jeudi 30 juin 2016

Bonheur insoutenable





La SF est souvent un prisme pour mieux saisir le réel. Deuxième volet de la série “Les brillants”, ce thriller uchronique nous transporte dans une Amérique au bord de la guerre civile: les mutants sont partout, à la Maison blanche et chez les terroristes, et le reste des humains demeure perplexe devant le fossé grandissant qui le sépare de ces êtres exceptionnels et de leur vision inquiétante du bonheur. 





Un monde meilleur  - Markus Sakey – Traduit de l’américain par Sébastien Raizer - Série noire/Gallimard – 431 pages – 20€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 6 mars 2016




mercredi 29 juin 2016

Croquer la pomme






Comme Laurent Alexandre et David Angevin dans "L'Homme qui en savait trop", David Lagercrantz s'intéresse au mystère de la pomme au cyanure croquée par Alan Turing en 1954. Mathématicien de génie, artisan du déchiffrage des codes secrets pendant la Seconde Guerre mondiale et précurseur de nos ordinateurs, il est aussi un homosexuel persécuté dont le flic bienveillant de Lagercrantz cherche à comprendre le suicide. 





Indécence manifeste – David Lagercrantz – Traduit du suédois par Rémi Cassaigne – Actes Sud – 384 pages – 23€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 26 juin 2016




mardi 28 juin 2016

Berlin 43






Les Juifs étaient près de 160 000 à Berlin en 1933 et seulement 75 000 en 1939 après les lois racistes. Une communauté réduite à un millier à peine survivra dans la clandestinité, soumise au chantage de quelques exploiteurs ou protégée par des "Justes". Richard Oppenheimer, commissaire juif épargné par un mariage mixte, enquête à la demande d'un SS sur des meurtres de femmes en 1943. La terreur appartient hélas à l'histoire.





Germania – Harald Gilbers – Traduit de l'allemand par Joël Falcoz – 10/18 – 480 pages 8,80€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 26 juin 2016




lundi 27 juin 2016

Hors connexion






Nos vies se condensent en flots de gigahertz, nos âmes se figent au cœur du Big Data, mais l'équation possède un "inconnu". Il est né sous "X", hostile à l'océan binaire dans lequel Thomas, le héros du roman, refuse aussi de se noyer tout en traquant le déserteur de la toile. Luc Chomarat explore les corridors secrets du monstre digital et offre en "aperçu" la punition de l'homme diverti.    






Un trou dans la toile – Luc Chomarat – Rivages – 230 pages – 8,20€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 26 juin 2016




samedi 25 juin 2016

Folles de mai



"Mapuche", c'est le nom d'une communauté indigène parquée dans les contreforts des Andes et sans cesse martyrisée depuis le début de la colonisation. De même que la dictature argentine s'organisait autour de trois principes: le sang des victimes qui liait les oppresseurs, l'obéissance à laquelle ils s'astreignaient et la corruption dont ils tiraient leurs bénéfices, le récit de Caryl Férey s'installe autour de trois figures.



D'abord Jana, l'Indienne mapuche qui se sent aride et sèche depuis le viol de sa mère par les carabiniers. Ensuite, Ruben Calderon, fils d'un poète assassiné, devenu détective privé à la recherche des disparus que réclament les Mères dans une ronde obsessionnelle sur la Place de mai. L'Argentine, enfin. L'Europe y a posé sa mémoire et Buenos Aires n'est plus qu'un cauchemar séducteur où se sont métissées les cultures du Vieux Continent. "Les Mexicains descendent des Aztèques, les Argentins descendent du bateau…".





Maud Tabachnik dans le "Tango des assassins" et Ledesma (auquel Caryl Férey adresse un clin d'œil amical à travers un des ses personnages) ont déjà abordé à leur manière le thème des enfants disparus, mais qui peut rester insensible au charme rugueux de Ruben Calderon enquêtant dans le milieu très fermé des anciens généraux avec l'insolence et la gouaille de Philip Marlowe?

Mapuche – Caryl Férey – Série noire Gallimard – 450 pages – 19,90 € - Folio mars 2016 – 560 pages – 8,70€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 27 mai 2012




mardi 21 juin 2016

Wells, la bio






Disparu voici 70 ans, il eut l’avantage sur Verne  de voir d’un peu plus près ce futur dont l’un et l’autre sont réputés avoir été les prophètes. Mais Wells alla plus loin, imaginant la machine à remonter le temps, les martiens qui débarquent, les manipulations génétiques… et les premiers hommes sur la Lune et pas simplement autour. Une biographie qui deviendra vite indispensable. Et un cahier photo étonnant.





