mercredi 30 avril 2014

Des tas de secrets






 Ingrid, l'effeuilleuse, et Lola, l'ancienne flic obstinée, composent (et c'est Dominique Sylvain qui l'affirme) un savant cocktail des qualités de l'auteure. Dans cette aventure franco-africaine sur fond de corruption et de menaces terroristes, le mélange fonctionne à merveille pour nous offrir la nervosité du roman noir américain et la tendresse du regard porté sur les personnages. 




Ombres et soleil – Dominique Sylvain – Viviane Hamy – 298 pages – 18€ - **
Lionel Germain




mardi 29 avril 2014

T'as voulu voir Venise






 Voilà de nombreuses années que l'Américaine Donna Leon nous promène dans Venise. L'opéra, les musées, le grand canal, Murano, les palais planqués où les derniers Vénitiens agonisent entre deux bouffées de particules fines, à chaque fois la promenade s'est révélée sanglante pour le commissaire Brunetti. T'as voulu voir Venise, lecteur? On y meurt en tête de gondole et c'est le vingtième épisode.




Deux veuves pour un testament – Donna Leon – Traduit de l'américain par William Olivier Desmond – Calmann-Lévy – 286 pages 21,50€ - **
Lionel Germain




lundi 28 avril 2014

Drôle de drachme





 Dernier épisode de la trilogie de la crise initiée avec "Liquidations à la grecque", ce roman d'anticipation écrit en 2012 se lit désormais comme une uchronie douloureuse. Non, la drachme n'a pas remplacé l'Euro en 2014 et la misère n'a pas besoin d'une devise en son nom pour prospérer. Petros Markaris ne joue pas avec les mots: immigrés harcelés, peuple en détresse, les fantômes des colonels ne sont plus très loin.




Pain, éducation, liberté – Petros Markaris – Traduit du grec par Michel Volkovitch – Seuil – 256 pages – 21€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 27 avril 2014




vendredi 25 avril 2014

chauds les glaçons






 Indridason épuise les perspectives de l'être et de l'absence, recomposant dans ces jeux de lumière le paysage contrasté de son île. En 1972, la guerre est froide et en surplomb d'une intrigue apparemment classique sur l'assassinat d'un jeune garçon épris de cinéma et de sons enregistrés, on observe l'affrontement brutal mais invisible entre les Russes et les Américains. Avec bien-sûr, l'entrée en scène très remarquée d'Erlendur.




Le duel – Arnaldur Indridason – Traduit de l'islandais par Éric Boury – Métailié – 320 pages – 19,50€ - ***
Lionel Germain




jeudi 24 avril 2014

Belfast: Extérieur, Nuit



 Un circuit touristique du crime littéraire ne peut plus faire l'économie d'un détour "Chez Sam" en Irlande. Tout y est comme à la parade: la violence, l'obscurité générique de la ville, la plainte sans cesse contenue des âmes blessées. "Dans ces rues sordides doit s'avancer un homme qui n'est pas sordide lui-même", précise Raymond Chandler en exergue d'un chapitre.



 Et voici Karl Kane, détective privé à la recherche du sens dans une série de meurtres, glanant ses infos auprès d'indics aussi réjouissants que des croque-morts, le fondement dévoré par une douleur qui semble existentielle. 

 Le vrai flic, c'est son beau-frère. Le visage grêlé par le souvenir d'une cartouche de fusil tirée en pleine figure, il officie dans une brigade où règne un sexisme des plus ordinaires. Et Belfast diffuse sa mélodie pluvieuse, acide et noire comme la nuit irlandaise.



Les chiens de Belfast – Sam Millar – Traduit de l'anglais par Patrick Raynal – Seuil – 272 pages – 21,50€ - ***
Lionel Germain




mercredi 23 avril 2014

Tchou-Tchou Polar


"Je ne suis pas une fille facile, dit Jackie. En quatre ans, je n'ai couché qu'avec trois garçons, des garçons avec qui, pour moi, c'était sérieux.
- Qu'est-ce qu'ils sont devenus?
- Ils ont eu leur diplôme."





 Voilà, c'était ça Elmore Leonard. Des dialogues à l'ancienne, un rythme enlevé, des intrigues savoureuses au sens propre, c'est-à-dire un plaisir de l'instant qu'il avait travaillé et même codifié. Ce dernier bouquin très bien résumé par l'éditeur vous prendra le temps d'un Paris-Bordeaux.






Raylan – Elmore Leonard – Traduit de l'américain par Pierre Bondil – Rivages – 270 pages – 20€ - **
Lionel Germain




mardi 22 avril 2014

Paris 1900






 C'est une belle série qui se termine à "l'apothéose" du siècle, cette année 1900 où l'Exposition universelle remet Paris au centre du monde, comme en 1889 date à laquelle Victor Legris débutait son aventureuse carrière de bouquiniste enquêteur. Flèche dans le cœur et bateau fantôme, Laurence et Liliane Korb, alias Claude Izner, nous offrent une dernière pirouette pleine de couleurs et de fantaisie. 





