pynchon et Mailer, avant d'en être la victime. Intelligent et malicieux.






Le contrat Salinger – Adam Langer – Traduit de l'américain par Émilie Didier – 10/18 – 288 pages – 7,80€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 27 novembre 2016




vendredi 16 décembre 2016

Noël noir au cœur de la lande


De la disparition d'une jeune femme et de son bébé à La Teste-de-Buch un peu avant Noël à l'implication d'un père iranien introuvable, "Tabous" installe un théâtre d'ombres où s'animent des seconds couteaux d'une vérité quasi documentaire. Danielle Thiéry s'émancipe peu à peu de son personnage récurrent, la commissaire Edwige Marion.



Tandis que Marion retourne à Paris, c'est Alix, psychologue et nyctalope, qui se délocalise sur le bassin d'Arcachon pour affronter le mystère d'une famille resserrée autour d'un fardeau noir et douloureux. Victime de l'hostilité et des préjugés d'une corporation toujours machiste malgré la féminisation des effectifs, la jeune femme cultive sa propre ambiguïté envers l'institution policière. Les odeurs "de vieilles chaussettes et testostérone" des commissariats la répugnent et l'attirent.


Au rayon des seconds couteaux, un personnage de jeune homme en rupture, rebaptisé "Truc" par une mère indigne, innerve le scénario en alliant bouffonnerie et maladresse dans son parcours de petit délinquant emprunté à un fait divers et débordé par l'horreur de ses crimes. Il y a enfin la puissance obscure de cette forêt girondine où les derniers tabous concernant les rapports entre une mère et ses enfants sont mis à mal. Voilà un roman dont la tonalité évoque les "célébrations" paradoxales de l'Angleterre par Elizabeth George. Diablement efficace.  

Tabous – Danielle Thiéry – Ombres Noires – 384 pages – 21€ - Réédition J'ai Lu - octobre 2017 - 416 pages - 8€ - **** 
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 27 novembre 2016








jeudi 15 décembre 2016

Le facteur humain






Mormon aux opinions controversées dont le manichéisme agace parfois, l’auteur a un talent reconnu dans le monde de la SF. Toute son œuvre est un gigantesque space opera sur fond de guerre des étoiles et d’hypertechnologie. Les enfants en sont souvent les héros, plus ou moins qu’humains, ou les victimes. L’œuvre décline aussi le vieil adage: "Science sans conscience…"






Les rejetons de l’ombre  - Orson Scott Card – Traduit de l’anglais (USA) par Arnaud Mousnier-Lompré - J’ai Lu – 246 pages – 6,70€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 10 juillet 2016




mercredi 14 décembre 2016

Faim de chérie





Ne le dites à personne mais on peut encore lire le dernier roman d'Harlan Coben et n'éprouver aucun remord. On se laisse étourdir par l'atmosphère vénéneuse des couples défaillants. Adam et Corinne se racontent des histoires. Après la disparition mystérieuse de Corinne, le socle familial d'Adam s'effondre. Il y a les enfants qu'il faut protéger, les amis dont on devrait se méfier, et le secret. Le terrible secret…






Intimidation – Harlan Coben – Traduit de l'américain par Roxane Azimi – Belfond – 396 pages – 21,50€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 27 novembre 2016




mardi 13 décembre 2016

Légende antisémite




Ceux qui ont encore du mal à se persuader que l'antisémitisme n'est pas réductible à un racisme "ordinaire", voire à la xénophobie, devraient se plonger dans ce document d'Edmund Levin. Dans cette Ukraine, partie prenante de la Russie tsariste, un enfant défavorisé est assassiné en 1911. Ce crime va permettre de ranimer la légende moyenâgeuse selon laquelle les juifs commettraient des meurtres rituels pour s'abreuver du sang chrétien. Mendel Beilis, pauvre bougre juif, va faire les frais de cette accusation portée par l'extrême-droite. Une affaire Dreyfus dans les faubourgs de Kiev.




Un enfant de sang chrétien – Edmund Levin – Traduit de l'américain par Anne-Sylvie Homassel – Belfond – 448 pages – 21,50€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 20 novembre 2016




lundi 12 décembre 2016

Grain de folie






Dernier point d'un triangle familial obscur où la schizophrénie règne en maître, l'inspecteur Milo invite ses bouffées délirantes dans une enquête sur l'assassinat d'une étudiante. Mais le grain de folie du flic est partagé par une société barcelonaise parfois indignée, souvent à bout de souffle. Et si Milo se réfugie dans les polars, c'est parce que "les assassins les lisent aussi". Incisif et vigoureux.





