lundi 31 octobre 2016

Corvée de bois





En roulant en direction des Landes, personne ne peut échapper au spectacle des montagnes de troncs entassés sous le jet permanent des arroseurs. Philippe Mediavilla s'intéresse au chablis de la tempête de 1999, enjeu de marchandages où se mêlent logique industrielle et cupidité financière. Avec Marco, l'activiste, et Laurent, le militant CGT, ce sont aussi deux visions des transformations sociales qui s'opposent.




Du pin et des larmes – Philippe Mediavilla – Cairn – 280 pages – 11,50€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 25 septembre 2016




vendredi 28 octobre 2016

Des Piétons de Paris



C'est donc le troisième roman de Julien Suaudeau, professeur aux États-Unis et pourtant si proche des peurs de la France contemporaine dont il a analysé les ferments dans "Dawa" avant de se projeter avec "Le Français" dans l'intimité d'un djihadiste "de souche". Un romantisme noir d'une vérité hallucinante. 




"Ni le feu ni la foudre" n'explique rien, rôde autour de la menace avec cinq piétons chargés de leurs propres malheurs mais inconscients du drame national qu'ils vont symboliser. Cinq personnages lancés comme des billes de flipper dans le petit matin de novembre. Paris ce matin-là se redessine sur leur humeur maussade. Un roman choral dans lequel Julien Suaudeau excelle à faire entendre les désaccords intimes, les rendez-vous manqués. 





Il y a Stella, treize ans et "froissée comme une vieille". Raphaël, son père, "fauché d'amour et d'argent", loser uberisé qui cultive une aversion affichée des Arabes. Raphaël est subordonné à Igor, un homme de 67 ans en pleine forme mais qui découvre brutalement que son mal de tête va l'expédier en soins palliatifs. De la même manière qu'il observe le naufrage de Raphaël, Igor prophétise sur celui de Paris: "une ville où seuls travaillent ceux qui ont pour fonction de servir ceux qui y vivent n'a pas d'avenir." Il y a encore Ariane, inquiète de son gros ventre où la vie s'impatiente, Pauline, enfin, échographe à la recherche de son frère disparu.

Julien Suaudeau ne nous raconte pas la fin parce que nous la connaissons déjà. Stella, Raphaël, Igor, Ariane et Pauline naviguent sans boussole apparente vers un concert programmé le soir. Nous sommes le 13 novembre 2015. Désorientés, singuliers et désormais condamnés à subir le feu et la foudre.

Ni le feu ni la foudre – Julien Suaudeau – Robert Laffont – 259 pages – 18€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 18 septembre 2016





jeudi 27 octobre 2016

Femmes fatales






La saison 6 du "Trône de fer" s’achève. Pour les fans qui devront attendre un an la suite, cette antho propose une nouvelle inédite située dans l’univers du cycle. Mais pas que: souvent mise à mal dans le genre, la femme est ici aux commandes, pour le meilleur et pour le pire. Petit bémol: tous les auteurs sont des hommes. On nous promet cependant un tome 2 pour bientôt, et rien que des femmes à l’écritoire!




Dangerous women - George R. R. Martin et Gardner Dozois - Traduit de l’anglais (USA) par Benjamin Kuntzer – J’ai Lu - 474 pages – 17,90€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 26 juin 2016




mercredi 26 octobre 2016

Court lettrage






Dix nouvelles publiées en revue ou inédites, dix nouvelles pour percevoir l'écho assourdi des marges, la douleur bétonnée des grands ensembles dans lesquels on est si seul pour mourir, l'envers détraqué d'une "république sociale" à l'agonie. Marc Villard est l'un des derniers écrivains à pouvoir nous trimballer au plus loin du sommeil, accrochés aux comptoirs "des bars qui cuisent à feu doux dans la nuit."





