vendredi 30 septembre 2016

Sortie de route



Begaarts-Plage, quelque part sur la Côte Atlantique, ressemble à une des petites villes qu'on trouve entre la Gironde et le Pays basque. "Quatre mille deux cents habitants, (…) touristes et bars à tapas l'été, solitude, chômage, mort programmée du peu d'industrie locale et désœuvrement l'hiver." Émilie, fille du pays, a travaillé comme infirmière dans un hôpital proche. La vie rêvée jusqu'à l'accident qui pulvérise les apparences d'un monde presque parfait.


Inscrite au cœur d'un soir de 14 juillet, la scène d'ouverture est une promesse d'insouciance que dément le surgissement des personnages. Simon Diez, d'abord, en quête de chair fraîche, "bang, bang, bang", Émilie ensuite, boiteuse, regard de braise. Après les derniers pétards, le face à face de séduction se solde d'une balle dans la jambe de Simon dont Émilie fait son prisonnier. Le décor désormais, c'est le mobile-home d'un chenil dans la pinède. La responsable de cette violence, une femme de "bientôt quarante ans, (…) survivant dans une caravane miteuse entourée de quarante-sept clébards."



Marin Ledun affiche sa volonté de "déconstruire" les évidences en exfiltrant assez rapidement son bourreau du thriller vers le roman social. La détresse d'Émilie renvoie à une violence organisée, parfois silencieuse, bien ancrée dans cette France dite "périphérique". Victime d'une sortie de route qui lui a coûté sa jambe gauche, elle "se trompe de colère", selon la formule d'Hervé LeCorre mais exprime son désarroi à la manière des "white trash" de la littérature américaine.

En douce  - Marin Ledun – Ombres noires – 256 pages – 18€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 11 septembre 2016




jeudi 29 septembre 2016

Retour à Collodi






Rendu célèbre par ses "Brèves de comptoir", Gourio est aussi un romancier flirtant avec la SF, et, ici, un conteur revisitant  avec fantaisie et tendresse les aventures de Pinocchio. Tout commence par une visite à Collodi – le village existe vraiment, au cœur de la Toscane. Apprenti menuisier, passionné par l’univers des jouets en bois, un jeune homme rêveur va y faire un voyage dans le temps et l’imaginaire.





L’arbre qui donna le bois dont on fit Pinocchio  - Jean-Marie Gourio – Papillon/Julliard – 168 pages – 18€ - *****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 8 mai 2016





mercredi 28 septembre 2016

Poulet frit





Subventionné par l'État du Kentucky, le père de Beam survit en gérant le ferry poussif qui traverse la Gasping River. Après avoir définitivement estourbi le fils du truand local, Beam est condamné à prendre la route. Avec cette peinture d'une tribu improbable où se mêlent sang Cherokee et petits Blancs chafouins, Alex Taylor nous livre un nouvel aperçu d'une Amérique en perdition dans les parfums de poulet frit.





Le verger de marbre – Alex Taylor – Traduit de l'américain par Anatole Pons – Gallmeister – 288 pages – 20€ - *** 
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 11 septembre 2016





jeudi 22 septembre 2016

Le grand silence blanc






Sur fond de changement climatique et d’une Amérique latine rongée par le pouvoir des cartels, l’odyssée d’un groupe d’enfants perdus à la conquête du plus grand lac souterrain du monde et de ses formes de vie inconnues, au cœur de l’Antarctique. Il y a du Jules Verne dans ce roman de découverte où la fiction prend sa source dans l’histoire authentique d’une expédition russe installée depuis 1957 au pôle sud, dans le cadre de l’année géophysique internationale.




Vostok - Laurent Kloetzer – Lunes d’encre/Denoël – 421 pages – 21,50€ - *****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 8 mai 2016




jeudi 15 septembre 2016

Le Fleuve de l'éternité






36 milliards d’êtres humains, en gros la population de la Terre depuis que l’homme est homme, ressuscitent un beau jour sur une planète géante que sillonne un fleuve mystérieux. Il y a vous et moi, bien sûr, mais aussi Cyrano de Bergerac, l’Alice de Lewis Caroll, la vraie, Mark Twain et quelques autres guest stars qui vont devenir les aventuriers d’un étrange avatar de l’Apocalypse. Un chef d’œuvre de la SF! 





Le Monde du fleuve  - Philip José Farmer – Traduction de Guy Abadia et Charles Canet - Mnémos – 1270 pages – 35€ - ****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 24 avril 2016





mercredi 14 septembre 2016

Vieillesse ennemie





Bernard Blancan et Pasqual D'Inca, deux comédiens bien connus des Aquitains, ont inspiré Éric et Didier, les deux flics de Bergerac dont Patrick Marty a fait les héros de son roman. Malgré une couverture inutilement racoleuse, l'enquête sur le meurtre d'une adolescente un peu trop attirée par les hommes d'un certain âge est l'occasion de parcourir les chemins de Dordogne où se pressent les chasseurs. Un sens du rythme acquis sur les séries télé. Bientôt sur vos écrans?  