Les muselés – Aro Sainz de la Maza – Traduit de l'espagnol par Serge Mestre – Actes Sud – 378 pages – 22,80€ - **** 
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 20 novembre 2016




vendredi 9 décembre 2016

Le cœur chagrin de Barbara



Deux ans! Deux ans qu'Elizabeth George nous avait laissés en plan avec ce couple mythique de la littérature policière que forment l'aristocrate Linley et la roturière Barbara. Avec une crainte majeure: qu'elle abandonne définitivement son duo de flics de Scotland Yard pour les aventures de Becca King, une jeune héroïne dont les pouvoirs fantastiques séduisent davantage les adolescents que les amateurs de romans policiers.



Il y a deux ans, on s'était un peu perdu en Toscane dans une intrigue visiblement destinée à clore le chapitre des relations sans avenir entre Barbara Havers et son voisin pakistanais. Fâchée avec la procédure et les bonnes manières, Barbara a le cœur chagrin et des ennuis avec ses supérieurs quand elle entre en scène dans ce nouvel épisode. Will, un jeune paysagiste victime de coprolalie s'est suicidé en se jetant du haut d'une falaise. Sa mère, Caroline Goldacre, est l'assistante de Clare Abbott, un auteur féministe dont la mort "suspecte" va déclencher l'enquête de Barbara. 



Mais Barbara est le vilain petit canard de la Met, la police de Londres. Menacée par une mutation dans le nord de l'Angleterre, elle ne doit son sursis qu'à Linley qui a plaidé sa cause auprès de la commissaire. Elle ne comprend rien aux codes de ses contemporains. "Les seules fois où elle se regardait dans une glace, c'était quand elle mangeait des épinards. Là, elle vérifiait qu'elle n'avait pas un bout de feuille coincé entre les dents." Quand elle fait malgré tout l'effort vestimentaire indispensable à son maintien, c'est l'absence de vie sexuelle que lui reproche une autre collègue.

Barbara a le cœur chagrin mais Elizabeth George n'en fait pas un drame. Le mystère de cette Caroline Goldacre réanime sa fonction d'enquêtrice et le véritable drame se joue sur l'avant-scène, dans le pourrissement des liens familiaux, les rapports compliqués entre une mère et ses fils, les zones grises de l'âme. C'est l'essence même du roman et de cette comédie humaine à laquelle elle se consacre désormais, passant du roman à énigme de ses débuts à une exploration sociologique de l'Angleterre.

Une avalanche de conséquences – Elizabeth George – Traduit de l'américain par Isabelle Chapman – Presses de la Cité – 610 pages – 23,50€ - ****
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 13 novembre 2016




jeudi 8 décembre 2016

L'envers du Mythe





Surfant sur les théories conspirationnistes en vogue à propos de Marilyn et des Kennedy, ce thriller haut de gamme s’enrichit d’un sous-texte passionnant: les vétérans américains, héros surmédiatisés de la guerre d’Irak puis laissés pour compte, mutilés et parfois SDF du métro de New York jouent ici le rôle d’auxiliaires de premier plan d’une héroïne bodybuildée, elle aussi vétéran, elle aussi sur la touche.






Manhattan Marilyn  - Philippe Laguerre – Éditions Critic – 333 pages – 19€ - ****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 10 juillet 2016




mercredi 7 décembre 2016

Petite mule





Les romans de Bill James se distinguent en entretenant une ambiguïté pleine d'humour sur les frontières entre le bien et le mal. Colin Harpur est ici confronté à la mort d'une gamine de 13 ans utilisée comme mule par les gangs londoniens. Personnage à la Queneau qui aurait perdu trop vite son innocence, elle est aussi l'enjeu des rivalités incessantes entre responsables policiers dont la probité n'est jamais une certitude. 





Le big boss – Bill James – Traduit de l'anglais par Danièle Bondil – Rivages – 334 pages – 10€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 20 novembre 2016




mardi 6 décembre 2016

Travail de Romains






"Vingt pour cent aux politiques, dix aux Calabrais et aux Napolitains à décharger sur la sous-traitance, cinq aux structures techniques de la commune et du ministère, deux pour cent aux œuvres de charité et de miséricorde…" Le Pape François a invité des millions de pèlerins et les travaux sont une aubaine pour la mafia. Immigration, chasse aux Gitans, Rome brûle et c'est toute l'Europe qui transpire.