H. G. Wells - Laura El Makki – Folio/Gallimard – 241 pages – 8,70€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 6 mars 2016




lundi 20 juin 2016

Con carne






Tous les romans de Caryl Férey mènent à l'homme. De la Nouvelle-Zélande à l'Argentine en passant par l'Afrique du Sud, on finit dans les bras d'un gars ou d'une fille dont le désespoir a un parfum universel. Nous voilà au Chili, dans les dernières ombres portées du plan Condor de sinistre mémoire. On tue les pauvres, on souffre, on meurt. Et on s'aime. En "Cinémascope".





Condor – Caryl Férey – Série noire Gallimard – 412 pages – 19,50€ - Écoutez/Lire Gallimard – texte intégral lu "brillamment" par Michel Vigné – 2CD MP3 – 11heures d'écoute – 21,90€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 19 juin 2016



sur le site de l'éditeur




samedi 18 juin 2016

Mordre à l'hameçon



"Ils connaissaient mieux que quiconque Willow Pond, vaste étendue d'eau parfois meurtrière, tout comme les lacs plus petits et les rivières des environs. Ils étaient devenus l'image de Cedar Lodge. On les voyait sourire sur les publicités en pleine page de tous les magazines sportifs chics diffusés aux États-Unis, au Canada et en Europe, leur épaisse chevelure brune agitée par le vent, leur visage bronzé et moucheté de taches de rousseur, photographiés en train de brandir un black-bass, une truite ou un brochet scintillant d'une taille record. «Venez pécher avec Brad Seldon et Merrill Beauchamp, les meilleurs guides de pêche en eau douce du Maine!» Les pêcheurs du monde entier visitaient le site Internet de Cedar Lodge ou décrochaient leur téléphone pour mordre à l'hameçon."




"Pourquoi, se demandait Renee, le meurtre était-il considéré comme un tel crime, si la victime était non seulement détestable et indésirable, mais si, par pure malveillance, elle privait aussi les autres de leur bonheur et de leur liberté? Dans beaucoup de romans policiers anglais qu'elle lisait avec avidité, les victimes étaient souvent des vieillards méchants et tyranniques dont l'élimination rendait le monde meilleur. D'accord, ils n'étaient pas toujours vieux, mais en général ils étaient méchants."



Meurtres à Willow Pond – Ned Crabb – Traduit de l'américain par Laurent Bury – Gallmeister – 432 pages – 24,30€ - *** 




sur le site de l'éditeur




vendredi 17 juin 2016

Je ne suis pas Charlie




Le Charlie de Peter Farris est un petit homme désolant et désolé de sa petite vie d'employé d'une petite banque dans un bled encore plus petit que ses rêves. Hobe Hicklin, lui, est un grand méchant sorti d'une prison où la fraternité aryenne fait la loi. Peter Farris le met sur le chemin de la banque. Après un braquage associé à une prise d'otage, Charlie et Hicklin vont apprendre à se haïr avec du monde aux trousses. Sombre, rythmé, voilà un condensé du cauchemar américain, auquel Farris offre une conclusion surprenante et tragique.



Dernier appel pour les vivants – Peter Farris – Traduit de l'américain par Anatole Pons – Gallmeister – 384 pages – 18,40€ - ***
Lionel Germain




jeudi 16 juin 2016

À force de rêver





Comme Jeury, Messac pensait qu’on finirait par se battre avec nos rêves. Auteur de SF, pamphlétaire, anarchiste non-violent, il disparut dans un camp de la mort en 1945, lors des dernières semaines de la guerre. Une passionnante préface de Natacha Vas-Deyres resitue cet écrivain majeur dans le paysage de l’anticipation française qu’elle connait si bien.





Propos d’un utopien - Régis Messac – Éditions Ex Nihilo – 107 pages – 12€ - ****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 21 février 2016




mercredi 15 juin 2016

Manque de jus





Quand Marc Elsberg a imaginé son scénario catastrophe d'une attaque terroriste plongeant l'Europe dans le noir, la fiction semblait sans rapport avec la sécurité réelle des centrales. Mais son hypothèse a malheureusement été corroborée sur deux points inquiétants: la vulnérabilité de l'interconnexion des systèmes et les problèmes de refroidissement mis en évidence après Fukushima. Le roman fait peur. L'Europe manque de jus pour affronter de manière fédérale une menace de cette envergure.




