vendredi 29 juillet 2016

Allumés






Laurent Chalumeau cuisine son étoupe-chrétien avec un sens du dialogue qui pète le feu et un casting d'allumés. George Clounet est le patron du Kif, une boîte de la Côte d'Azur. Un patron de paille dans un décor hautement inflammable où s'agitent les méchants du monde moderne, intégristes et magouilleurs. La réalité est une fiction sinistre qui veut nous priver de légèreté. Résistons.






Kif – Laurent Chalumeau – Rivages – 456 pages – 9€ - ***
Lionel Germain




jeudi 28 juillet 2016

Zone d'exclusion






Deux alpinistes, réchappés d’une avalanche, retrouvent village et hôtel déserts. Quelle catastrophe a bien pu avoir lieu pour transformer ainsi en zone d’exclusion cette paisible station hivernale? Une guerre, l’explosion d’une centrale? Ou alors ils sont morts, et c’est l’au-delà qu’ils arpentent? Un huis-clos poignant qui tient le lecteur en haleine jusqu’aux dernières pages. 





Au cœur du silence - Graham Joyce – Traduit de l’anglais par Louise Malagoli - Folio SF/Gallimard – 352 pages – 7,70€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 20 mars 2016




mercredi 27 juillet 2016

Réanimation




Une vieille paire de miss, programmées pour la préparation des confitures et les pauses bénitier, hostiles aux imprévus et aux lumières trop vives, se réaniment comme des adolescentes le jour où elles découvrent l'étrange pouvoir aphrodisiaque d'un engrais fabriqué par le voisin. En détournant la recette de leur confiture, les voilà femmes d'affaires audacieuses en mesure de financer l'abandon des toilettes au fond du jardin, par exemple. Suédois mais complètement à côté de la vague "marketée" nordique, le roman est l'anti-polar par excellence. Humour, décalage, ralenti. 


Aphrodite et vieilles dentelles – K.B. Holmqvist – Traduit du suédois par Carine Bruy – Mirobole – 256 pages – 19,50€ - ***
Lionel Germain




vendredi 22 juillet 2016

Le Bossu de la Reine






Idéal pour les vacances, ce gros roman de C.J. Sansom, nous téléporte au seizième siècle, en 1546 exactement, en compagnie de l'avocat bossu Matthew Shardlake, chargé de protéger Catherine Parr, sixième épouse d'Henri VIII. Le roi se rapproche des catholiques et les protestants sont persécutés, surtout les anabaptistes dont on peut découvrir les théories communistes avant l'heure. Histoire, aventures et suspense.





Lamentation – C.J. Sansom – Traduit de l'anglais par Georges-Michel Sarotte – Belfond – 848 pages – 23,50€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 10 juillet 2016




Dare est d'essai





Commençons par souligner l'exceptionnelle qualité de la sélection néo-noir chez Gallmeister. Un catalogue qui va du "Pike" de Whitmer à ce surprenant "Money shot" en passant par le chef d'œuvre absolu de Jon Bassoff, "Corrosion". Christa Faust nous entraîne dans l'enfer du X. Angel Dare, une ancienne actrice du porno, est contrainte à un retour qui commence dans un coffre de voiture. Un rythme sans faille.





Money shot – Christa Faust – Traduit de l'américain par Christophe Cuq – Gallmeister – 320 pages – 18,20€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 10 juillet 2016




jeudi 21 juillet 2016

La Nef des Fous





Étrange croisière où l’on s’amuse et où l’on meurt, de peur ou pour de bon.  Étrange équipage, un vrai-faux medium, deux sœurs suicidaires, un psychopathe, des paumés, des héros, et quelques fantômes. À l’est de Miami il y a encore des vaisseaux fantômes. Et à l’est de Miami il y a les Bermudes, c’est tout dire. Un thriller haletant qui recycle avec talent les mythes anciens ou modernes.