Rome brûle – C. Bonini et G. de Cataldo – Traduit de l'italien par Serge Quadruppani – Métailié – 304 pages – 19€ - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 13 novembre 2016




lundi 5 décembre 2016

Forêt profonde





Bondrée, c'est la frontière. Le nom d'un lac du Québec dont les eaux séparent le monde rassurant des hommes, de la forêt où se fécondent les peurs et les légendes, les histoires d'ogres et de jeunes filles piégées par un trappeur invisible. Pour la narratrice en vacances avec ses parents lors de cet été 1967, les frissons du conte s'incarnent douloureusement dans le décor de son enfance. Une voix onirique et puissante.  





Bondrée – Andrée A. Michaud – Rivages – 366 pages – 18,50€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 13 novembre 2016




vendredi 2 décembre 2016

Parfum de bûcher





En 1601, le capitaine Kassov et son neveu Mattheus sont au service du prince Rodolphe II de Habsbourg. On cherche à savoir si le soleil tourne autour de la Terre et les bûchers de l'Inquisition parfument encore les débats coperniciens. Tycho Brahé, protégé de Rodolphe, avait opté pour un compromis. C'est sa mort qu'interrogent les deux auteurs en privilégiant la thèse de l'empoisonnement. Un polar historique passionnant.






Le songe de l'astronome – Thierry Bourcy et François Soulié – 10/18 – 264 pages – 7,50€ - *** 
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 13 novembre 2016




jeudi 1 décembre 2016

Après la Guerre des Mondes





La Terre prend sa revanche. Cet ancêtre du space opera paru en 1898 imagine une suite au roman de Wells: une escouade terrienne attaque préventivement la planète rouge. À sa tête d’authentiques savants, Edison, Lord Kelvin, et un futur prix Nobel de chimie français. Antigravitation, désintégrateurs, tout l’arsenal SF est déjà là, mais aussi celui du roman d’aventures, mondes perdus, princesse lointaine…





Edison à la conquête de Mars - Garrett P. Serviss – Encrage Édition – 160 pages – 16€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 10 juillet 2016




mercredi 30 novembre 2016

Sang de valet




Dans cette réédition remaniée d'un roman écrit en 2003, le narrateur découvre son père "qui gisait dans une mare de sang". Colize s'amuse avec le cliché mais c'est le seul moment d'humour d'une intrigue balisée par les valets du jeu de cartes. Quatre hommes vont mourir, quatre valets dont le père du narrateur qui cherche un lien entre les victimes. Loin du roman à énigme, c'est une ronde macabre où la sensualité le dispute parfois à la barbarie.




Un parfum d'amertume – Paul Colize – Pocket – 330 pages – 6,95€ - **
Lionel Germain




mardi 29 novembre 2016

American Gravity





L'intrigue est mince. Un type débarque dans une petite ville du nord des États-Unis. Chez Simenon, le décor est un personnage qui respire et se désespère, habillé de gris, maussade comme un soir de novembre. C'est ce lieu qui anime les silhouettes derrière les comptoirs, et Loustal leur donne à son tour une vie singulière. L'inconnu, antipathique et lesté d'embrouilles, occupe l'esprit des clients du bar. Belles images, belle histoire.




Un nouveau dans la ville – Simenon/Loustal – Omnibus – 192 pages – 28€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 6 novembre 2016




lundi 28 novembre 2016

Faire la bombe





Dans ce polar historique épicé de la grande aventure des sciences, on est en 1954 et l'assassinat d'un bibliothécaire de Princeton va contraindre l'inspecteur Rumford à soulever les tapis du FBI. Un roman a récemment réhabilité Poincaré dont Einstein a pillé les recherches. Mais en arrière plan de cette compétition féroce entre savants, se joue celle des états. Guerre froide, bombe atomique, équilibre de la terreur. Un polar explosif. 