La mariée nue – Patrick Marty – Fei Polar – 542 pages – 21€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 4 septembre 2016




vendredi 9 septembre 2016

Scotch on the rocks






L'homme a perdu la mémoire sur une île des Hébrides battue par les vents. Il ne reconnaît ni ses voisins, ni surtout les raisons qui l'ont entraîné jusque là. Avec ce retour en Écosse, Peter May mitonne un suspense passionnant dans un décor où tout porte à l'angoisse. Mais au-delà d'une intrigue calibrée pour les amateurs de frissons, le roman explore d'autres peurs contemporaines liées aux menaces qui pèsent sur les abeilles.




Les disparus du phare – Peter May – Traduit de l'anglais par Jean-René Dastugue – Rouergue – 320 pages – 22€ - *** 
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 4 septembre 2016




jeudi 8 septembre 2016

Fanfiction






Dans la foulée des feuilletonistes du XIXe genre Alexandre Dumas, deux auteurs US fan de séries TV réinventent les histoires à suivre, façon XXIe: auto-édition puis ebooks à succès repris par de grands éditeurs papier, monde post-apo, "pageturner" impérieux. Leur modèle: "Cliffhangers", une série oubliée des années 1970 dont le titre est devenu synonyme de suspense. Tout un programme! 






Yesterday’s Gone - Sean Platt et David Wright – Traduit de l’anglais (États-Unis) par Hélène Collon - Ed. Outrefleuve, 2 vol. - 204 et 236 pages – 11,90€ chacun - **
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 17 avril 2016




mercredi 7 septembre 2016

Paris/Kaboul






Trafic de drogue, exploitation sexuelle des enfants, on nage dans les eaux troubles afghanes en compagnie du colosse aux yeux verts, le "quomanndaan" Kandar, chef de la police criminelle incorruptible et respecté pour sa guerre contre les Russes et les talibans. A Paris, c'est la mafia qui cible l'ancienne patronne de la police judiciaire. Du pavé parisien au pavot afghan, on cachetonne sur la seringue.





Baad – Cédric Bannel – La Bête noire, Robert Laffont – 480 pages – 21,50€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 4 septembre 2016




mardi 6 septembre 2016

Laetitia et les ogres






Soudain on a le sentiment, au fil des pages de ce livre imposant et terrifiant, que les contes de l'enfance perdurent. Mais l'histoire qu'explore Ivan Jablonka vient d'un temps trop peu éloigné pour que la terreur se soit érodée, et le fait divers est trop récent pour pouvoir la gommer. C'est l'histoire de Laëtitia Perrais... (Lire la suite dans SOD)






Laetitia - Ivan Jablonka - Seuil - 400 pages - 21€ - ***
Yves Harté - Sud-Ouest-dimanche - 4 septembre 2016




Retour de braises





On retrouve Anne Capestan, chef des poulets grillés, ces flics esquintés par la vie, les vapeurs d'alcool et les exhalaisons sulfureuses d'un boulot pas comme les autres. La brigade des affaires désespérées enquête sur trois meurtres dont le point commun concerne de très près la commissaire. Prix Polar en série avec le premier épisode, Sophie Hénaff est remontée comme une pendule pour nous offrir une nouvelle saison qui mêle avec bonheur humour et suspense.




Rester groupés – Sophie Hénaff – Albin Michel – 330 pages – 18,50€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 4 septembre 2016




vendredi 2 septembre 2016

Paroles, paroles






"Les assassins ne sont pas intelligents", c'est ce qu'affirme un auteur de polars, jusqu'au jour où un étrange bonhomme va venir, sous le couvert douteux du CNRS, lui prouver le contraire. Le débat ne restera pas théorique très longtemps. On découvrira un beau matin le corps du romancier tué d'une balle de revolver. Le crime est-il parfait? Ça en a l'air. Thomas s'amuse beaucoup avec tous les ingrédients du roman mystère.




Les écrits restent – Louis C. Thomas – Sueurs froides Denoël 1983 (première édition en 1969 chez Denoël) – 168 pages – entre 2€ et 8€ sur les sites de vente en ligne - **
Lionel Germain - d'après une chronique radio: "Jazz-Gang" de février 1984




jeudi 1 septembre 2016

Fredric Brown réédité






Maître du nonsense et admirateur de Lewis Carroll, l’auteur propose dans ce petit roman paru en 1954 un exercice décapant: à travers une guerre des mondes bis et complètement farfelue, c’est à une critique en règle des poncifs de l’époque et de la paranoïa ambiante que nous avons droit. Un chef d’œuvre qui inspira sans doute Tim Burton pour son film Mars attacks!






Martiens, go home! - Fredric Brown – Traduit de l’américain par Alain Dorémieux - Folio SF/Gallimard – 216 pages – 5,90 € - ****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 10 avril 2016