samedi 30 avril 2016

Black Suede Shoes


"Tout à coup, Zack repense au graffiti sur la porte: À MORT TOUS LES NÉGROS.
« Est-ce que ça ne pourrait pas tout simplement être des racistes? Des membres d'un groupuscule d'extrême droite?
- Ce n'est pas impossible, convient Deniz. Récemment, j'ai eu l'occasion de surfer sur Avpixlat et d'autres sites Web du même genre dans le cadre d'une autre affaire. Ce ne sont pas les commentaires haineux sur les clandestines thaïlandaises qui manquent. Mais de là à commettre un tel acte… D'habitude, ces gens se contentent de répandre leur fiel sur le Net.
- Tu as entendu parler d'Anders Behring Breivik? » demande Zack."




Zack – Mons Kallentoft & Marcus Lutteman – Traduit du suédois par Frédéric Fourreau – Série noire Gallimard – 450 pages – 20€ - **


sur le site de l'éditeur




vendredi 29 avril 2016

La Grâce et l'Innocence


Il est rare aujourd'hui de lire un roman où la grâce et l'innocence se partagent le privilège de séduire le lecteur. Est-ce l'éloignement de Paris (Bénédicte Lapeyre est professeur au Collège d'Europe à Bruges) et la pratique d'une certaine diversité qui rendent l'exercice possible? Le commandant Leclerc est un flic à la retraite qui croise une mystérieuse jeune femme dans les allées du Père-Lachaise. Elle est d'une très grande beauté mais lui rappelle pourtant la petite fille d'un fait divers sordide mal élucidé en son temps. 




La grâce, c'est le chemin de résilience parcourue par la fillette, l'innocence, c'est sa capacité à reconnaître la force de l'affection que lui porte un vieil homme. Cette grâce et cette innocence dont l'inspecteur va chercher à dénouer les fils longtemps après cet événement tragique de l'enfance. En réservant au lecteur une chute inattendue, Bénédicte Lapeyre nous renvoie à nos premiers frissons avec Gaston Leroux. Un beau roman "populaire" au sens "noble".




L'Inconnue du Père-Lachaise – Bénédicte Lapeyre – Albin Michel – 182 pages – 15€ - **
Lionel Germain




Jeux de dupes





On retrouve dans ce dernier roman de Kanon, les préoccupations de "L'Ultime Trahison". Comment échapper à un système totalitaire pour mieux se faire piéger dans un autre. Entre la paranoïa maccarthyste et la terreur soviétique, les ponts sont parfois invisibles. En 1949, c'est Alex Meier, écrivain juif communiste, qui espère beaucoup, comme Bertolt Brecht, des mirages de Berlin Est après avoir subi les foudres de Washington. Poison de la propagande et jeux de dupes.





Berlin 49 – Joseph Kanon – Traduit de l'américain par Lazare Bitoun – Seuil – 416 pages – 22,50€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 17 avril 2016




Liberté provisoire



Il fut un temps où l’affrontement entre l’Est et l’Ouest se schématisait dans des raccourcis idéologiques du style “liberté d’entreprendre” ou “asservissement bureaucratique”. La grande force des romanciers comme Kanon, c’est de ne pas s’en remettre aux idéologues pour déchiffrer l’Histoire. A travers les yeux de Nick, fils d’un “traitre” exilé à Moscou, l’auteur démonte les horreurs du maccarthysme et révèle l’étrange proximité des deux systèmes qui se combattent. Entre Prague et New-York, une passionnante enquête policière sur des hommes, victimes ou bourreaux, pour lesquels, à l’Ouest comme à l’Est, les vérités sont éphémères et la liberté provisoire.


L’ultime trahison - Joseph Kanon - Traduit de l’américain par Bernard Ferry - Belfond - 444 pages - 19,90€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – septembre 2000




jeudi 28 avril 2016

Philip K. Dick: Le temps des palimpsestes



Dick est mort le 2 mars 1982, trois mois avant que sorte le "Blade Runner" de Ridley Scott qui consacra sa notoriété au cinéma. Depuis, une douzaine de films ont été produits, exploitant souvent de courtes nouvelles des années 1950, "Total Recall", "Planète hurlante" ou "Minority Report" pour citer les plus connus, et Disney jeta même un jour son dévolu sur "Le Roi des elfes" pour un dessin animé qui resta sans suite. Entretemps on publiait l’adaptation écrite par Dick lui-même du roman "Ubik", autour duquel rêva un moment Michel Gondry – et aussi son scénario pour la série "Les Envahisseurs" plus parano que toutes les aventures déjà tournées de David Vincent, et qui ne fut pas retenu. 