Jour quatre  - Sarah Lotz – Traduit de l’anglais par Michel Pagel - Fleuve noir – 464 pages – 19,90€ - **
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 20 mars 2016




mercredi 20 juillet 2016

Cul-de-sac





Léon est un clochard auquel tout le monde s'est habitué sans jamais interroger les raisons de son errance. Il n'a pas de chien, il ne boit pas, et surtout, il ne se sépare jamais de son gros sac. Sa rencontre avec Dimitri qui lui propose un toit précaire est une aubaine jusqu'au jour où on lui vole son sac. Le drame est minuscule mais Serge Camaille en fait le prétexte à découvrir l'humanité qu'on refuse si souvent aux plus démunis.






La main sur le sac – Serge Camaille – Marivole – 196 pages – 20€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 10 juillet 2016




mardi 19 juillet 2016

En ligne de mire







Dans "La terreur de vivre" les personnages semblaient se tenir en ligne de mire dans l'immensité des paysages nord américains. Un premier roman prometteur, disions-nous pour saluer le souffle et la tension entre des hommes à la nuque un peu raide, comme ce fils de shérif. On le retrouve, promesse tenue, shérif adjoint face à son père sorti de prison. Une apothéose poignante et magnifique. 



Parfois le loup – Urban Waite – Traduit de l'américain par Céline Schwaller – Actes Sud – 352 pages – 22,50€ - ****
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 10 juillet 2016




Passeurs de drogue






Au niveau de la frontière canadienne, les passeurs de drogue arpentent la montagne comme on joue au chat et à la souris. Un jeune shérif plein de culpabilité pour les fautes commises par son père, lui-même ancien shérif, traque un vieux passeur qui lance une dernière fois les dés avant de plier bagages avec sa compagne. En guise de juge de paix, un tueur des cartels les tient en ligne de mire. Un premier roman prometteur.





La terreur de vivre – Urban Waite – Actes Sud – 270 pages – 22,50 euros- *** 
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 30 janvier 2011




mercredi 13 juillet 2016

Avec vue sur la mort



Louis Sanders-Médiathèque de Nérac-©D.R.

Louis Sanders est le pseudonyme d'un homme à la rondeur énigmatique. Son enfance parisienne dont on retrouve la trace dans "La chute de Monsieur Fernand" livre les faux-semblants à décrypter. Le roman publié en 2014 aux éditions du Seuil, raconte Pigalle à travers la vie d'un faussaire charismatique. Ça pourrait n'être qu'une parenthèse dans l'œuvre d'un auteur qui évoque désormais le charme trompeur d'un Périgord où se fracassent les rêves de la communauté anglaise.




Cette œuvre se tient en cinq romans chez Rivages. Et dès le premier, "Février", on découvre le malentendu fondateur de cette collision du fantasme avec le réel. Ce n'est jamais la Dordogne que ces expatriés pensent conquérir mais un territoire bucolique qui n'existe nulle part. Louis Sanders, enfant de Pigalle, a fréquenté Cambridge avant de venir s'installer dans le Périgord. À l'intersection de deux imaginaires, il a su voir à quel point la ligne de partage prenait parfois des allures de douve. 



En contemplant des cartes postales depuis Londres, des vies exténuées se promettent une nouvelle naissance. Sauf que la carte postale est habitée par d'autres vies rugueuses dont la langue et les coutumes ne sont guère accessibles aux citadins en quête d'un joli décor. 

Enfin et surtout, les héros de Sanders arrivent suffisamment lestés pour sombrer corps et âmes. Alcoolisme, jalousie, couples désemparés, la Dordogne n'est plus qu'un repère géographique malheureux où le naufrage peut s'accomplir. À la lecture du dernier roman de l'auteur, on retrouve en condensé la structure profonde de l'œuvre. "Auprès de l'assassin" n'est pas un roman régionaliste. Le lieu n'est qu'un prétexte nécessaire vers lequel convergent des hommes et des femmes destinés à se perdre. Profitons-en pour effacer un reproche déjà entendu. Louis Sanders ne méprise pas les Périgourdins. Les Anglais non plus d'ailleurs. L'écosystème lui aussi est un leurre.

