vendredi 30 octobre 2015

Pâte à trac





Sur une île au nord-ouest des États-unis, un adolescent raconte la mort de sa petite amie, la suspicion sur sa culpabilité et sa quête identitaire face à deux mères adoptives pleines de secrets. Il fallait oser ce titre et le faire valider par le lecteur. Mission accomplie pour cet hommage au cinéma américain, roman sur les vertiges du mensonge, sur les incertitudes de l'adolescence, l'effacement des frontières entre vie privée et sphère publique. Boileau-Narcejac revisité par Hitchcock.



Une putain d'histoire - Bernard Minier – XO – 528 pages – 21,90€ - 
Réédition Pocket avril 2016 - 598 pages - 8,10€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 25 octobre 2015








jeudi 29 octobre 2015

Passage de témoin





 En 1987 Silverberg entreprend un roman résolument postmoderne sur la fin de l’univers, mais en perd le fil. La rencontre, il y a quelques années, d’un jeune doctorant devenu son voisin l’amène à exhumer ce brouillon. Mais Alvaro n’en écrit pas la suite : les deux novellas que contient ce livre tiennent davantage du cadavre exquis que de l’écriture à quatre mains.





Glissement vers le bleu - Robert Silverberg et Alvaro Zinos-Amaro - Traduit de l’anglais (USA) par Eric Holstein – ActuSF - 262 pages - 18€ - ****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 27 septembre 2015




mercredi 28 octobre 2015

Pêcheurs d'Islande






 Arni Thorarinsson, natif de Reykjavik, est journaliste tout comme Einar, le héros de son livre, exilé dans le nord de l'île. On ne trouve pas chez lui le romantisme noir d'Indridason, son collègue islandais publié chez le même éditeur, mais la distance qui ne manque pas d'humour permet de percer les secrets d'un port perdu dans les fjords de l'ouest où s'insinuent tous les méfaits de la mondialisation. 




Accident suspect de rafting, problèmes d'immigration, drogue, corruption, adolescents rebelles, complot sur les droits de pêche et assassinat d'un homme politique, Einar enquête, avec en écho parfois, les répliques d'une pièce du XIXème siècle, Loftur le Sorcier, travaillée par les collégiens de la ville. L'Europe n'est qu'une région du monde où le Nord est plus froid que le Sud.





Le septième fils – Arni Thorarinsson – Traduit de l'islandais par Éric Boury – Points – 445 pages – 7,90€ - ** –
Le temps de la sorcière - Arni Thorarinsson – Traduit de l'islandais par Éric Boury - Points - 425 pages – 7,90€ - **
Lionel Germain




mardi 27 octobre 2015

Libres-Sévices





 Est-ce que ça existe quelqu'un de normal? Bien-sûr que non. D'ailleurs, on mesure la puissance romanesque du préjugé quand la "normalité" se frotte aux accidents de parcours. Barbara Abel enferme ses clients dans un supermarché et les abandonne aux mains d'un junkie preneur d'otages. Mais attention, une victime, c'est parfois un bourreau en puissance. Le diable se cache dans les détails de nos vies ordinaires. 





L'innocence des bourreaux – Barbara Abel – Belfond – 320 pages – 18,50€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 25 octobre 2015




lundi 26 octobre 2015

Fausse couche





 Jean Vautrin a eu plusieurs vies, scénariste, romancier, notamment, mais aussi nouvelliste, un genre pour lequel il fut primé avec Babyboom en 1986. L'univers graphique d'Eugénie Lavenant donne une vigueur surprenante à cette histoire de maternité contrariée. Un couple pense cautériser le mal de mère en câlinant une poupée de chiffons. Vautrin n'aimait pas les psys et Eugénie Lavenant a trouvé la palette du cauchemar. 




Babyboom – Jean Vautrin et Eugénie Lavenant – La Boîte à Bulles – 104 pages – 19€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 25 octobre 2015




vendredi 23 octobre 2015

Noir de Noir





 En vue d'exploiter les secrets d'une franc-maçonnerie africaine érigée en religion d'état, une bande de gamins monnaie des photos compromettantes pour la présidence gabonaise. On retrouve les flics corrompus et les gendarmes de Libreville affairés à s'emparer des dividendes du chantage pendant qu'un escroc menace la virilité des citadins en prétendant rétrécir leur sexe. Truculent, certes, mais pas tendre pour les institutions.