L’événement de ces derniers mois est constitué par la série de Frank Spotnitz "The Man in the High Castle", produite par Ridley Scott, qui adapte le roman traduit en français sous le titre "Le Maître du Haut-Château", une uchronie où Allemands et Japonais, vainqueurs du second conflit mondial, se sont partagés les États-Unis. La première saison renforce l’impression que le lecteur a souvent quand il voit un film tiré d’une œuvre de Dick: l’auteur était un merveilleux pourvoyeur d’idées pour des réalisateurs qui allaient tirer de textes de quelques pages tout un long métrage. 



Ici un gros roman se voit décliné en deux saisons – au moins – de 10 téléfilms d’une heure chacun. Le "Blade Runner" cyberpunk de Ridley Scott différait beaucoup de l’œuvre originale (traduite d’abord en français sous les titres "Robot Blues" puis "Les Androïdes rêvent-ils de moutons électriques"?) qui proposait une vision du monde que n’auraient pas reniée Pascal ou Samuel Beckett. L’uchronie de Spotnitz et Scott est dans l’air du temps d’une époque – la nôtre – que le sentiment d’être arrivé au bout d’une certaine histoire amène à jouer avec les représentations du passé, le nazisme en l’occurrence, pour, au mieux, tenter d’en comprendre les rouages, les luttes au sommet du pouvoir en particulier. 

Ces conflits d’intérêt étaient déjà présents chez Dick, notamment quand il évoque la mort de Bormann, lui-même successeur du führer – mais pas la Résistance qui joue un rôle important dans la série. Et dans son uchronie de 1962, le "Yi King", le Livre des mutations des taoïstes, a davantage d’importance que la mystérieuse histoire alternative écrite par l’habitant tout aussi mystérieux du Haut Château. C’est la réalité dans son fondement même qui est en jeu dans ce roman dont l’adaptation en série, malgré toutes ses qualités, n’est qu’un palimpseste – comme beaucoup de films adaptant l’œuvre de Dick d’ailleurs.


Le Maître du Haut-Château - Philip K. Dick – Nouvelle traduction par Michelle Charrier enrichie des deux premiers chapitres inédits d’une suite inachevée - Nouveaux millénaires/J’ai lu - 380 pages – 7,60€ -
François Rahier




mercredi 27 avril 2016

Ça se corse à Lille







Connaissez-vous Pierre-Arsène Leoni? C'est un Corse, et c'est un flic. En 2008, il débarque à Lille après un début de carrière mouvementé à Marseille. Sauf le respect qu'on doit au Nord, c'est quand on le quitte qu'on se souvient du soleil intérieur des Ch'tis. Aujourd'hui, Leoni s'en va. Dernière embrouille dans un trou noir peuplé de saintes-nitouche, de gosses perdus et de mauvais souvenirs. 





Carrières noires – Elena Piacentini – Pocket – 384 pages – 5,95€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 24 avril 2016




mardi 26 avril 2016

Un tour en Touraine






La découverte du cadavre d'un touriste argentin dans les caves troglodytiques de Parçay sert d'amorce à la nouvelle enquête de Karine Delorme. Elle n'est pas flic mais écrivain. Un peu comme dans "Castle", elle collabore avec son ami Moreno du SRPJ de Tours. Promenade en Touraine entre séquelles de la guerre, appétit foncier et généalogie mystérieuse. Comme le touraine primeur, ça se déguste agréablement.





Meurtres d'outre-tombe – Bernard Simonay – Calmann-Lévy – 400 pages – 20,50€ - ** 
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 3 avril 2016




lundi 25 avril 2016

De vie ou de mort






Les "Whites" sont les criminels que les flics ont traqués sans réussir à en faire des coupables pour un tribunal. Dans ce dernier roman de Richard Price, les voilà qui disparaissent mystérieusement. Comme Wambaugh ou McBain, Price nous raconte une histoire de flics. Mais c'est davantage la fonction qu'il analyse, en questionnant la toute puissance des hommes qui s'accordent le droit de vie ou de mort. 