Louis Sanders nous parle de la nuit. Celle qui arrive lentement, comme une effraction dans les clartés désirables de l'aube. La nuit qui ne sera jamais plus belle que le jour, sauf sans doute dans la rêverie opiacée des poètes. "Auprès de l'assassin" est une nuit en devenir. Mark, sa femme Jenny, et leur fils Jimmy, investissent la maison délabrée qu'ils ont le projet de transformer en chambres d'hôtes. Le voisin proche a peut-être assassiné sa femme. Les autres sont hostiles. Dans une sorte d'hallucination alcoolisée, Mark découvre la chasse, le conformisme, la haine et le lâche engourdissement qui le sépare de sa famille.




"Cette nuit-là, Jenny (…) se réveilla, convaincue qu'une présence hostile habitait la maison, mais elle n'en parla pas à Mark. (…) elle avait eu le sentiment, une fraction de seconde, d'apercevoir les êtres grotesques, aux visages difformes, aux membres atrophiés."

Comme dans le Horla de Maupassant, une puissance dévorante et invisible rôde à la frontière de ce monde en éveil. Avec vue sur la mort.  





Auprès de l'assassin – Louis Sanders – Rivages noir – 200 pages – 7,50€ - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 10 juillet 2016





mardi 12 juillet 2016

Club des Cinq, le retour






Le huis-clos parfait d’une maison perdue dans la neige, un meurtre, puis deux, et des souvenirs de lectures d’enfance qui prennent chair, François, Claude, Mick, Annie et le chien  Dago. Quand ces fantômes de papier resurgissent, la nostalgie cède le pas à la panique. Du conte noir au thriller d’épouvante, une dérive onirique déroutante.




Le Club  - Michel Pagel – Les Moutons électriques – 154 pages – 15€ - **
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 13 mars 2016




lundi 11 juillet 2016

Tarif étudiante





Étudiante, quand on rêve d'Espagne, ça ressemble à la chaleur festive de Barcelone et jamais aux lueurs glacées de la Jonquera. En sautant la case Erasmus, Virginie se retrouve prisonnière d'un bordel de la frontière, et rebaptisée Begonia pour le plaisir tarifé des camionneurs. Anna Bourrel expose avec une efficacité glaçante la perdition du corps mais réussit surtout à faire surgir une parenthèse désenchantée où domine l'espoir de rédemption.





Gran Madam's – Anne Bourrel – Pocket – 224 pages – 5,30€ - *** 
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 3 juillet 2016




vendredi 8 juillet 2016

Tous les crimes mènent aux Roms



"Le Président va se faire voir dans des pays dont personne ne parle, cherchant le titre – dont tout le mode se fiche – de leader régional des Balkans. Il s'imagine, devant la glace de sa salle de bains, qu'il peut tutoyer tous les grands de la planète et, de la passerelle d'embarquement, il donne ses instructions au ministre de l'Intérieur qui consent alors, et alors seulement, à quitter l'île méditerranéenne d'où il s'occupe, le ventre au soleil, du petit pays qui lui garantit tendrement son fauteuil de ministre."





Dans le roman de Bogdan Teodorescu, le constat le plus accablant du système politique roumain est dressé par un journaliste. Après une série de meurtres de Roms dans les rues de Bucarest, on comprend l'agacement du Président devant ce legs européen que représente la liberté de la presse. Mais qui est ce mystérieux Poignard (Spada) qui s'en  prend aux Roms? 





L'unique député rom explique au parlement, sous les huées de ses collègues, que le fatalisme apparent de cette minorité pourrait se transformer en colère. Surtout après l'humiliation faite aux victimes pendant les funérailles. Fier de son bilan économique, le président sent l'injustice du monde à son égard. 