Les voleurs de sexe – Janis Otsiemi – Jigal – 200 pages – 18€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 18 octobre 2015




jeudi 22 octobre 2015

D'un Château l'autre






 Allemand de cœur comme bien des romantiques, Dumas tira d’un voyage entrepris en 1835 ce roman qui sublime tous les châteaux maudits du courant gothique du XIXe. La forteresse devient personnage. Anne-Marie Callet-Bianco met en lumière le rôle de Paul Meurice dans sa genèse, et montre en quoi il exprime la quintessence du romantisme européen. 







Le Château d’Eppstein – Alexandre Dumas – Folio - 400 pages - 7,50 € - ****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 4 octobre 2015




mercredi 21 octobre 2015

Le talent, ça se sent!


 A vue de nez, voilà quinze nouvelles qui devraient faire un tabac. Mais citer les quinze auteurs est la première des politesses: Dominique Archambeau, Fabienne Boidot-Forget, Katrin Acou-Bouaziz, Albane Casals Karady, Laurence Gallois, Agnès Pichon, Chantal Rey, Julie Tanguy, Marc Breton, Marion Eynaud, Kateel Dedeyan, Marie Ladouce, Mathilde Muller, Lucie Pierrat-Pajot, Eugénie Tiger.


 

On y retrouve la suavité du temps perdu, la mélancolie des derniers jours où ne résiste qu'un parfum en mémoire, la détermination d'une jeune femme en salle de soins intensifs, accrochée à ses perfs et réanimée par une odeur de vie, la nuit enfin, dans ce mouroir où la détresse est diffusée dans les fumerolles de vieux chou et de détergent. 






Tous ont décliné avec talent le secret des fragrances douces ou amères à l'initiative de la Maison Guerlain et des éditions du Cherche Midi. L'ensemble des droits sera reversé aux Restos du Cœur. 

Mémoire olfactive – Nouvelles – Cherche Midi – 176 pages – 17,80€ - **
Lionel Germain




mardi 20 octobre 2015

Le Flux de l'Info




 La grande ruse de l'Islandais Arni Thorarinsson consiste à donner le tournis au lecteur en multipliant les intrigues secondaires. Assassinat d'une postière sourde, crime organisé, banques en faillite, pour Einar, le journaliste qui promène son regard désabusé sur cette comédie humaine, l'importance d'une affaire n'est pas liée à l'importance du personnage. En s'intéressant autant à la postière qu'au banquier soupçonné de corruption, Einar questionne avec beaucoup d'humour une nation "qui oscille en permanence entre rêves de grandeur et autodestruction."




L'Ange du matin – Arni Thorarinsson – Traduit de l'islandais par Éric Boury – Livre de poche – 360 pages – 7,30€ - **
Lionel Germain




lundi 19 octobre 2015

Simulacre



 Cette idée d'un recensement des assassins qui sera reprise dans "Le Crime de Julian Wells" traverse cette "Mémoire assassine", roman publié au Seuil en 2011 avant sa réédition en poche en 2014. A la recherche du témoignage de ces hommes meurtriers de leur famille, une femme écrivain contacte le fils survivant d'un massacre dont le père a disparu.





Dans un premier mouvement, on trouve légitime cette volonté du narrateur de faire chemin vers une réalité contredite par les apparences, dans un deuxième mouvement, ce qu'il atteint, c'est la zone abyssale où la scène de crime renverse les signes qu'elle émettait, la fin d'un déni protecteur. Une construction sans faille.







Mémoire assassine – Thomas H. Cook – Traduit de l'américain par Philippe Loubat-Delranc – Points Seuil - 336 pages – 7,60€ - ***
Lionel Germain




vendredi 16 octobre 2015

Troublante jeunesse de Peter May



 C'est peut-être parce qu'il a souvent navigué là où on ne l'attendait pas que Peter May disparait parfois des radars. Écossais, planqué dans le Lot, auteur d'une série "chinoise" de romans policiers passionnants, un temps scénariste prolifique en Grande-Bretagne, on l'a surtout adoubé en France pour sa trilogie écossaise: "L'île des chasseurs d'oiseaux", "L'Homme de Lewis" et "Le Braconnier du lac perdu", tous publiés aux éditions du Rouergue et primés à juste titre. 

Et voilà que la moisson des prix d'automne le rappelle une nouvelle fois sur l'estrade avec le "Trophée 813" du roman étranger pour "L'île du serment" (c'est Hervé LeCorre qui rafle celui du roman francophone avec "Après la Guerre"). Souhaitons que cette dernière récompense permette aux projecteurs de se braquer sur l'un des meilleurs romans de cette rentrée littéraire: "Les Fugueurs de Glasgow". Roman noir, parce que pour paraphraser Hervé LeCorre, il n'est de bons romans que conformes à "la noirceur des temps". Ajoutons pour être complet que cette couleur du temps doit moins aux humeurs du ciel qu'à la palette des hommes.