Le dragon du Trocadéro – Claude Izner – 10/18 – 357 pages – 8,80€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 20 avril 2014




vendredi 18 avril 2014

Conte à rebours







 Brigitte Aubert revisite avec humour le conte de Barbe-Bleue. Une jeune bécasse tombe amoureuse d'un bel homme fortuné que lui a présenté sa sœur Anne. Il y a évidemment une pièce interdite dans la maison familiale et d'étranges disparitions de jeunes filles dans les parages. Mais attention, les ingrédients sont mélangés et la saveur du frisson inédite.






Reflets de sang - Brigitte Aubert - Seuil - 255 pages - 6,60€ – **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – juin 2008




jeudi 17 avril 2014

Secrets scellés




 Le grand art pour un auteur de romans à suspense consiste à raconter une histoire où les rebondissements sont rares et où la certitude pourtant d’une révélation cloue le lecteur dans son fauteuil. Inscrit dans l’espace qui sépare le prologue de cette révélation, ce phénomène littéraire prouve que tout bon roman est un polar, que l’appétit du secret est au cœur de la littérature et que Ruth Rendell fait partie de la famille. Une jeune garde-malade découvre sa propre vie dans les yeux d’une vieille dame dont elle s’occupe. Deux histoires d’amour tragiques qui s’écrivent à mi-voix dans la pénombre où la mort va surgir.



Noces de feu - Ruth Rendell - Livre de poche - 381 pages - 6,10€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 11 janvier 1998




mercredi 16 avril 2014

Nazes clos



 Jean-Paul Demure est un vieux routier du polar, au sens noble de quelqu’un qui a roulé sa bosse, et le genre d’auteur qu’on pourra enfin citer en exemple pour affirmer la nature critique du roman noir français contemporain. La récurrence abusive du Poulpe ayant tué la pertinence du héros, on sera ravi de découvrir un jardinier et une femme de ménage au centre de cette intrigue, emblêmes de l’épouvante pour les propriétaires de la résidence Plein Azur qui les emploie. Une résidence où chacun veille depuis son mirador sur l’ennemi potentiel, une taule de riches qui rêve d’une séparation radicale avec les autres, tous les autres. Un huis-clos dévastateur et meurtrier.

Les jours défaits - Jean-Paul Demure - Rivages - 237 pages - 8,65€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 4 juin 2000 -




mardi 15 avril 2014

Reconversion






 La collaboration n'en finit pas de titiller l'imagination des romanciers. Il faut dire aussi que la figure du traître ou de l'arriviste cupide constitue un contrepoint efficace à l'imagerie héroïque d'une résistance largement fantasmée. Nogaro n'a pas besoin d'en rajouter pour saisir la vérité de son personnage détestable, un milicien cruel reconverti après la guerre en entrepreneur. Mais la mémoire, même trafiquée laisse toujours des traces. Règlement de comptes à Saint-Etienne dans un polar au format économe. 


La guerre a son parfum – Jean-Louis Nogaro – Caïman – 70 pages – 8,50€ - **
Lionel Germain




lundi 14 avril 2014

Gachette à louer






 Dick Lapelouse, tueur à gages, pratique le discount, ce qui pourrait "tuer" le métier si la veulerie n'était pas un principe universel. Sébastien Gendron pastiche avec férocité un système économique libéral et pervers. Sans oublier les ressorts littéraires du noir, il dénonce par l'absurde la marchandisation du monde et la rapacité des prédateurs. Grinçant.





Le tri sélectif des ordures – Sébastien Gendron – Pocket – 190 pages – 5,70€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 13 avril 2014




vendredi 11 avril 2014

Vertige existentiel






 Dès les premières lignes le brouillard est épais. Suzanne Stock nous englue dans l'univers halluciné d'une jeune femme, Sandra Denison, avocate new-yorkaise sur le point d'être promue associée. Amoureuse d'un homme marié et obsédée par un drame de l'enfance, elle sombre et nous aspire dans un vertige existentiel dont les visions sanglantes épousent une chronologie incertaine. Un premier roman machiavélique et passionnant.




Ne meurs pas sans moi – Suzanne Stock – Le Passage – 192 pages – 18€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 6 avril 2014




jeudi 10 avril 2014

Taxidermiste




 Burini, un jeune flic dont la biographie recèle des zones d’ombre inquiétantes, et Cardona, un chauffeur de taxi victime d’une étrange maladie de peau, chavirent dans Paris. La mort épingle ses proies avec un rituel propre au tueur en série sur lequel enquête Burini à la demande de l’assassin. Et si rapidement, l’identité de celui-ci n’est plus mystérieuse, le suspense demeure intégral quant aux mobiles et aux liens qui unissent les deux protagonistes. Après “Vue sur crime” qui la libérait des territoires de l’enfance, Sarah Cohen-Scali tente une nouvelle incursion dans la littérature noire avec ce roman longtemps syncopé par le monologue de Cardona.