La conjuration de Göttingen – Jérôme Legras – L'Archipel – 506 pages – 21€  - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 6 novembre 2016




vendredi 25 novembre 2016

Ennuis de Chine





Co-auteur de la série Braquo, David Defendi sait comment faire swinguer le scénario. Son premier chapitre dans une salle de jeux clandestine avec Christo, son héros légionnaire, des dealers, un camé et le poker comme science exacte est un modèle de furie maitrisée. Christo se retrouve otage de la DGSI pour infiltrer la mafia chinoise. L'occasion de rappeler le rôle peu glorieux de la France dans le saccage du Palais d'été en 1860.




Têtes de dragon – David Defendi – Albin Michel – 216 pages – 16€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 13 novembre 2016




jeudi 24 novembre 2016

Possibilités d'une île







Docteur en géostratégie, l’auteur a longtemps collaboré au journal Le Monde, et publié des ouvrages de vulgarisation en même temps que des romans, polar, SF ou mainstream. Ce thriller de politique-fiction nous emmène à Mopale, belle île de Méditerranée occidentale en proie à des velléités d’indépendance mais où la Mafia règne. L’action est trépidante comme dans une série télé, l’écriture efficace, la morale cynique: tous bananés!




La Banane - Alain Duret – Delatour France – 383 pages – 19€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 3 juillet 2016




mercredi 23 novembre 2016

Sauce financière





Ça démarre en fanfare à l'aéroport de Dallas où Enzo et Janet échappent de peu à un attentat. Lui sort de prison, elle est ingénieur, et ils vont former un couple dans l'esprit des comédies américaines. Mais David Khara se focalise sur un autre duo, celui d'Enzo et Andrew, agent fédéral. Les deux hommes opèrent au cœur des manipulations financières qui ont conduit Enzo derrière les barreaux. Vengeance, amour et amitié.





Atomes crochus – David Khara – J'ai Lu – 378 pages – 7,80€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 6 novembre 2016




mardi 22 novembre 2016

Rats de labo





Entre les angoisses de Minority Report et celles du Truman Show, Suzanne Stock réussit à trouver son territoire de terreur et de faux-semblants meurtriers. Qui est cette Melissa Stacker poussée sous les rails d'un train en  gare de Chicago? Indemne et traquée par de mystérieux "agents", elle bénéficie bientôt de la protection d'un tueur en rupture de cette Zone 52 où se mitonnent d'étranges soupes biologiques. Un suspense à la Hitchcock.





Zone 52 – Suzanne Stock – Le Passage – 256 pages – 18€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 30 octobre 2016




lundi 21 novembre 2016

On the road





On taille la route, avec Wenders, Lynch ou Colin Niel. L'Indic balaie la poussière sur les bas-côtés pour éclairer les paysages dans le noir. A travers des enquêtes qui n'ont jamais l'arrière-goût déplaisant des travaux universitaires, les auteurs braquent les projos sur les scories du bitume littéraire ou cinématographique avant d'acquitter ou de condamner les parutions récentes. Mauvaise foi argumentée.




L'Indic N°26 – 48 pages – 7€ dans les librairies spécialisées et sur le site FonduauNoir - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 11 septembre 2016




vendredi 18 novembre 2016

Un Village américain



Thomas H. Cook fait de Choctaw, petit comté bien réel d'un peu plus d'une dizaine de milliers d'habitants, le village imaginaire de son dernier roman. C'est une tribu indienne qui a donné son nom à ce comté de l'Alabama mais c'est dans l'art de la ségrégation envers les Afro-américains que l'Alabama s'est illustré à plusieurs reprises. En maniant les flashbacks entre la période contemporaine et les années soixante, son narrateur Ben Wade transforme le présent en receleur d'un passé inavouable.



Il y a toujours une obsession secrète qui taraude les héros de Thomas H. Cook. L'ami de Ben, Luke, est obsédé par la mort violente de la jeune et jolie Kelli sur le mont Crève-Cœur trente ans plus tôt; obsédé par le silence de Ben, aujourd'hui médecin de campagne et autrefois proche de la troublante Kelli. Ben est l'héritier des obsessions de son père qui l'entraînait sur des lieux insolites, nuages de sauterelles, chapelle ardente où s'alignent les corps des victimes d'une catastrophe en mer. 




Ben est considéré dans le village comme un bienfaiteur alors même qu'il redoute le ressac d'une mémoire où dominent les zones d'ombre.