Cette magnifique histoire que nous raconte Peter May emprunte à sa troublante jeunesse le souvenir des poussières de Glasgow, les années soixante, le baby-boom, la surchauffe économique, les radios pirates en Mer du Nord, et pour le personnage de Jack, enfant des classes moyennes, le fardeau existentiel de l'ancien monde pulvérisé dans les premiers accords de "Love me do". Quand le lecteur ouvre le livre, on est en 2015 et Jack a 67 ans. Il vit dans une résidence services, entouré d'une famille impatiente de récupérer l'héritage. 



Un infarctus l'a fragilisé et une scène très édifiante permet de comprendre ce qu'est devenu "le sens de la famille": une corvée. 
L'assassinat d'un homme à Londres va contraindre Jack et les vieux amis qui lui restent à reprendre la route. La victime était en cavale depuis 1965, année où on l'a soupçonnée d'avoir matraqué à mort un homme à l'occasion d'une fête "fournie en drogues". 

Maurie, avocat en phase terminale, Dave, l'alcoolique et Jack au cœur fragile, ne partent pas en pèlerinage. Elucider cette mort, c'est brasser les ombres, rameuter les fantômes, caresser dangereusement le crépuscule pour tenter une dernière percée au-dessus des nuages. Jack embarque de force son petit fils obèse comme chauffeur. Les voilà pareils aux adolescents de 1965, convaincus d'en découdre avec la scène londonienne dans le sillage des Beatles. 

Mais cette deuxième fugue est un rappel de pas perdus, elle retrouve la cadence des premiers vertiges amoureux, les vieux prédateurs de l'époque aux poches pleines de poudre de perlimpinpin. Peter May ne fait pas le bilan, il raconte avec une simplicité et une sincérité bouleversante le roman d'une initiation réussie entre un grand-père et son petit fils, et la dissolution des rêves à l'épreuve du réel.

Les fugueurs de Glasgow – Peter May – Traduit de l'anglais par Jean-René Dastugue – Rouergue – 432 pages – 23€ - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 11 octobre 2015




jeudi 15 octobre 2015

Quête cosmique






 Créateur d’univers, Bordage renoue avec le space opera de l’âge d’or, y ajoutant une touche postmoderne: sur une planète perdue dont il défend l’astroport, un pilote de chasse rencontre une vestale portant un voile nanotechnologique, les dieux semblent jouer avec les hommes, et, anges ou dragons, les créatures célestes qui l’assaillent sont faites d’énergie. 






Résonances - Pierre Bordage - Nouveaux millénaires/J’ai lu - 507 pages -  19,90€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 20 septembre 2015




mercredi 14 octobre 2015

Une vie rêvée






 Peter May s'est fait détective pour tout savoir sur Second Life, la planète virtuelle. En se mêlant un peu trop du rêve des autres, son héros, un photographe de police californien incapable d'oublier la mort de sa femme, va découvrir que ce monde dématérialisé est peuplé de crapules, de pervers et d'escrocs. Une immersion dans l'univers des avatars. 





Scène de crime virtuelle – Peter May – Traduit de l'anglais par Jean-René Dastugue – Rouergue – 336 pages – 22€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 17 novembre 2013




mardi 13 octobre 2015

Derrière les spots






 La télé tue. Michaël Mention garde une plume fiévreuse pour nous raconter l'histoire de Carl Belmeyer, star inégalée du PAF, contraint d'endosser le treillis du baroudeur et de vendre le spectacle d'une guerre civile. C'est la conclusion d'un demi-siècle d'imposture dont il dénoue les fils, de scénarisation du réel et d'anesthésie générale de l'opinion. Le Carnaval des hyènes allume le feu derrière les spots. 