The Whites – Richard Price – Traduit de l'américain par Jacques Martinache – Presses de la Cité – 416 pages – 21€ - **
Lionel Germain



Lire aussi l'article de Gérard Guégan dans Sud-Ouest




samedi 23 avril 2016

Les Âmes mortes


"Tu te rappelles les mots griffonnés sur le mur des toilettes d'un café de Lisbonne. Dehors, se trouvait la statue en bronze de leur auteur, assis à sa table favorite, dans son café favori, dans la ville que ses écrits avaient rendue éternelle.
Le monde appartient à ceux qui ne ressentent rien. Un graffiti indélébile à l'encre noire. Tu avais un feutre dans ta poche. La pointe était fine et, sur le mur, l'encre était pâle. Mais tu avais quand même ajouté trois mots au début et barré le "ient" du verbe pour le remplacer par "enir".
L'inscription est-elle encore là? Tu n'en sais rien, et cela n'a pas d'importance. Ces mots demeurent ceux qui te guident. Ne laisse pas le monde appartenir à ceux qui ne ressentent rien."




Des Hommes dépourvus de sentiments – Peter Guttridge – Traduit de l'anglais par Jean-René Dastugue – Rouergue – 336pages – 22,50€ - ***


Sur le site de l'éditeur




vendredi 22 avril 2016

Blaque à part





"Le milieu? Ça n'existe pas. Y-a des familles de potes, qui ne le restent pas longtemps. Frères, cousins… (…) Une femme… Ça, c'est une autre histoire." Avec Alexandra Blaque, Thierry Brun construit un personnage de truand féminin qui rivalise avec les caïds, maîtrise les codes du déshonneur et des trahisons sélectives. La rédemption passe par la case prison, la traque permanente et le retour à des valeurs lointaines. Forte tête, forte femme. 




Les rapaces – Thierry Brun – Le Passage – 288 pages – 19€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 3 avril 2016




jeudi 21 avril 2016

Darwinisme social





Un oligarque rachète une entreprise en péril, pour mieux la couler sans doute. Des employés fuient leur stress en s’immergeant dans un jeu qui les piège et dont ils tentent de sortir. Ce scénario un peu convenu de thriller politico-financier a pour cadre un monde parallèle d’après une autre guerre, abrité derrière un mur. L’auteur, qui se réclame de Dumas et de Verne, fait aussi des clins d’œil à la culture geek. Tendance.






Adamas, maître du jeu - Laurent Ladouari – Pocket – 512 pages – 8,40€ - **
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 31 janvier 2016




mercredi 20 avril 2016

Fou artistique



Voilà un roman d'apprentissage à l'architecture sophistiquée. L'auteur du "Labyrinthe des miroirs" nous a habitués à la complexité des rêves. Le pensionnat de Delamere, école de la Nouvelle Angleterre où se forme l'élite américaine du monde de l'art est une matrice fictive.





Kate, Joel, Justin et Liv sont des étudiants épris d'exigence et dépassés par les questions que cette exigence aiguise. "Ce qui ne peut être sera dansé. Ce qui ne peut être dansé sera tissé. Et ce qui ne peut être tissé sera inscrit dans la chair."  William Bayer creuse autour du secret de ces phrases pour tenter de comprendre la communauté adolescente de Delamere.





Trame de sang – William Bayer – Traduit de l'américain par Pierre Bondil – Rivages - 414 pages – 22€ - ***
Lionel Germain




Cocktail Mazel-Tov






C'est un flic, encore un, mais il a bourlingué autour du monde dans le cadre de ses fonctions et calibré ses souvenirs comme un documentaire. Après "Une Terre pas si sainte" où l'on découvrait le duo de flics israéliens, et Maïssa, la capitaine franco-palestinienne, retour dans ce pays de tous les extrêmes. Filière afghane et intégrisme religieux composent un cocktail explosif.






