lundi 31 mars 2014

Revival






 Ça commence comme une descente aux enfers pour Mickey Wade. Sa voix-off contemple son cadavre et nous raconte cet étrange voyage dans le passé qui lui permettra peut-être d'éclaircir ses secrets de famille. Et si Thomas Jefferson revenait à Frankford, berceau d'une certaine idée du monde et quartier désormais pourri de Philadelphie, il réfléchirait peut-être "un peu plus longuement à toute cette histoire de liberté". Mariage réussi entre fantastique et roman noir. 



Date limite – Duane Swierczynski – Traduit de l'américain par Sophie Aslanides – Rivages – 267 pages – 9,15€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 30 mars 2014




vendredi 28 mars 2014

Bordeaux, années zéro



"Il souffle, serre les poings en regardant le ciel gris, la cour noirâtre, la façade sale de l’autre côté de la rue Abbé-de-l’Epée. La ville est crasseuse, souillée par le jus charbonneux du crachin d’hiver, nécrosée par les chaleurs moites l’été. Elle pue le gasoil, le salpêtre des caves de pierre refoulant par les soupiraux, la vase du fleuve brun, le poisson et les légumes étalés sur les éventaires des marchés. Il a l’impression que tous ces effluves sont venus se mêler dans la cour du commissariat et lui soufflent à la figure toute la pourriture qui submerge la ville et le pays depuis la fin de la guerre, cette haleine fétide charriée par toutes ces gueules qu’on a autorisées à s’ouvrir."

Photo: L.G.

 Bienvenue à Bordeaux. Pas celui d’aujourd’hui bien sûr, "Unescoïsé", lumineux, tout dédié aux charmes discrets de la bourgeoisie bohème : non, le palimpseste de celui-là. Souvenez-vous pour ceux qui le peuvent par privilège odieux de l’âge : le Bordeaux des rats, des putes, des clandés, des pardessus gris et des façades noires, des cargos à quais, des secrets parfois misérables, des Capus et du pavé des Chartrons, des quartiers comme autant de frontières, d’une ville qui se rend à Chaban en soupirant encore un peu après Marquet… Ce Bordeaux des années 50 qui oscille d’un désastre l’autre, du retour des camps au départ pour l’Algérie, n’est pas vraiment un sujet d’études littéraires (hormis ici ou là, chez Forton ou Guérin). La tristesse, lorsqu’elle recouvre tout, ne l’est jamais vraiment. C’est donc l’une des forces premières de ce diamant noir qu’est "Après la guerre", le nouveau roman d’Hervé Le Corre, que de nous offrir ainsi cette ville comme surgie des ombres, du chagrin et de la mémoire.



 Trois personnages viennent tour à tour y écrire les chapitres essentiels de ce requiem des bords de Garonne. Il y a d’abord Albert Darlac, un flic plus pourri encore si c’était possible que les différents régimes dont il s’est servi plus qu’il ne les a servis. Avec ça, une espèce de grandeur paradoxale dans le mal qui pourrait rappeler l’inspecteur Quinlan joué par Orson Welles dans "La soif du mal". Il y a aussi Daniel, vingt ans, dont les parents un jour furent emmenés vers l’est pour ne plus revenir. Recueilli par un couple, il est devenu apprenti mécanicien dans un garage près de la gare. 


Et il y a enfin, un homme dont on ne sait rien si ce n’est qu’il est d’abord de retour d’entre les morts, qui n’apparaît que pour mieux disparaître, un fantôme pâle et décharné, un ange de la vengeance.

 On sait depuis son précédent livre, "Les cœurs déchiquetés", Grand Prix de littérature policière, qu’Hervé Le Corre est peut-être le grand romancier noir et naturaliste que ces temps (et cette ville…) attendaient. Par naturaliste, il faut entendre avant tout humain. L’humanité que l’on retrouve aussi bien chez Henri Calet que dans les plus désespérés des romans de Frédéric Dard. Il y a chez Le Corre une puissance d’évocation alliée à un vrai savoir-faire (et l’expression ici, n’est en rien péjorative). Ses livres où rôdent le crime, le silence et la folie sont aussi gorgés d’une belle compassion. Le romancier comprend tout. L’homme n’excusera rien.

Après la guerre - Hervé Le Corre – Rivages - 524 p - 19,90 € -  ***
Olivier Mony – Sud-Ouest-dimanche – 23 mars 2014




jeudi 27 mars 2014

Légitime démence






 Mieux vaut ne pas croiser Merryl. Cette vieille jeune fille abandonnée un peu trop tard par sa mère élimine les méchants avec une innocence féroce, mais les dégâts collatéraux ne sont pas négligeables. En camping car, elle découvre la liberté et sème la mort sur son passage. Les flics pataugent parce que ce n'est pas le "genre" des femmes de faire des choses pareilles, non? La lectrice qui est parfois un lecteur, est aux anges. 





