lundi 29 février 2016

Osselets d'Oslo





 Pas de Harry Hole dans ce nouveau roman de Nesbo pourtant supérieur aux épisodes de la série par le rythme de l'intrigue et la qualité des personnages. Un jeune junkie utilisé comme bouc émissaire par un réseau mafieux s'échappe de prison et mène une vengeance au nom de son père, un ancien flic soupçonné de corruption. Fragile mais déterminé, le héros est magnifique. 






Le Fils – Jo Nesbo – Traduit du norvégien par Helène Mervieux – Série noire Gallimard – 516 pages – 21€ - *** 
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 17 janvier 2016





samedi 27 février 2016

Noël au balcon



 "Putain c'est hallucinant. En trente-cinq ans, je n'avais jamais vu qu'un cadavre, un seul, celui de mon grand-père, et encore, de loin, parce que j'avais refusé d'entrer dans le funérarium. Et là, depuis Noël, j'en suis quand même à mon troisième macchabée. Dont deux tués par balles, et un à coups de poing dans la gorge. On est loin de Papy Norbert, parti dans son sommeil à quatre-vingt-dix ans."




Parfois on passe à côté du sapin sans remarquer le petit soulier sous les papillotes. Dommage. À peine franchie la première page du bouquin de Gabriel Katz, les zygomatiques se détendent pour effacer la grisaille obstinée du réel. Le Père-Noël hostile aux marmots capricieux du grand magasin tombe amoureux d'une fille de rêve plus vénéneuse qu'une amanite phalloïde. On devine que la chute sera fatale. 





Décalage horaire, frontière de classe entre le petit intermittent du spectacle et les gros mafieux de la jet-set. Il y a des scènes d'un burlesque achevé. Hors-saison mais salutaire.

N'oublie pas mon petit soulier – Gabriel Katz – Le Masque – 286 pages – 19€ - **
Lionel Germain




vendredi 26 février 2016

Tic-tac




 Le casse du siècle, c'est le rêve du réalisateur de films ou de l'auteur de polars. Organisation, mise en scène, caractérisation des acteurs, l'aubaine se niche dans la synthèse de tous ces éléments. Paul Colize est d'une facilité exaspérante. Au-delà du portrait de groupes, il écrit la musique sur laquelle dansent les personnages. Un véritable travail d'horlogerie entraîne le lecteur au cœur de cette machination criminelle, et on se fait avoir du premier "tic" au dernier "tac". 




Concerto pour 4 mains – Paul Colize – Fleuve noir – 480 pages – 19,90€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 31 janvier 2016




jeudi 25 février 2016

De l'ufologie à l'uchronie





 Nouveau Tannhäuser, le héros de ce 2e opus de la "Tétralogie des Origines" – autre référence wagnérienne – est en quête de rédemption. Compagnon d’Hitler sauvé par des extraterrestres, au courant de leur puissance de feu terrifiante, il va peut-être arrêter la course à l’apocalypse. En attendant, nous sommes en 1939, et alliés et nazis luttent de vitesse pour découvrir les secrets de la technologie alien.





Le Marteau de Thor  - Stéphane Przybylski – Le Bélial’ – 474 pages – 20€ - ****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 15 novembre 2015




mercredi 24 février 2016

Effet d'hiver






 Cette résistance au flux morbide d'une époque sans boussole caractérise le personnage d'Ake Edwardson qui renoue avec l'hiver suédois après deux ans passés en Espagne. Erik Winter est un héros du siècle dernier, assez proche en fait du Resnick de John Harvey. Une femme assassinée avec ses enfants mobilise son spleen habité par des rêves de soleil et les arabesques de John Coltrane dans "A Love supreme". Savoureux.






La Maison au bout du monde – Ake Edwardson – Traduit du suédois par Rémi Cassaigne – Lattès – 410 pages – 21,50€ - ***
Lionel Germain – Sud-ouest-dimanche – 24 janvier 2016








mardi 23 février 2016

La loi des armes






 Fuir à travers la Russie centrale pour tenter de retrouver sa famille, c'est le destin du commandant Nikolaï Levitski, déserteur de l'Armée rouge. Rouge comme cet hiver de 1920 où la dictature bolchevique ne cherche pas encore à se travestir en "démocratie populaire". La seule loi qui vaille est imposée par les hommes en armes. Après Le Village, Dan Smith retrouve le souffle de l'épopée et la finesse du portrait intime.