Black-Out – Marc Elsberg – Traduit de l'allemand par Pierre Malherbet – Piranha – 476 pages – 22,90€ - **
Lionel Germain




mardi 14 juin 2016

Le clou de la soirée




Endosser le crime d'un autre et accepter de passer quelques années en prison contre une promesse de récompense à la sortie, c'est le marché auquel se résout un chômeur "battu par la vie". Le vrai coupable, fils de ministre, est protégé par une organisation quasi mafieuse. Au cours d'une soirée arrosée, il a provoqué la mort d'une jeune fille bousculée contre un clou mal planté. Comment vit-on ce transfert de culpabilité? Peut-on se soustraire aux conséquences de ses actes? C'est le questionnement sur lequel s'attarde avec intelligence Élodie Geffray.



Et le silence sera ta peine – Élodie Geffray – Belfond – 240 pages – 18€ - **
Lionel Germain




lundi 13 juin 2016

American Rififi






Au côté de Marion Briem, Erlendur n'est qu'un jeune inspecteur à la criminelle et le roman d'initiation qu'écrit Indridason se double d'un travail assez réussi sur la genèse de son personnage. On a connu Erlendur vieux et sur le point de se dissoudre dans les monts glacés d'Islande, on le découvre au début des années quatre-vingts en pleine guerre froide menée par les encombrants cousins d'Amérique.





Le lagon noir – Arnaldur Indridason – Traduit de l'islandais par Éric Boury – Métailié – 320 pages – 20€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 5 juin 2016





samedi 11 juin 2016

Salauds anonymes




" «Ce sont des garçons pauvres. Pauvre au sens littéral du terme. C'est pour ça qu'ils sont à vendre. Contre de l'argent, que leurs parents miséreux acceptent volontiers pour se débarrasser d'eux. Ils sont graciles et on les pare d'habits de femme. On les maquille. On leur apprend à sourire de manière aguicheuse. On leur donne des bijoux argentés avec des grelots qui tintent quand ils dansent. Car ils doivent danser. Ils doivent impressionner les hôtes. Les hôtes d'autres hommes puissants, généralement des seigneurs de guerre, de riches hommes d'affaires ou de pouvoir. Ils peuvent prendre du bon temps avec ces enfants. (…) C'est une tradition séculaire en Afghanistan qui est maintenant importée aux Pays-Bas par quelques salauds anonymes.» "





Un papillon dans la tempête – Walter Lucius – Traduit du néerlandais par Yvonne Pétrequin et Brigitte Zwerver-Berret – Le Masque – 512 pages – 22,90€ - ***



sur le site de l'éditeur




vendredi 10 juin 2016

Du feu de Dieu




"Le voici! Ce pour quoi toutes vos croisades et les meurtres au nom de Dieu ont été commis. Le voici! Et ça vous plaît?" Oui, trois fois oui. Le mystère que nous propose Stephen King à travers les injonctions du révérend Charles Jacobs est de ceux qui anesthésient les âmes simples. Ce bruit derrière la porte. Et cette porte à ouvrir. Le narrateur de Revival a six ans quand il rencontre le révérend. Celui-ci est alors un jeune pasteur charismatique. La mort brutale de sa femme et de sa fille le transforme en guérisseur de foire, impatient d'apprivoiser le feu de Dieu. On se damne pour King.


Revival – Stephen King – Traduit de l'américain par Océane Bies – Albin Michel – 438 pages – 22,90€ - ***
Lionel Germain




jeudi 9 juin 2016

Pelot: État des lieux






50 ans de carrière à 70 balais, du premier western publié en Marabout aux romans préhistoriques coécrits avec le grand Yves Coppens, en passant par quelques titres phares de la SF contemporaine, l’œuvre de l’écrivain vosgien méritait ce numéro spécial de la revue des mondes imaginaires, où l’on trouve tout, comme d’habitude, des textes rares, et une bibliographie exhaustive: une somme!




Pierre Pelot en toute liberté  - revue Bifrost n° 81. Éditions du Bélial’- 191 pages – 11€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 28 février 2016




mercredi 8 juin 2016

Un œil de trop






Les limites de la bienveillance sont souvent franchies à pas menus pour aboutir à un contrôle organisé. C'est ce que va découvrir un couple d'enseignants fraichement débarqué dans une petite ville de l'Iowa. Un ancien flic a organisé la sécurité du voisinage grâce à son association de vigilance locale. Si l'œil de la caméra peut parfois sauver des vies, il est ici l'instrument d'un projet totalitaire et sordide. 