Pourquoi donc ne réussit-on pas à coincer l'assassin? Parce qu'il n'y a plus d'essence dans les voitures de police, parce que personne n'a une idée précise de l'ampleur de la corruption du système, parce que le thème de l'insécurité est un trésor électoral. D'ailleurs, quand on aura trouvé l'assassin, rien n'aura vraiment changé. Pour Bogdan Teodorescu, tous les chemins du crime mènent aux Roms. Savoureux mais piquant.       

Spada – Bogdan Teodorescu – Traduit du roumain par Jean-Louis Courriol – Agullo noir – 320 pages – 19€ - *** 
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche 3 juillet 2016




jeudi 7 juillet 2016

Paradoxe interdit






Entre Wells et "Retour vers le futur", le film de Robert Zemeckis, il y eut Anderson et sa fameuse patrouille qui veille au grain et traque impitoyablement tous ceux qui voudraient modifier le cours du temps par intérêt sordide, générosité imprudente ou simplement par jeu. On ne surfe plus impunément au fil du temps.  L’intégrale d’un cycle plus souvent cité que vraiment lu.





La Patrouille du temps - Poul Anderson – Éditions du Bélial’ - 2 volumes, 1194 pages – 25€ chaque volume - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 13 mars 2016




mercredi 6 juillet 2016

Sauvez les filles






Le contrôle des naissances en Chine a généré d'ignobles trafics dans les provinces les plus reculées. À travers l'histoire d'une ONG chargée d'enquêter sur les disparitions mystérieuses de petites filles, Julie Ewa nous invite à partager le chemin de croix de l'une d'elles. Enlevée par un réseau mafieux, Chi-Ni affronte ses bourreaux grâce au courage et à l'intelligence acquis auprès d'un moine bouddhiste. Terrifiant.





Les petites filles – Julie Ewa – Albin Michel – 410 pages – 21,50€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 3 juin 2016




mardi 5 juillet 2016

Qui dit vrai?





Qui d'Hortense ou de Sophie détient la vérité? C'est à un éprouvant jeu du chat et de la souris que nous invite Jacques Expert dans ce roman choral où les deux femmes tentent de persuader le lecteur que l'une est une mère privée de son enfant et que l'autre est bien cette petite fille enlevée par son père vingt-trois ans plus tôt. Inspiré par un fait-divers, Jacques Expert est ici au sommet de son art et nous entraîne vers un épilogue stupéfiant.




Hortense – Jacques Expert – Sonatine – 336 pages – 20€ - Réédition Livre de poche mai 2017 - 348 pages - 7,60€ - ****
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 3 juillet 2016







lundi 4 juillet 2016

Une fille Canon





On a l'impression qu'Anselme Viloc, spécialiste des disparitions non élucidées, "ethnologue des courants d'air", "flic de papier" dans un Castéja bordelais réinvesti par l'imaginaire, se prépare à quitter la "Grande Maison". Une femme trouvée sur la plage près du Canon évoque un fils mystérieux et plonge l'inquisiteur du rêve dans les secrets de la résistance. Le "privé" intuitif l'emporte avec talent sur le fonctionnaire.




A la place de l'autre – Guy Rechenmann – Vents salés – 286 pages – 19,50€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 3 juillet 2016




vendredi 1 juillet 2016

Un monde meilleur





Le piranha n'est pas un poisson d'avril même si l'éditeur éponyme a choisi cette date pour nous offrir ce cauchemar printanier. Après la mort violente d'un adolescent abattu en plein Londres, Cynthia Bonsant, journaliste au Daily londonien enquête sur une société américaine spécialisée dans l'analyse des données personnelles. L'auteur autrichien de "Black-out" décrypte les promesses de bonheur de ce monde connecté et anticipe à peine sur les visées totalitaires de l'industrie numérique.  




Zero – Marc Elsberg – Traduit de l'allemand par Pierre Malherbet – Piranha – 432 pages – 22,90€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 26 juin 2016