Hiver rouge – Dan Smith – Traduit de l'anglais par Caroline Nicolas – Cherche Midi – 530 pages – 19,80€ -
Réédition 10/18 - octobre 2016 - 552 pages - 8,80€ - ***
Lionel Germain - Sud-ouest-dimanche – 24 janvier 2016




lundi 22 février 2016

C'est le sud





 C'est le sud, un territoire où la littérature américaine a développé sa vision d'un monde sans Dieu. A peine sorti de prison, Glen impose la toute puissance de ses mauvais désirs, à la mère de son fils et à son propre père. Larry Brown raconte les hommes perdus, les femmes blessées, les enfants privés d'amour. La loi n'est plus qu'une étoile un peu terne accrochée à la poitrine d'un shérif. Puissant et sombre.





Père et fils – Larry Brown – Traduit de l'américain par Pierre Ferragut – Gallmeister - 456 pages – 11€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 17 janvier 2016




samedi 20 février 2016

Maudits souvenirs





 Pour Jacob, survivant de Birkenau, on est horrifié de dire que le pire reste à venir après son mensonge sur le "livre des spectres" écrit par un compagnon d'infortune. En spéculant sur l'innommable, il est condamné à ne jamais se défaire du cauchemar de sa déportation. L'auteur qui a récemment collaboré avec Bruen, signe là une novella sans concession sur la culpabilité paradoxale des victimes de la barbarie.






Le Mythe d'Isaac Becker – Reed  Farrel Coleman – Traduit de l'américain par Pierre Brévignon – Ombres noires – 92 pages – 8€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 24 janvier 2016




vendredi 19 février 2016

Par amour du pécheur



 S'il existe encore une littérature populaire, c'est certainement celle qui se signale par sa propension naturelle à crever l'écran un jour ou l'autre. Une histoire à raconter, des personnages à reconnaître, une époque à restituer. "Ce matin d'octobre 1953" où "les pâles rayons d'un soleil bas d'automne tombaient sur le village de Grantchester", voilà déjà comment laisser filer la plume comme une caméra sur les rails. 



Dans ce décor près de Cambridge où les scénaristes rodent en permanence pour flairer les secrets planqués derrière les rideaux du St John's College, on devine l'histoire de l'Angleterre tramée dans un roman à gros budget, plein de bruit, de fureur, de mystères un peu rances et de terreur glacée. L'Ombre de la mort, c'est le titre assez emblématique d'une œuvre inscrite dans le clair-obscur de l'Empire britannique. Les lueurs grises de l'après guerre sont encore imprégnées d'une rigueur victorienne alors même qu'une jeune reine arrive pour incarner l'espoir.



Fils de l'ancien archevêque de Cantorbéry, James Runcie revisite l'héritage de Chesterton et du père Brown avec son personnage de jeune pasteur fasciné par les mystères profanes du crime. Chesterton avait une vision des peuples européens très britannique, n'hésitant pas à peindre avec humour les penseurs français, pacifistes, athées et menant campagne contre le mot "adieu" dans la littérature. A la différence du père Brown, rondouillard, invisible malgré son visage de gnome, associé à Flambeau, cambrioleur reconverti en détective amateur, Sidney Chambers, le héros de Runcie, est un bel homme, sensible au charme féminin. 

Ce qui le rapproche de Geordie Keating, le lieutenant de la police locale, ce n'est pas la foi dans l'homme ou dans la justice, mais la guerre dont ils sont tous les deux des vétérans. Cette contradiction hante le pasteur et lui donne une profonde humanité. 

Dans le théâtre bucolique de sa petite paroisse, s'affrontent les passions universelles: jalousie, cupidité, trahison. Cette première série des Mystères de Grantchester que publie Actes-Sud, s'ouvre sur la confession d'une jeune femme, "un matin d'automne 1953", après l'enterrement d'un homme dont le suicide semble suspect. 

"Hais le péché, aime le pécheur", en paraphrasant Saint-Augustin, on comprend le projet de Runcie pour son héros. Les caméras s'allument. Moteur. James Norton incarne le séduisant Sidney Chambers. La première saison a été diffusée sur France3 l'été dernier. A suivre.

Sidney Chambers et l'ombre de la mort – James Runcie – Traduit de l'anglais par Patrice Repusseau – Actes-Sud – 368 pages – 22,80€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 7 février 2016




jeudi 18 février 2016

Des elfes et des machines



 La déferlante fantasy sur la SF contemporaine s’explique peut-être par le déficit d’anticipation caractéristique de notre monde en crise. L’auteur de ce petit roman, Thomas Day – autrement dit Gilles Dumay, directeur de collection, et l’un des principaux animateurs de la revue Bifrost, relève à sa manière le défi. 