A l'ombre des patriarches – Pierre Pouchairet – Jigal – 290 pages – 19€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 3 avril 2016




mardi 19 avril 2016

Lâcher la rampe






"Dans cette histoire, tout n'est que faux-semblants. Parfois, j'ai aussi le sentiment que la vie n'est qu'une vaste illusion, sans réalité". Martha Grimes livre l'une des clés essentielles de son œuvre. Ici aussi Jury enquête sur une chute accidentelle qui pose bien des questions. Promenade déductive et littéraire sous les auspices d'Hitchcock, du poète T.S. Eliot et du romancier Thomas Hardy. 





Vertigo 42 – Martha Grimes – Traduit de l'américain par Nathalie Serval – Presses de la Cité – 426 pages – 21€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 3 avril 2016




lundi 18 avril 2016

Pôle noir





Ça nous vient du froid. Un pays reconnaissable et pourtant nulle part ailleurs que dans le Nord. Entre le Montana et les Vosges, comme si Pelot s'invitait au comptoir de Crumley. Terminus, c'est le nom de l'hôtel où les hommes abrutis de fatigue et d'alcool viennent s'étourdir dans le giron des femmes. Il y a Nats, le veilleur, Twiggs, le nettoyeur, les loups qui s'émancipent, et la vengeance qui couve sous la glace. Parfois, c'est du brutal.





Dedans ce sont des loups – Stéphane Jolibert – Le Masque – 280 pages 19€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 27 mars 2016




samedi 16 avril 2016

Le Prix des mots



"Ils devraient faire payer au moins le double pour ce livre, bordel. Pour n'importe quel livre. Depuis plus de vingt ans que Brad travaille dans ce milieu, les prix de consommation ont augmenté régulièrement – le prix des billets de cinéma a doublé, celui de la douzaine d'œufs a connu une hausse de 250%, l'essence presque 300%. Mais en 1991, un livre grand format classique était vendu 22$. Et aujourd'hui? Maxi 26$. Une augmentation de 18%. Pas étonnant que sa maison d'édition – mince, que toute l'édition – soit au bord de la faillite."







L'Accident – Chris Pavone – Traduit de l'américain par Séverine Quelet – Fleuve noir – 496 pages – 19,90€ - **
Lionel Germain



Sur le site de l'éditeur




vendredi 15 avril 2016

Et mourir de plaisir



De "Fight Club" à "Orgasme", Chuck Palahniuk nous plante au carrefour désespérant du crépuscule consumériste et du trop-plein des frustrations. L'ébullition schizophrénique de "Fight-Club", la conquête des vagins vides dans "Orgasme", ancrées sur un réel exacerbé, dérapent vers le fantastique sans jamais pourtant se réduire à ce seul repérage. Il y a quelque chose d'indéterminé chez Palahniuk.  

Prononcez Paula-Nick, les prénoms des grands parents d'origine ukrainienne. Le Nick des origines a assassiné Paula pour une embrouille sur le prix des machines à coudre. Le père de Chuck avait trois ans et observait la scène depuis son refuge sous le lit. Quant aux parents de Chuck, ils ont divorcé assez tôt pour le laisser dans une ferme avec la branche maternelle des anciens. Il y aura croisé les animaux de la fable, humains sans doute mais dans l'allégorie.



"Orgasme" commence façon "chick lit" avec la rencontre entre Penny, juriste un peu cruche, et Linus Maxwell, l'homme au compte en banque le plus séduisant de la planète. C'est le patron de "Beautiful You" et l'inventeur d'un sex-toy pour lequel Penny servira de cobaye. Voilà de quoi vider le lit des hommes et assombrir l'humeur des démographes. La bluette ne tarde pas à virer au cauchemar. "C'était comme Sex and the City, sauf que les quatre filles n'avaient plus besoin de ceintures Gucci ni d'amants encombrants.




Anticipation sociale, fantastique, roman noir, science-fiction, le magicien des lumières biseautées nous entraîne aux confins d'une absurdité dont les conséquences sont beaucoup moins roses que la jaquette du livre. 