Le carnaval des hyènes – Michaël Mention – Ombres noires – 224 pages – 17€ - ***
Lionel Germain




lundi 12 octobre 2015

Pascal Dessaint: Le Prix des mensonges



(c) Philippe Matsaas/Opale/Éditions Payot-Rivages


 "Je suis né en 1964 dans une famille ouvrière du Nord. J’ai vécu vingt ans à Coudekerque-Branche. Mon père disait que j’écrivais des mensonges, et il avait raison !" En lisant sa biographie intime, on découvre que Pascal Dessaint n'est pas un écrivain circonstanciel. Le passage obligé par les petits boulots produira ses "Paupières de Lou" qu'on lira chez Rivages en 1992. Après une période toulousaine féconde, il reprend le chemin du Nord et se consacre à des romans d'atmosphère, pleins de colère contre la funeste obstination des hommes à massacrer leur environnement. Déjà récompensé pour son dernier roman "Le Chemin s'arrêtera là" par le jury du prix Jean Amila Meckert, le voilà titulaire du Prix du Polar Sud-Ouest/Lire en Poche décerné par les internautes du journal pour son "Bal des frelons", un roman choral où bourdonne la férocité de l'essaim dans un village de montagne.

Pascal Dessaint – Prix du Polar Sud-Ouest/Lire en Poche 2015 pour "Le Bal des frelons".
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 11 octobre 2015




vendredi 9 octobre 2015

Clairvoyance rimbaldienne





 La petite barbare vient du monde du silence. Et c'est pourtant avec les mots qu'elle se dérobe au supplice de l'enfermement. Elle a puisé dans les livres comme dans un coffre-fort pour éblouir l'obscénité des hommes. On redoute dès les premières pages cette clairvoyance rimbaldienne. De trop voir derrière la taularde la silhouette d'Astrid Manfredi. Mais la petite barbare finit par nous convaincre de son crime littéraire. La haine fourbit ses armes. 




La petite barbare – Astrid Manfredi – Belfond – 154 pages – 15€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 4 octobre 2015




jeudi 8 octobre 2015

Pour mourir de plaisir








 Jadis, Vadim en fit un film pour Bardot. Aujourd’hui, on peut lire en français ou en V.O. ce classique qui influença aussi Bram Stoker, l’auteur de Dracula. Baignant dans le romantisme noir des débuts du XIXe siècle, ce court récit vampirique ravira les amateurs de gothique, et les autres.






Carmilla - Joseph Sheridan Le Fanu – Traduit de l'anglais et préfacé par Sébastien Guillot - Folio bilingue/Gallimard - 288 pages - 8€ - ****
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 20 septembre 2015




mercredi 7 octobre 2015

Mal de mort





 Zulma réédite judicieusement "Comment va la douleur" de Pascal Garnier, prince des faux semblants. Des croisements de vies minuscules comme dirait l'autre, des parcours hasardeux sauvés par des instants de grâce involontaire. Pas de flics dans les romans de Garnier. Une tendresse planquée derrière les évidences. Un vieux tueur qui va mourir. Un jeune homme qui veut vivre. Une rencontre improbable. Comme parfois la vie nous semble quand on a éteint la télé.




Comment va la douleur - Pascal Garnier - Zulma - 192 pages – 8,95€ - ***
Lionel Germain




mardi 6 octobre 2015

Élevés en batterie



 Sur le site d'Actes Sud, son éditeur, Nicolas Mathieu présente le roman noir comme "un roman populaire pour le peuple". Il y a bien longtemps qu'on ne parle plus de littérature populaire à propos du roman noir, enjeu des grands débats où l'on invite les universitaires et où le peuple s'est fait la malle. Si déjà on arrive à se mettre d'accord sur le contenu qu'on donne au mot "peuple", on découvrira sans surprise qu'il embrasse l'ensemble des personnages du roman de Nicolas Mathieu: ouvriers, employés, petits cadres. Ils partagent le destin des régions sacrifiées, le Nord du dernier roman de Pascal Dessaint, l'Est et la région des Vosges, autant de territoires au sein desquels le peuple est un fardeau inutile et dangereux.



"Aux animaux la guerre" réussit le projet que l'auteur s'est assigné. C'est un polar sans effusion idéologique. Même élevés en batterie, les prolétaires ne sont plus rentables face aux mille vaches à la mode chinoise ou roumaine. Mais conformément au cadre narratif, ce sont avant tout des personnages, héritiers de violences plus anciennes que les brutalités du monde du travail, broyés par le déterminisme social, ou préparant pour certains des régressions vers la réalité primitive de notre humanité, comme Martel, ce héros perdu de la classe ouvrière, devenant peu à peu "un grand singe avec des clés de bagnole", selon la formule de Daniel Depp. Un très grand roman populaire.