Son héros, Judicaël, petit vaurien paumé, fait les 400 coups dans un Saint-Malo uchronique où la guerre de 14 s’est éternisée sept longues années. Le monde est malade, le soleil ne perce plus la taie purulente qui englue le ciel. La fille qu’il aime aussi, irradiée par des technologies nouvelles qu’expérimentent des savants fous. Commence alors une course folle contre la mort, Judicaël cherche un remède dans les livres, la magie, à Hauteville House puis dans le Kerry. 





Dans cette Irlande-là, plus consensuelle, Michael Collins ne tombe pas sous les balles de l’I.R.A., et les elfes aident l’armée républicaine à punir les sinistres Black and Tans – et, à l’occasion, secourent les amoureux. Un sous-texte complexe, façon steampunk, convoque les fantômes de Mary Shelley et du roman gothique, l’ombre de Victor Hugo aussi, et d’étonnants avatars de Marie Curie et du poète Yeats. Coutumier d’une écriture empreinte de violence et de sexe, Day écrit ici une fable douce où s’allège la substance humaine. Un conte bleu. Presque…

Du sel sous les paupières  - Thomas Day – Folio SF/Gallimard – 287 pages – 7,50€ - ****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 6 mai 2012




mercredi 17 février 2016

Papa où t'es?





 Même si on rêve parfois du thriller en forme de haïku, Sandrone Dazieri ne ménage pas sa peine pour animer ses 500 pages. On y croise deux personnages hors normes, une femme flic rescapée d'un désastre professionnel, et un consultant aguerri par son passé de petite victime. Les méchants mitonnent un complot dont l'enfance est le cœur de cible. Au "nom du père", certains fils ont du souci à se faire. 






Tu tueras le père – Sandrone Dazieri – Traduit de l'italien par Delphine Gachet – Robert Laffont – 552 pages – 21€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 10 janvier 2016




mardi 16 février 2016

Y-a un os!





 C'est du speed polar. Une qualité qui doit tout au personnage de Stefania, maman célibataire enquêteuse, embarquée sur le front de la vie domestique avec un allant contagieux. On a retrouvé des os bien vieux dans une villa dont les secrets trahissent la période de la guerre: spoliation des Juifs et résistance au fascisme. Et rien que pour la recette des lavarets, on adopte Stéfania. 





Mort sur le lac – Cocco et Magella – Traduit de l'italien par Anaïs Bouteille-Bokobza – Calmann-Lévy – 288 pages – 19,50€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 6 décembre 2015




lundi 15 février 2016

Sales et méchants







 Des fous sèment la mort en invoquant l'islam, provoquant des poussées de démence chauvine dans les recoins perdus de la République. A l'image des héros d'Ettore Scola, les affreux pensent à hauteur de caniveau pour "ramener la France aux Français". Jacques Sarthor laisse traîner le micro à fleur de rue, histoire de nous renvoyer la bande son. De quoi donner des sueurs froides aux humanistes un peu durs d'oreille.





Les affreux – Jacques Sarthor – Robert Laffont – 252 pages – 18€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 7 février 2016




vendredi 12 février 2016

Les feux de l'or noir et du pouvoir



 Conseiller les puissants de Bercy, Dominique Strauss-Kahn ou Laurent Fabius, ça donne forcément des idées noires. Arnaud Chneiweiss en a stocké un certain nombre qu'il infuse à l'abri d'un personnage de fiction original et convaincant, Diane, biographe à l'œuvre déjà dans un premier polar, "Meurtre dans l'Eurostar".




Diane est sollicitée ici par Hubert Howard, patron d'un groupe industriel leader en matière d'énergie. Hubert lui assure qu'il est prêt à devenir le "meilleur" écologiste de France pour produire du gaz de schiste. Avant de se peindre en vert, il contre les objections à l'exploitation d'une énergie considérée comme très polluante en dénonçant la diffusion de "fausses nouvelles", à commencer par ces images très spectaculaires des robinets qu'on enflamme. 





Il pourrait bien s'agir de méthane sans rapport avec le gaz de schiste. Pour convaincre le personnel politique, Hubert embauche le mari de Diane, lui-même ancien ministre, fatigué du sérail et reconverti dans le "conseil". En Australie aussi, Hubert cherche inutilement à persuader les Aborigènes d'extraire l'uranium du sous-sol.