Orgasme – Chuck Palahniuk – Traduit de l'américain par Clément Baudie – Sonatine – 359 pages – 18€ - *** 
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 3 avril 2016




jeudi 14 avril 2016

Michel Jeury, entre futurs et terroirs



Michel Jeury nous a quittés en janvier 2015. Enfant du Sud Ouest, né à Razac d’Eymet le 23 janvier 1934, c’était avant tout un géant de la science-fiction. Traduit aux Etats-Unis et au Japon, il avait eu les honneurs du plateau d’Apostrophes.




Avec le cycle du Temps incertain, son chef d’œuvre, il bouleversa les codes classiques du voyage temporel: sur une Terre devenue invivable, des résistants assoiffés de justice prenaient le maquis dans une faille temporelle, gagnant une sorte d’éternité où ils pourraient se battre avec leurs rêves. À l’époque de ses premiers succès, il était encore ouvrier agricole à Issigeac, trimant dur, mais toujours amoureux des vertes collines qui étaient sa patrie de cœur. 




Ses pas l’y ramenèrent quand, au tournant de sa carrière il entreprit l’écriture d’autres romans, entre histoire, terroir et souvenirs d’enfance, délaissant pour un temps la SF. Il avait été instituteur également, au tout début: la figure du maître d’école et ses leçons de morale laïque éclairent certains des romans du terroir. 

Enfin, nous n’oublions pas, à Sud Ouest Dimanche, qu’il fut l’un des artisans de ces pages lettres auxquelles il contribua à donner vie, aux côtés de Pierre Veilletet, ou de Pierre Pascal pour la bande dessinée. Il les a rejoints dans cet Ailleurs absolu qu’il se plaisait à évoquer avec ses proches, ces toutes dernières années.

L’Adieu à la verte prairie - Michel Jeury – (disponible auprès de l’association "les Amis de Michel Jeury", 2 rue Michel Jeury, 24560 ISSIGEAC en joignant un chèque de 10€ + 8€ de frais de port) -
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 18 janvier 2015



Le site des "Amis de Michel Jeury"





mercredi 13 avril 2016

Qui c'est Raoul?





C'est d'abord un type ordinaire. Le fait qu'il soit aussi écrivain n'arrange pas l'ordinaire. Raoul a écrit un bon bouquin, il a hérité d'une belle somme, sa femme est belle, ses amis sont sympas, son banquier s'appelle Gilles Marzotti. Si tout se déglingue dans ce faux thriller maniaco-dépressif, c'est la faute de Raoul. Qui dépense deux sous quand il en gagne un et qui rêve d'une banque au découvert inépuisable. Mais ce n'est qu'un rêve.






L'assassinat de Gilles Marzotti – Christophe Desmurger – Fayard – 254 pages – 17€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 27 mars 2016




mardi 12 avril 2016

En général





L'auteur du terrifiant "Injection mortelle" donne rarement dans la romance. Son "Petit traité de la fauche" adoucit les rigueurs de l'hiver avec un zeste d'humour. Il en faut pour masquer la débine de Klinger, délinquant multirécidiviste. En compagnie d'un autre pied nickelé exemplaire, il va défier les lois de la gravité sur un dernier braquage ubuesque. Mais chez Nisbet, les histoires d'humour finissent mal.





Petit traité de la fauche – Jim Nisbet – Traduit de l'américain par Catherine Richard-Mas – Rivages – 238 pages – 8,80€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 20 mars 2016




lundi 11 avril 2016

Black Jack





Il y a prescription et Jack est mort, c'est une certitude. Oui, mais lequel? Depuis 1888 et le premier assassinat de Mary Ann Nichols dans l'East London, on a cherché le coupable un peu partout, des faubourgs misérables aux couloirs de Buckingham. Michel Moatti prolonge l'enquête à travers le personnage d'Amelia Pritlove, infirmière au London Hospital et fille de la dernière victime. Le dossier est solide, on tient l'assassin, enfin!