La Filles des abattoirs – Marc Villard – Rivages – 282 pages – 8,80€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 25 septembre 2016




mardi 25 octobre 2016

Printemps pourri






La fin de règne du "Résistant suprême" n'a pas de secret pour Patrick Raynal. Les slogans absurdes des groupuscules dont les sigles renvoyaient à la douceur stalinienne du goulag montrent à quel point la jeunesse ne garantit pas la qualité d'une éruption sociale. Son héros baroudeur revient d'Afrique en 68 pour répondre à l'appel de son ex. Sa fille étudiante a disparu au cœur de la mêlée. Nice est encore belle mais le monde va déjà mal.





Une ville en mai – Patrick Raynal – L'Archipel – 272 pages – 18€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 25 septembre 2016




lundi 24 octobre 2016

Jeu de massacre





Ils sont dix écrivains très reconnaissables, comme Frédéric Belvédère, Michel Ouzbek, Amélie Latombe ou Yann Moite. Réunis par un hôte mystérieux dans un monastère des Alpes maritimes, ils sont voués au sort des "dix petits nègres" d'Agatha Christie. L'exercice est rude, mené parfois avec beaucoup d'humour mais sans une once d'empathie pour aucun de ces personnages. L'analyse du marigot est un jeu de massacre.





Un bon écrivain est un écrivain mort – Guillaume Chérel – Mirobole – 224 pages – 19,50€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 25 septembre 2016




vendredi 21 octobre 2016

Sauver Médor






Quel bonheur de partager quelques instants (privilège des nouvelles) avec cet ancien taulard vétérinaire dans le Michigan. Chaque histoire met en vedette une victime à quatre pattes de l'inhumanité des bipèdes. On le sait les pit-bulls n'ont que la méchanceté des mauvais maîtres qui les exploitent. En compagnie du véto au grand cœur de Doug Allyn, le monde est presque meilleur.





Sombres créatures – Doug Allyn – Traduit de l'américain par Michèle Zachayus – Pocket – 384 pages – 7,40€ - ** 
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 18 septembre 2016




jeudi 20 octobre 2016

Arme secrète





La prise de contrôle par les nazis ou les alliés d’une arme de destruction massive d’origine alien est l’enjeu de ce 3e volet de la "Tétralogie des origines". Historien de la guerre, l’auteur met son érudition au service d’un thriller qui joue brillamment avec les codes, uchronie, ésotérisme, fantastique. La chute du Somaliland le 19 août 1940 ou la fuite en avion de Rudolf Hess le 10 mai de l’année suivante sont des temps forts du livre.




Club Uranium  - Stéphane Przybylski – Le Bélial’ – 620 pages – 22€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 26 juin 2016




mercredi 19 octobre 2016

Collabo Flic






Les périodes troubles fascinent les écrivains. Celle de la paix honteuse des années Quarante a vu l'émergence de figures monstrueuses qui doivent tout à l'Histoire. Si dans le roman noir, Hervé LeCorre reste encore indépassable avec "Après la Guerre", le flic de Slocombe, un salaud ordinaire contraint à l'excellence après un passage entre les mains de la Gestapo donne malgré tout de belles sueurs froides. 




L'affaire Léon Sadorski - Romain Slocombe – Robert Laffont – 500 pages – 21,50€ - Réédition Points Seuil août 2017 - 480 pages – 8,50€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 18 septembre 2016








vendredi 14 octobre 2016

Mélo Jazz






Au-delà de l'histoire du jazz et du rêve d'émancipation des Noirs, Mary Morris nous restitue les couleurs sépia du mélodrame. Sur la claudication grinçante du ragtime, Benny, petit livreur de casquettes et pianiste déjà doué, se laisse fasciner par le pouvoir de la musicienne du théâtre. Jusqu'au jour où c'est lui qui attire les foules quand le film n'en vaut plus la peine. Gangsters, fièvre sensuelle et années folles.





Jazz Palace – Mary Morris – Traduit de l'américain par Michèle Herpe-Voslinsky – Liana Levi – 416 pages – 22€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 18 septembre 2016







jeudi 13 octobre 2016

Invasion USA 2.0






Aussi improbable que l’invasion de l’Amérique par la Corée du nord dans le film de Dan Bradley, cette histoire d’un général ouzbek devenu dictateur des USA fut d’abord lue comme une allégorie du Vietnam. 40 ans après, classique intemporel très orwellien, le livre interpelle pour d’autres raisons, la manière dont il traite du syndrome de Stockholm en particulier, ou son extrême violence. Inédit.