Le récit de Diane nous prépare au pire. Il est entrecoupé de révélations sur les magouilles de l'industriel avec un réassureur des Bermudes dans la ligne de mire d'un procureur américain. Finances, politique, corruption, truquage sportif, Hubert est la cible idéale qui nous ramène à la grande question existentielle du polar. Qui a pu presser la détente? Au-delà du postulat sur le manque d'audace de l'industrie hexagonale, le panachage entre roman noir et pirouettes déductives est sans danger pour le lecteur.
    
Schiste noir – Arnaud Chneiweiss – Cherche-Midi – 352 pages – 17,80€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 31 janvier 2016




jeudi 11 février 2016

Star Wars, le retour






 À l’approche du grand jour – le nouveau Star Wars est sorti le 16 décembre – les fans trépignaient et les éditeurs se démenaient. Dans le flot des novélisations, prélogies et autres séquelles, retenons ce roman bien ficelé dû à un émule de Stephen King: une brillante variation – inédite - sur le thème des prisons de l’espace.







Maul prisonnier  - Joe Schreiber – Traduit de l’américain par Nicolas Ancion et Axelle Demoulin  - Pocket – 484 pages – 8,80€ - ****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 8 novembre 2015




mercredi 10 février 2016

Vin mauvais





 Sans retrouver la construction audacieuse d'un roman comme "A la trace", Deon Meyer poursuit son analyse de la société sud-africaine à travers un spectre criminel qui semble inépuisable. Ce qui pourrait n'être qu'une banale affaire de chantage se prolonge dans les chais des grandes propriétés viticoles. Quant aux vapeurs alambiquées, Benny Griessel, le héros vieillissant de Meyer, y puise un dangereux réconfort. 






En vrille – Deon Meyer – Traduit de l'afrikaans par Georges Leroy – Seuil – 448 pages – 21€ - **
Lionel Germain- Sud-Ouest-dimanche – 17 janvier 2016




mardi 9 février 2016

Paradis éphémère





 Miles Corwin inscrit son personnage de policier juif dans la lignée des héros décalés, malheureux mais debout malgré le tragique de l'existence. Pour Jacob Silver, ce tragique a les couleurs sombres de la terreur nazie dont sa famille est encore victime en Allemagne. A Los Angeles, paradis éphémère en 1946, les corrompus assassinent le tram au bénéfice des compagnies de car et la liberté de la presse est parfois mortelle.




L.A. Nocturne – Miles Corwin – Traduit de l'américain par Marie-France de Paloméra – Calmann-Lévy – 360 pages – 21,50€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 7 février 2016




lundi 8 février 2016

Fatale gaudriole






 L'adultère n'est plus un crime, à peine un manque de savoir-vivre, ou l'échec du rapport notarié à l'amour. Pour le lieutenant Gilles Sebag de la police de Perpignan, la découverte d'une rupture de contrat dans son propre ménage complique encore l'enquête qu'il mène sur une série de morts suspectes en lien avec le marivaudage. Tendre et cruel avec son héros, Philippe Georget interroge la force de l'engagement face à la fragilité du sentiment amoureux.





Méfaits d'hiver – Philippe Georget – Jigal – 352 pages – 19,50€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 6 décembre 2015




vendredi 5 février 2016

Bonne nouvelle



 En reprenant les héros de son premier roman, "La Madone de Notre-Dame", Alexis Ragougneau semble installer un dispositif littéraire un peu étranger au phénomène de série et caractérisé par la rencontre entre des personnages que tout sépare, flic, prêtres, clochards, dans un lieu, la cathédrale Notre-Dame de Paris, où rien ne renvoie à la dramaturgie policière.

Pour le lecteur de polars, la scène inaugurale d'autopsie est souvent le marqueur du genre. Ici, le cadavre de Mouss, un jeune SDF, est le livre ouvert du légiste. La puanteur du corps profane résume le parcours du vivant, elle réduit même le rêve de transcendance à cette empreinte éphémère appelée à se dissoudre sur la table en inox.




Outre un duo de flics composé de Gombrowicz, lieutenant incapable de porter une arme, et de Landard, son supérieur, il y a Claire Kauffmann, la juge chargée de l'instruction après la découverte du corps mutilé de Mouss, et enfin, le père Kern, installé dans une complicité difficile avec les clochards envahisseurs de Notre-Dame. La culpabilité de Kern l'amène à revivre les événements qui ont conduit à l'expulsion des sans-abris et à l'émergence de la figure christique de Mouss, devenu le porte-parole des miséreux.