Retour à Whitechapel – Michel Moatti – 10/18 – 432 pages – 8,10€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 13 mars 2016




samedi 9 avril 2016

Y-a rien à voir


""Voilà des semaines que vous me regardez…" Au début, j'avais une voix éraillée, l'élocution brouillée par les chuintements de ma langue. "Des fois, je faisais les cent pas. D'autres, je me tordais de douleur par terre. Je n'ai jamais cessé d'être un prisonnier. Je crois savoir que des initiatives sont en cours pour obtenir ma libération et je salue ceux qui les ont prises. Je veux remercier ma femme, qui fait tout ce qui est en son pouvoir pour mettre fin à cette absurdité aussi gratuite que barbare, ainsi que le gouvernement belge. Mais je tenais aussi à clarifier un point." Je me suis arrêté un instant, la langue douloureuse. D'autres serpents avaient pointé leur tête hors de leur cachette et scintillaient comme des guirlandes lumineuses."





Aveuglé – Stona Fitch – Traduit de l'américain par Bernard Cohen – Sonatine – 208 pages – 13€ - **
Lionel Germain



Sur le site de l'éditeur




vendredi 8 avril 2016

Du simple au trouble





Jean-Denis Bruet-Ferreol s'est exilé derrière sa créature. Et dans ce dernier roman de Mallock, Ockham, empruntant son nom au  moine logicien du quatorzième siècle, est la nouvelle figure du mal. La Joconde, exfiltrée comme en 1911 depuis sa forteresse du Louvres sera sa première cible. Bientôt suivront de macabres colis accompagnés de messages à décrypter. Malgré le principe de parcimonie affiché, Ockham en rajoute dans l'horreur, mitonnant pour Mallock de sinistres garbures. 



Le monstre s'est bricolé une mythologie en patchwork à base de polichinelle et de dieu à tête de faucon. Ses obsessions nous rappellent les raisons d'un désastre programmé. Journalistes aux ordres, politiciens corrompus, philosophes trop bavards, l'inflation des indésirables est proportionnelle à l'ambition du crime et au refoulé de la Seine prête à dégueuler sa crue centennale dans les rues de Paris. Comme à chaque fois qu'un roman nous offre des victimes haïssables, on se reproche de jouir du sacrifice.

Entre deux bouffées d'opium, Mallock renoue avec ses propres fantômes, les grands absents de sa vie, sa femme et son fils. Trop de morts, trop de remords. Parfois grinçant et très critique envers les "institutions" en général, flic atrabilaire et de plus en plus misanthrope, Mallock est bien le héros des "chroniques barbares" dans lesquelles on annonce la couleur en panachant le noir d'un filet de ciel bleu. Non sans un certain lyrisme aussi pour nous mener du simple au trouble.

Le Principe de parcimonie – Mallock – Fleuve noir – 464 pages – 14,90€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 20 mars 2016




jeudi 7 avril 2016

Le Temps retrouvé






Moins d’un an après sa mort, un grand auteur régional voit son œuvre prise en compte par l’université. Grace à Natacha Vas-Deyres, enseignante à Bordeaux-Montaigne, les fragments autobiographiques laissés par Jeury font l’objet d’une édition  critique dans une nouvelle collection, SF Incognita, qui montre  que la fac s’intéresse aussi à la SF. Deux raisons pour se plonger dans cet ouvrage passionnant.





Carnets chronolytiques - Michel Jeury – Presses universitaires de Bordeaux – 212 pages – 20€ - ****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 20 novembre 2015




mercredi 6 avril 2016

Froid dans le dos



Dans le divertissement télévisé, au cinéma et en littérature, il y a une réelle fascination pour les situations extrêmes auxquelles on confronte les amateurs de sensations fortes ou les héros de fiction. On peut interpréter le phénomène de plusieurs façons, triviale sans doute avec la part de voyeurisme que sollicite en permanence le marketing de l'industrie du loisir, idéologique dans tous les cas et de manière paradoxale quand se croisent les survivalistes et les libertaires. 

On pense au "Revenant", roman de Michael Punke, et film dans lequel s'illustre Di Caprio. Le courant identitaire des survivalistes en a fait l'emblème de son obsession catastrophiste là ou d'autres y trouvent les grands principes tragiques qui gouvernent les hommes, vengeance et rédemption, magnifiés par un rapport pour le moins compliqué avec les éléments naturels.





Gil Adamson a mis dix ans à écrire ce roman éblouissant où Mary Bolton, jeune veuve de 19 ans, fuit dans les espaces glacés du Grand Nord canadien avec à ses trousses les deux frères du mari qu'elle a assassiné. On est en 1903, Mary ne doit pas sa survie à un entraînement militaire. Elle a aux fesses deux types qui veulent sa peau mais elle ne se résout pas à la reddition malgré l'environnement hostile. 