Arslan - M. J. Engh – Traduit de l’anglais (USA) par Jacques Collin - Lunes d’encre/Denoël - 388 pages – 22€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 19 juin 2016




mercredi 12 octobre 2016

Bitumineux






Dans ce ghetto de Los Angeles, East, le chef des guetteurs, a quinze ans. Si les rêves n'y ont plus cours, les États-Unis restent la patrie de tous les mirages. C'est ce que découvrent East et ses potes chargés d'éliminer un juge, dénouement désespéré d'une plongée sous amphétamines. Rien de surprenant quand ton quartier s'appelle la Taule, ressemble à une fin de parcours pour junkies et à un tiroir-caisse pour dealers.





Dodgers – Bill Beverly – Traduit de l'américain par Samuel Todd – Seuil – 352 pages – 19,50€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 18 septembre 2016




vendredi 7 octobre 2016

Une guerre si vile




Félix et Justina, couple espagnol un peu trop sans histoire, exilé sur le Bassin d'Arcachon dans les années soixante, voit son existence ravagée par l'enlèvement de sa petite fille Jane. Elle s'appelle Consuelo mais Jane est le nouveau nom choisi par Justina le jour où son regard tombe sur le panneau du lieu-dit à l'entrée de Claouey: Jane de Boy.




Simone Gélin nous invite alors dans cette Espagne des années cinquante où la dictature ne fait pas de cadeau aux derniers républicains. Abril, petite fille d'un couple progressiste, vérifie la dureté des temps avec un père qui anime les réunions clandestines et une mère qui fait la vaisselle, parce qu'on peut partager le même idéal et un peu moins les tâches ménagères. Abril, elle-même, joue à la dinette pour de vrai à huit ans en donnant le biberon à sa petite sœur. 




Quand la prostitution reste la seule alternative pour nourrir sa famille, la mère d'Abril sauve ses enfants mais renonce à la dignité qui caractérisait sa jeunesse rebelle. Le prix à payer, c'est "ce regard de pauvre" dont elle hérite au grand désespoir de sa fille. 

Peu à peu s'imbriquent les rapports entre le destin tourmenté d'Abril et le fait-divers de Claouey. Roman réussi d'une tragédie familiale au cœur des années noires franquistes.

L'affaire Jane de Boy – Simone Gélin – Vents salés – 426 pages – 22,50€ - ***
Lionel Germain – d'après un article publié dans Sud-Ouest-dimanche - 11 septembre 2016




jeudi 6 octobre 2016

Un Privé venu d'ailleurs






Un univers steampunk totalement déjanté: Victoria règne sur Albion, Obéron sur la France, et d’autres personnages issus du "Songe d’une nuit d’été" de Shakespeare y mènent un sacré ramdam. Au moment où on inaugure le canal de Suez, l’ingénieur-mage Georges Hercule Bélisaire Beauregard a fort à faire avec une réincarnation de la déesse Isis et d’étranges émissaires venus d’Arkham, la métropole imaginée par Lovecraft, ou de Gotham City.





La nuit des égrégores  - Hervé Jubert – Folio SF/Gallimard – 304 pages – 7,70€ - *****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 8 mai 2016




mercredi 5 octobre 2016

Le Pô et les eaux






On suit le commissaire Soneri  dans une enquête sur la disparition d'un batelier du Pô. Il n'y a plus de pilote dans la barge mais le frère de celui-ci est réellement assassiné. Des sinistres pratiques des milices fascistes du siècle dernier aux turbulences imprévisibles du fleuve, Valerio Varesi nous trempe dans un brouillard à la Simenon. Prochaine aventure du commissaire Soneri en 2017 chez Agullo.  




Le Fleuve des brumes – Valerio Varesi – Traduit de l'italien par Sarah Amrani – Agullo – 320 pages – 21,50€
Réédition Points Seuil mai 2017 - 288 pages - 7,20€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 11 septembre 2016