Ce qu'Alexis Ragougneau met en scène avec patience et subtilité, c'est une passion d'un nouveau genre. Mouss est mort mais on reparlera de lui peut-être dans deux mille ans. Si le message n'est pas de nature à rassurer les gueux de Paris et d'ailleurs, n'hésitons pas à dire de ce roman, bienveillant sans être manichéen, qu'il est une "bonne nouvelle" pour le polar.  

Évangile pour un gueux – Alexis Ragougneau – Viviane Hamy – 400 pages – 19€ - Réédition Points Seuil - 360 pages - 7,70€  ***
Lionel Germain - Sud-ouest-dimanche – 24 janvier 2016









jeudi 4 février 2016

Chroniques lunaires




 L’écrasant succès des Brèves de comptoir, au théâtre et en librairie, fait oublier quelquefois que Jean-Marie Gourio est aussi un grand romancier. À propos de Chut! primé plusieurs fois ces dernières années, Yann Queffélec avait parlé déjà d’un "merveilleux roman d’encre et de sang". 



Dans "Un café sur la Lune", où il met sa prose parfaitement maîtrisée au service d’un lyrisme érudit, Gourio retrouve ce bonheur d’écriture. S’inscrivant résolument dans le registre SF, le livre reprend la chronologie des explorations lunaires, depuis les premiers pas de Neil Armstrong en 1969 jusqu’à l’explosion d’une sonde récemment au fond du cratère Cabeus; prenant très au sérieux l’hypothèse scientifique d’une "terraformation" de la Lune, il imagine ensuite la naissance d’un premier bébé dans une base lunaire, l’atmosphère, l’eau, la vie… et, le 15 juin 2095, l’ouverture du premier café sur la Lune! 



Autour de Bob l’Irlandais et de sa frêle épouse chinoise TinTao, les propriétaires, c’est alors toute une humanité qui se presse, improbable, extravagante, assoiffée d’existence, tous les damnés d’une Terre mondialisée, blessée, exténuée, dont ils assistent émus au "lever" depuis leur terrasse ouverte sur l’immensité du ciel, des piliers de comptoir, bien sûr, des gens peu fréquentables, éperdus d’amour cependant, dont l’auteur se complaît à nous entretenir dans des pages empreintes par moment de surréalisme. La nostalgie alors prend à la gorge, et on ne peut qu’évoquer les plus belles pages des "Chroniques martiennes" de Bradbury, chef d’œuvre absolu de SF poétique. Salut l’artiste!

Un café sur la Lune - Jean-Marie Gourio – Julliard – 340 pages – 20,00€ - ****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 30 janvier 2011




mercredi 3 février 2016

Mauvais Jules





 Au départ pour Anna, c'est le prénom d'un ami. Mais ce Jules l'entraîne un soir dans un club échangiste où l'on ne boit pas que du petit lait. "75 000 femmes sont violées chaque année en France, c'est 200 femmes par jour… un viol toutes les 7 minutes". Les statistiques sont presque incroyables, terrifiantes. Plutôt qu'un énième roman sur la drogue du viol, Brigitte Gauthier explore l'imaginaire d'une femme qu'on a privée d'elle-même.




Personne ne le saura – Brigitte Gauthier – Série noire Gallimard – 212 pages – 16,50€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 29 novembre 2015




mardi 2 février 2016

Occis mais pas mort






 Tous les collégiens ont été taquinés par l'obscure clarté sur laquelle Andreas Gruber installe un point de fuite destiné à nous perdre. Oxymore des contes pour enfants doublé d'une énigme à résoudre en 48 heures pour éviter la férocité d'un psychopathe obsédé par sa mère, l'intrigue accumule les obstacles. Presque occis mais pas mort, c'est le lecteur qui accorde sa grâce aux héros méritants.  





48 heures pour mourir – Andreas Gruber – Traduit de l'allemand (Autriche) par Jean-Marie Argelès – L'Archipel – 418 pages – 22€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 29 novembre 2015




lundi 1 février 2016

Fer de Lance





 L'explosion des tours jumelles ouvre l'ère du terrorisme cataclysmique. On est en 2001 et pour Pierre, l'archéologue enquêteur, cela coïncide étrangement avec l'assassinat de son père aux États-Unis. L'historien Jean-Luc Aubarbier fait voyager son lecteur d'Antioche, au temps des croisades, à la Palestine de l'entre-deux guerres. Sur la piste de la Sainte Lance, on découvre avec horreur les liens complices entre nazisme et fondamentalisme musulman. 




Le Testament noir – Jean-Luc Aubarbier – Icity – 324 pages – 17,90€ - **
Lionel Germain - Sud-ouest-dimanche – 24 janvier 2016