Sécurité renforcée – Sean Doolittle – Traduit de l'américain par Élie Robert-Nicoud – Rivages – 352 pages – 22€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 5 juin 2016




mardi 7 juin 2016

Le mouroir de la vie






"Putes, corruption, trahisons. (…) Votre politique est le miroir de la vie." Une ancienne ministre évoquait le darwinisme des cercles du pouvoir. On y accède au prix d'une sélection terrible, le projet des "élus" concerne davantage leur maintien dans le cercle que l'avenir du pays, et toutes les turpitudes mènent à Rome. "Suburra" est le manuel indispensable à la compréhension du réel.





Suburra – Carlo Bonini et Giancarlo De Cataldo – Traduit de l'italien par Serge Quadruppani – Métailié – 480 pages – 23€ - ****
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 5 juin 2016




lundi 6 juin 2016

Poupées de sang





Des fillettes disparues, des poupées envoyées aux familles, les étendues glacées au nord de Chicago où les lacs se referment sur les secrets d'une petite ville, Sonja Delzongle dépayse nos peurs mais nous rend proches des personnages et du décor. L'intrigue n'est pas d'une invention éblouissante et pourtant grâce à Hannah Baxter, sa profileuse, on s'invite sans peine dans les méandres de cette enquête au final réfrigérant.





Quand la neige danse – Sonja Delzongle – Denoël – 350 pages – 21€ - *** 
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 5 juin 2016




samedi 4 juin 2016

C'est une maison noire



"La maison se trouvait au beau milieu de la prairie, mais tout l'accès avant était protégé par un vieux mur couvert de végétation au milieu de laquelle se perdait une sonnette en fonte qui avait été peinte en vert pour passer plus inaperçue encore. (…) En suivant le mur, elle tourna à gauche pour découvrir derrière une palissade couverte de liserons, une porte moderne surmontée d'un petit toit de pierre et protégée par un interphone avec vidéosurveillance et la plaque d'une entreprise de sécurité qui brillait, incongrue, sur un tronc allongé dans lequel des mains expertes avaient gravé le nom de la propriété: Argi Beltz. Deux mètres plus loin se trouvait l'accès au garage.
- Argibeltz, murmura-t-elle.
«Lumière noire». «C'est une maison noire.» "






Une offrande à la tempête – Dolores Redondo – Traduit de l'espagnol par Judith Vernant – Mercure de France – 520 pages – 23,80€ - ***



sur le site de l'éditeur




vendredi 3 juin 2016

Les mots du crime








Son héros est un monstre et le lecteur patient n'aura aucune raison d'en douter quand il refermera le livre. Pourtant, loin d'être une invitation à saisir les effets de cette monstruosité tempérée par le discours explicatif d'un enquêteur, le roman de Frédéric Jaccaud renvoie la charge de la preuve au lecteur en effaçant cette fameuse scène de crime par laquelle tout bon polar se doit d'ouvrir le bal. 




Le "héros" est un vieillard sommé de convoquer ses souvenirs de l'été 1986 où semble-t-il sa vision du monde s'est définitivement altérée pour le conduire à devenir un tueur. A l'apogée des cendres, il trie les braises d'une innocence perdue avec la découverte du langage.

Monstre – Frédéric Jaccaud – Calmann-Lévy – 218 pages – 17 euros - ****
Lionel Germain – à partir d'un article publié dans Sud-Ouest-dimanche – 8 août 2010




jeudi 2 juin 2016

Bricolo and Co






L’un concocte des univers déjantés – genre une Terre plate, l’autre est réputé écrire une SF illisible si l’on n’est pas prix Nobel de physique. Le résultat de leur petit jeu à quatre mains est proprement bluffant – et jubilatoire. Saviez-vous qu’il suffit d’une simple pomme de terre, d’un fil de cuivre et d’un commutateur électrique pour bricoler un "passeur" de mondes? 





La Longue Terre - Terry Pratchett et Stephen Baxter – Traduit de l’anglais par Mikael Cabon - Pocket - 474 pages – 8,40€ - **
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 21 février 2016




mercredi 1 juin 2016

Attention à la Marsh






Si vous éprouvez une certaine nostalgie pour vos lectures de jeunesse et les frissons respectables d'Agatha Christie, plongez-vous dans l'univers de Ngaio Marsh (une vieille dame qui fut jeune dans les années cinquante et disparut en 1982). De la tasse de thé à l'escapade gothique dans un cimetière, tout y est. La victime a été suicidée proprement dans sa chambre d'hôpital, tous les personnages sont suspects et la femme du gentleman détective s'adonne à la peinture. 




Affaire à enterrer – Ngaio Marsh – Fleuve noir novembre 1983 – 10/18 novembre 2000 – 246 pages – 7€ (environ) - **
Lionel Germain