Chez Thomas H. Cook, la part d'ombre se délivre avec parcimonie. On appelle ça le suspense mais c'est un raccourci trivial pour donner des gages à la littérature de genre. Kelli, la jeune fille assassinée,  se révèle par petites touches, mettant le lecteur en appétit de "lire entre les lignes", d'anticiper sur la solution des énigmes.

Et la véritable énigme, celle autour de laquelle gravitent tous les protagonistes du drame, c'est la faute originelle de l'Amérique. Constamment refoulée, elle garde l'écho des chants Choctaw sur les terres volées aux tribus, elle exhale encore ses fumets de cendres sur les bûchers de l'Alabama. Pendant les enchères du marché aux esclaves, on se divertissait en offrant la liberté au dernier né du nègre entravé capable d'atteindre le sommet du mont Crève-Cœur avant les autres. Les héros de Cook s'aiment, se haïssent et s'assassinent mais ce sont les ombres persistantes d'une histoire plus ancienne qui trament leurs destins tourmentés.
  
Sur les hauteurs du mont Crève-Cœur – Thomas H. Cook – Traduit de l'américain par Philippe Loubat-Delranc – Seuil – 368 pages – 22,50€ – ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 6 novembre 2016





jeudi 17 novembre 2016

La Guerre de demain






Mort au combat en 1916, le commandant Driant écrivit sous pseudo – devoir de réserve oblige – quelques anticipations marquantes d’une époque où l’on imaginait avec frénésie la guerre à venir. Par-delà ses détestations, qui étaient celles de son temps, on redécouvre aujourd’hui l’œuvre d’un successeur de Jules Verne, moins politiquement correct mais davantage versé en géopolitique.





Les guerres du Capitaine Danrit  - Daniel Compère et Marie Palewska – Le Rocambole/AARP (Belles Lettres) – 176 pages – 18€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 3 juillet 2016




mercredi 16 novembre 2016

Lutte des classes





En 1910, sur les docks du port du Havre, la mort d'un contremaître va servir de prétexte à un procès politique destiné à en finir avec la lutte des classes. Le syndicaliste Jules Durand est condamné à mort au terme d'un complot rondement mené. Illustré avec force par Mako, le roman de Roger Martin nous entraîne dans un monde où l'alcoolisme, la corruption et les maladies pulmonaires sont les principaux alliés du pouvoir.




L'affaire Jules Durand – Roger Martin et Mako – Les Éditions de l'Atelier – 176 pages – 16€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 23 octobre 2016




mardi 15 novembre 2016

Cage de Faraday





C'est le britannique Michael Faraday qui a découvert l'espace étanche électromagnétique au XIXe Siècle. Mac Faraday, le héros de Peter temple, est lui australien et c'est dans un petit village qu'il a choisi de se couper du monde. Ferronnier d'art là où son père était forgeron, il sera pourtant rattrapé par son passé d'agent fédéral après la pendaison d'un homme dans sa grange. Classique mais passionnant. 





La rose de fer – Peter Temple – Traduit de l'anglais (Australie) par Pierre Bondil – Rivages - 314 pages – 21€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 9 octobre 2016




lundi 14 novembre 2016

Délivrez-nous du mal






Le soleil de nuit irradie l'âme des paroissiens au fond d'un village oublié de Dieu. Le Pêcheur, truand notoire, a choisi Jon comme exécuteur de ses basses œuvres et Jon observe les causes qui le traversent, la leucémie de sa fille, la rédemption possible près d'une fille de pasteur aux élans gelés par l'ombre du temple. Les causes sont l'affaire du romancier et les bons romans échappent toujours à leur démiurge.




Soleil de nuit – Jo Nesbo – Traduit du norvégien par Céline Romand-Monnier – Série noire – 220 pages – 16€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 9 octobre 2016




vendredi 11 novembre 2016

l'âge d'homme






On dit parfois que le 20e siècle commence avec la Première Guerre mondiale. Pour le Garçon, héros construit comme une bribe d'humanité sur les scories de la mémoire, c'est l'âge d'homme qui s'annonce avec la plus terrible des expériences. De 1908 à 1938, Marcus Malte compose un tableau fragmenté de l'expérience humaine avec en contre-jour, le portrait d'une femme amoureuse libérant les "harmoniques" d'un récit exigeant. Prix Fémina 2016.