Les doigts blancs - Sarah Cohen-Scali - Seuil policiers - 275 pages - 16,80€ - ** 
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 14 mai 2000


Sarah Cohen Scali, Prix des lycéens pour "Max" sera au cinéma Gérard Philippe de Gujan-Mestras, samedi 12 avril 2014 à 10h30.






L'article de Marie-Florence Gaultier dans l'Express




mercredi 9 avril 2014

Travelo forcé



 C'est comme si Brigitte Aubert cherchait à relever un nouveau défi à chaque roman. Avec une enquêtrice tétraplégique et sourde dans "La mort des bois" (Seuil), elle avait réussi à rafler la mise puisque son roman avait obtenu le grand prix de littérature policière en 1996. Ici, le détective amateur est un travelo qui voit toutes ses copines se faire trancher le vif du sujet. La pauvre Bo' est une presque épave sans domicile fixe et malgré les indices qu'elle sème sur les lieux de chaque nouveau meurtre, les policiers répugnent à l'épingler. Tragique et drôle, elle mène un combat désespéré jusqu'au bout de l'horreur simplement pour survivre.


Transfixions - Brigitte Aubert - Points Seuil - 237 pages - 6€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 17 janvier 1999




mardi 8 avril 2014

Une femme canon






 Assez surprenant de découvrir cette femme partagée entre son désir de normalité et son univers de marchands de canons. Eva Maria Staal est un pseudonyme derrière lequel se cache peut-être un fantasme de midinette mais la réalité qu'elle décrit vaut son pesant d'angoisse. Des généraux chinois qui soldent leur surplus d'armes aux psychopathes des zones de guerre, sa petite PME du crime fait froid dans le dos.





Trafiquante – Eva Maria Staal – Traduit du néerlandais par Yvonne Pétrequin – Le Masque – 287 pages – 19,50€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 6 avril 2014




lundi 7 avril 2014

Indifférence






 Elsa Préau, ancienne directrice d'école, entretient une relation fusionnelle avec son fils médecin. Ce dernier est incapable de séparer le vrai du faux dans les rapports qu'elle lui impose. Les voisins qu'elle observe sont-ils en train de commettre l'irréparable sur un de leurs enfants ou délire-t-elle après la mort tragique de son propre petit fils? Une réflexion glaçante sur les méfaits de l'indifférence.




L'enfant aux cailloux – Sophie Loubière – Pocket – 350 pages – 6,80€ - ***
Lionel Germain




vendredi 4 avril 2014

Homme à gnons





L'expression viendrait d'Irlande où le plaisir de la castagne entre hommes de bonne volonté l'emporterait paraît-il sur les joies de la table. Spécialiste des tranches de viande bien épicées, Frank Bill nous raconte la version américaine du Donnybrook. Des combats clandestins à mains nues pour arracher quelques dollars à l'Amérique profonde. Un festival de glandes enrichies au fréon ou à la meth. Bonne nuit les petits.



Donnybrook – Frank Bill – Traduit de l'américain par Antoine Chainas – Série noire Gallimard – 233 pages – 17,50€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 30 mars 2014




jeudi 3 avril 2014

Mauvais souvenir






 Défiguré après un accident de voiture, un homme survit avec son ami propriétaire de vignes en Champagne, obsédé par le souvenir de cette jeune femme qui les accompagnait ce soir là. Quand parmi les jeunes vendangeurs, apparaît dix ans plus tard une fille qui lui ressemble étrangement, on devine que les travaux agricoles vont passer au second plan. Très Boileau et Narcejac.




Un vent de cendres – Sandrine Collette – Denoël – 350 pages – 18€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 30 mars 2014




mercredi 2 avril 2014

Haute tension






 C'est Barcelone et c'est n'importe où en enfer. L'humanité lâche la rampe peu à peu. Porté par une tension extrême, le récit de Carlos Zanon n'offre aucun répit à ces héros, un couple si jeune et déjà cabossé, incapable de s'atteindre autrement qu'à travers les artifices d'un monde condamné au spectacle de sa propre agonie. Chiens courants et gibier hantent les faubourgs. On aime et on tue comme on aime. L'humanité, c'est cette immense souffrance, muette, sale, désespérée. Bouleversant.



Soudain trop tard – Carlos Zanon – Traduit de l'espagnol par Adrien Bagarry – Asphalte – 234 pages – 21€ -
Livre de poche - 6,60€ - ***
Lionel Germain




mardi 1 avril 2014

Seine et galets





 Marabout et Ficelle, deux amis de Dakar en partance pour Londres se font siphonner leurs dernières économies par un passeur. Persuadés de toucher le pactole qui leur permettra de s'installer en Grande-Bretagne, ils investissent à perte dans un projet de station de sports d'hiver sur les hauteurs du Havre. Les deux clandestins auront du mal à remonter la pente du plateau cauchois et l'enquête du commissaire Feufollet se complique encore après la découverte du cadavre d'un cheval de course près d'un cochon hollandais (le porc d'Amsterdam).


Le cas du Havre à ski – Bill Boulay – Trident Éditions – 274 pages – 18€ - **
Lionel Germain

La photo de couverture est une reproduction d'une oeuvre de Thige, artiste arlésien.