Les hommes ont peur d'une femme libre, la nature ne fait pas de cadeaux, et pourtant, dans cette cavale insensée, Mary est amoureuse, Mary affronte les hommes, Mary fait de sa liberté une conquête. En dépit du froid qui mord les reins de son héroïne, ce petit chef-d'œuvre de Gil Adamson ne doit rien à l'air du temps.

La Veuve – Gil Adamson – Traduit de l'anglais par Lori Saint-Martin et Paul Gagné – Bourgois – 420 pages – 20€ - **** 
Lionel Germain





Tagada





On joue en famille ou entre voisins. Salma, jeune femme habitée par des vents contraires, épuise dans ses longues courses la colère qu'elle porte en bandoulière. Son père, Joseph, n'est lui non plus, en paix avec personne. Son désir coupable pour Rosy, la voisine, ne trouble pas Marcus, le mari trompé qui rumine ses propres turpitudes. Quant à Angelo, l'enfant du couple, il observe étrangement les mouches. Les comptes se règlent dans les fraisiers. Et ça saigne.




Rouge écarlate – Jacques Bablon – Jigal – 190 pages – 17,50€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 20 mars 2016




mardi 5 avril 2016

Fleurs de cimetière






Vous connaissez le laurier-rose, mais saviez-vous que les fleurs si odorantes et si belles du rhododendron, ou celles encore plus séduisantes de l'aconit napel pouvaient vous expédier dans l'autre monde? Ancien flic de la criminelle terrassée par la perte de son fils, Gesine entretient le jardin des morts. Sa sœur vient de mourir et leurs retrouvailles se font sous le sceau du parfum vénéneux qui les a séparées.




Cœur de lapin – Annette Wieners – Traduit de l'allemand par Lucie Roignant – Robert Laffont – 352 pages – 19€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 27 mars 2016




lundi 4 avril 2016

Langoureux vertige





C'est le tempo meurtri d'une valse lente que Patrick Delperdange imprime à son projet. Léopold, Josselin, Céline, trois personnages écartés du monde. Céline fuit son passé dont le secret saigne encore dans son sac, Josselin est un idiot prisonnier de ses propres brumes, et Léopold, un vieil homme en train d'abdiquer. L'auteur mène la danse avec l'horizon du naufrage à chaque pas. Dangereux mais langoureux vertige.





Si tous les dieux nous abandonnent – Patrick Delperdange - Série noire Gallimard – 232 pages – 17€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 13 mars 2016




samedi 2 avril 2016

Pelure d'oignon


"C'est pour ça que Disneyland existe, pour camoufler le fait que c'est tout le reste de l'Amérique qui est le vrai Disneyland. De même que les prisons existent pour camoufler le fait que c'est le reste de la société qui est la vraie prison. C'est une citation.

- Vous êtes de ceux qui en construisent les murs, dit Patterson. Vous-même, patron.
- C'est vrai, c'est vrai, dit-il en hochant la tête.
- J'ai lu quelque part qu'on dénombre plus d'athées dans le clergé catholique que dans le reste de la population américaine, continue Patterson."





Cry Father – Benjamin Whitmer – Traduit de l'américain par Jacques Mailhos – Gallmeister – 320 pages – 16,50€ - ***



Sur le site de l'éditeur



vendredi 1 avril 2016

Livre onde à poisse






Trudmann a vraiment de bonnes ondes pour délivrer la poisse de ses héros. Il explore ici les failles du commissaire Abe Houard, déjà passablement fêlé depuis son coup de pioche sur le crâne asséné par Eddy Face, le truand de "La Peine des Roms". La disparition des chats de Francfort inquiète les consommateurs de saucisse jusqu'à la découverte du jockey nain transgenre Agathe Ekila. La piste des paris clandestins amène Abe Houard à la table six. Service compris.




Le chat poney – Gustav Trudmann – Éditions du Trident – 321 pages – 18€ - **
Lionel Germain



La couverture est une reproduction d'un tableau de Thige