Le Garçon – Marcus Malte – Zulma – 544 pages – 23,50€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 16 octobre 2016




jeudi 10 novembre 2016

Dick, barjo magnifique



Invité à Metz en 1977, Philip K. Dick y prononce une conférence devenue culte – et objet de controverse: en gros, il y a une infinité d’univers parallèles tous plus illusoires les uns que les autres emboités comme des poupées russes et dans le tourbillon desquels nous entraîne un mauvais démiurge. 

Celui qui avait fait de son corps, comme le dit Carrère, un "shaker à cocktails chimiques", vivait-il le retour d’un bad trip d’acide, ou persistait-il dans son rôle de clown triste de la SF? Ses derniers romans, la Trilogie divine en particulier, en déroutèrent plus d’un: il paraissait sombrer dans un délire mystique.



Et pendant ses dernières années, on l’apprit plus tard, il avait noirci les milliers de pages d’une mystérieuse "Exégèse" sur laquelle les éditeurs aujourd’hui lèvent le coin d’un voile. Mais cet ensemble impressionnant n’a rien à voir avec les délires psychédéliques d’un Timothy Leary. Dick relit les gnostiques, interroge Héraclite et les présocratiques, prenant à bras le corps toute la tradition philosophique de Plotin à Spinoza et Heidegger, pour tenter de comprendre le monde où nous vivons, qui va mal c’est un lieu commun de le dire. À le lire ainsi on comprend mieux son Blade runner, plus proche de Pascal et de Beckett que de la lecture cyberpunk qu’en fit Ridley Scott. 



Junkie, clown, prophète, grand barjo devant l’éternel, un titre qu’il revendique, Dick plaide à sa manière pour les simulacres que nous sommes, il cherche à savoir dans la crainte et le tremblement. 

L’Exégèse 1 - Philip K. Dick – Éditée et annotée par Jonathan Lethem et Pamela Jackson - Traduction d’Hélène Collon - Nouveaux millénaire/J’ai lu – 764 pages – 39,90€ - *****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 2 octobre 2016




mercredi 9 novembre 2016

Monsieur Edouard





Avec Pascal Garnier, écrivain et peintre exilé dans un petit village d'Ardèche, et disparu en 2010, on sentait la filiation avec les grands désespérés du polar américain des années cinquante. L'horizon se referme de manière implacable sur des personnages englués dans la poisse quotidienne. Comme ce pauvre Edouard, déjà bien engagé sur la mauvaise pente. Barjot, c’est sûr, mais tellement humain.





Les hauts du bas – Pascal Garnier – Zulma – 192 pages – 9,95€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 9 octobre 2016




mardi 8 novembre 2016

Apocalypse nucléaire





Si les communautés criminelles de l'ancienne Union soviétique se retrouvaient autour de "lois" communes, les Ukrainiens eux n'ont jamais fait allégeance à la Russie. Les flambées récurrentes de haine qui embrasent la frontière orientale montrent le caractère irréductible de cet antagonisme. Cyril Gely et son personnage de photographe de guerre investissent  le décor apocalyptique de Tchernobyl. Vengeance et prédation ultime.




Fabrika – Cyril Gely – Albin Michel – 410 pages – 19,50€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 2 octobre 2016




lundi 7 novembre 2016

Norma tue Marilyn





Ses deux romans, "La Porte du Messie" et "L'Origine du monde", interrogeaient les textes fondateurs du monothéisme. Avec "Marilyn X", Le Roy réinterprète  les mystères autour de la mort de Marilyn Monroe. Un écrivain et sa femme sur la route 66, un moment d'égarement dans le décor aride du Nouveau Mexique et la découverte de carnets oubliés. Pourquoi Norma décida-t-elle en 1962 d'effacer Marilyn?





Marilyn X – Philip Le Roy – Cherche Midi – 272 pages – 17€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 2 octobre 2016




vendredi 4 novembre 2016

Be-Bop-A-Lula





Il y a la question posée par la mort de Jim Morrison mais le polar de Michel Embareck est surtout le prétexte d'une reconstitution historique. La fin des années soixante orchestre la rencontre explosive entre une Amérique au sourire ultra-brite et les soupentes alcoolisées où se fabriquent d'autres légendes plus triviales. "Le rock'n'roll est une affaire de sève qui monte dans les braguettes et descend au fond des petites culottes.





Jim Morrison et le diable boiteux – Michel Embareck – L'Archipel – 192 pages – 17€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 2 octobre 2016