Aux animaux la guerre – Nicolas Mathieu – Actes Sud – 368 pages – 22,50€ - ****
Lionel Germain




lundi 5 octobre 2015

Histoires de femmes





 Ce n'est pas du tout un polar, ce pourrait être une romance, mais on y sent rôder les fantômes que Félix Arnaudin a traqués dans ses contes populaires. Le roman d'Élisa Tixen s'inscrit d'ailleurs au plus profond de la forêt landaise. On y renifle le pin, les fougères mouillées, les dunes brûlantes où frémissent les oyats. Dans l'airial près de Magescq, Charlie en deuil s'est réfugiée chez une grand-mère dont les secrets révèlent de dramatiques coïncidences dans la succession des femmes. Onirique et troublant. 




Sans traces apparentes – Élisa Tixen – Éditions de la Rémanence – 310 pages – 20€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 23 août 2015



En savoir plus sur le site de l'auteure




vendredi 2 octobre 2015

La traversée des apparences



 Que nous disent du monde et de nous-mêmes les biographies des criminels qui ont marqué l'Histoire? Quelle énigme cruelle ont en partage Erzsébet Bathory, surnommée la Comtesse sanglante, et Tchikatilo, l'Éventreur de Rostov, tous deux sujets d'étude de Julian Wells? Julian Wells, lui, n'est qu'un personnage d'écrivain dont le suicide ouvre le dernier roman de Thomas H. Cook., un héros absent pour lequel son ami Philip Anders, critique littéraire, s'attache à comprendre le crime hypothétique précédant ce suicide.



On a en résumé l'essentiel des préoccupations de Thomas H. Cook ces dernières années. Le chemin parcouru, depuis les Séries-Noires où il animait la silhouette de Frank Clemons, flic puis détective privé, jusqu'à ce "Crime de Julian Wells", est bordé d'une constante. L'humanisme de la démarche qui n'est pas une concession au marketing éditorial. Il s'accompagne d'un questionnement sans cesse renouvelé sur cette traversée des apparences dont les récifs ont tôt fait de vous entraîner au fond de l'abîme.




A commencer par le narrateur, ami mais critique littéraire. Quelle part de lui-même cherche à savoir ce qui s'est passé pour que Julian Wells en vienne à mettre fin à ses jours? Quel est donc ce crime dont le titre nous prévient? Idéalement placé pour analyser les "objets littéraires", le critique est aussi conduit à s'interroger sur ses propres ressorts. Rivalité, jalousie, chez Cook, l'ombre du père n'est jamais loin pour rappeler aux fils qu'ils sont au mieux des héritiers. Le devoir et la nécessité d'admiration, qualités permises à Philip, sont refusées à Julian qui a perdu son père. Pourtant très vite la rivalité des fils se dessine dans les premières pages du roman. Une relation triangulaire caractéristique d'un désir manqué où le père du premier voit en l'autre le héros qu'il n'a pas su être et qu'il ne reconnaît pas dans son propre fils.

Le crime, on le pressent, est lié à un voyage commun en Argentine du temps de la dictature. La rencontre d'une jolie fille, guide en terrain miné, et le souvenir de sa disparition tragique, ont poursuivi Julian à travers le monde. Eric Ambler, Conrad, l'œuvre de Cook frémit de toutes les figures croisées "Au cœur des ténèbres" ou dans "Le Masque de Dimitrios". Comme on entend dans ce "crime de Julian Wells" les échos lointains d'un échange entre Frank Clemons et la propriétaire d'une plantation près du dénouement de "Sacrificial ground" ("Qu'est-ce que tu t'imagines?" SN - 1989): "Un de mes ancêtres est entré dans le commerce des esclaves presque à ses débuts. D'après la légende familiale, c'était un homme bon. Mais quelle légende familiale comporte un homme cruel?"

Le crime de Julian Wells – Thomas H. Cook – Traduit de l'américain par Philippe Loubat-Delranc – Seuil – 304 pages – 21,50€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 27 septembre 2015




jeudi 1 octobre 2015

Thérapie de groupe






 Imaginez que vous ayez réchappé à un tueur en série, été en partie boulotté par un de ces dégénérés qui hantent les villages perdus des films gore, ou encore que vous soyez l’ado de tous les romans de King, celui qui a vu l’horreur sans nom dans les yeux : difficile d’éteindre sa lampe le soir. Vous voilà réunis pour un groupe de parole : méchamment drôle !






Nous allons tous très bien, merci - Daryl Gregory - Traduit de l’américain par L. Philibert-Caillat - Le Bélial’- 200 pages - 16€ - ***
François Rahier – Sud-Ouest-dimanche – 13 septembre 2015