L'ordre et le chaos – Maud Tabachnik – Albin Michel – 309 pages – 19,90€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 23 mars 2014




mercredi 26 mars 2014

Solo de colt






 "A pas comptés" racontait la dernière enquête pour le NYPD de Thelonius Avogaddro. Sous le soleil californien, le voilà détective privé reprenant l'enquête sur la mort de sa sœur, avec dans le collimateur le mari violent relaxé à l'époque. Tandis que ses collègues du FBI analysent le crash d'un avion au-dessus du Golden Gate, Thelonius travaille son solo de colt en surjouant un peu son personnage de dur-à-cuire.



Il n'est jamais trop tard – Chris Costantini – Versilio – 256 pages – 17€ - 6,99€ (numérique) - *
Lionel Germain




mardi 25 mars 2014

Sous influence




 Les apparences sont trompeuses. C'est ce qui fait le sel de la littérature policière. En apparence donc, Christine, animatrice radio est une femme de caractère. Sur le point de se marier, elle compte présenter son homme à ses parents, anciennes gloires des médias. Leur personnalité redoutable, ces effrayantes menaces qui lui parviennent et l'écho lointain de cette sœur avec laquelle elle n'a jamais pu rivaliser contribuent à déliter le joli portrait initial. Martin Servaz, le héros de Bernard Minier, navigue en parallèle sur une autre affaire mais la machine infernale est en place. Redoutable.   


N'éteins pas la lumière – Bernard Minier – XO – 616 pages – 21,90€ - ***
Lionel Germain




lundi 24 mars 2014

Alchimie






 Viviane Moore en a fini avec Tancrède le Normand comme avec Galeran, personnages auxquels elle a consacré des séries à succès. Elle poursuit l'exploration du passé en mettant en scène un jeune commissaire au Chatelet dans le Paris de 1581. Le corps décapité d'une prostituée l'incitera à fouiner du côté d'un alchimiste et de sa fille Sybille. Au cœur d'un siècle tourmenté après le massacre de la Saint-Barthélémy, la belle histoire d'une femme qui se rêvait médecin. 




La femme sans tête – Viviane Moore – 10/18 – 310 pages – 8,10€ - **
Lionel Germain




vendredi 21 mars 2014

Le Flic poète et le Prince rouge



 Quand on prend la ligne N°2 du métro de Shanghai, en s'arrêtant au croisement de la rue de Tianjin et de la rue de Henan, on n'est plus qu'à quelques minutes  à pied du meilleur restaurant de nouilles de la ville. Huile d'échalote, beurre de cacahuète et crevettes grillées, l'évocation déclenche un émoi secret des papilles. Montalban ou Camilleri nous ont habitués à cet étrange bonheur de lecture qu'on éprouve aujourd'hui avec Qiu Xiaolong.




 Après avoir soutenu une thèse sur le poète T.S. Eliot, l'écrivain chinois né à Shangaï s'est replié à Saint-Louis aux États-Unis pour échapper aux persécutions de la Révolution culturelle. C'est à travers une série policière qu'il s'exprime désormais sur la situation politique de son pays. L'inspecteur Chen, héros de romans noirs vendus à plus d'un million d'exemplaires dans le monde, emprunte à son créateur un goût immodéré pour la poésie et les bonnes tables.



 Si le roman noir s'est ancré sur l'émergence d'une civilisation urbaine et la transformation du capitalisme patriarcal en sociétés anonymes pratiquant parfois une violence proche de celle des organisations criminelles, on devine que la Chine contemporaine est son théâtre d'excellence. Qiu Xiaolong raconte une histoire de corruption et de luttes pour le pouvoir, celle à peine déguisée qui valut à Bo Xilai, Membre éminent du Comité Central du Parti Communiste Chinois, de se retrouver en prison.

 En rupture de carrière officielle, l'Inspecteur Chen, incorruptible et cultivé, enquête sur les "ernai", maîtresses des riches Taïwanais venus faire du business sur le continent à l'époque de Deng Xiaoping, et "secondes femmes" des cadres du Parti, luxueusement installées et entretenues. Un excellent roman d'atmosphère où le flic poète a tout à craindre des Princes rouges.
   
Dragon bleu, tigre blanc – Qiu Xiaolong – Traduit de l'anglais par Adélaïde Pralon – Liana Levi – 304 pages – 19€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 16 mars 2014




jeudi 20 mars 2014

Le couloir de la poisse





 


 Un recueil qui rassemble des nouvelles écrites entre 1983 et 1987. Rien pour nous rajeunir sauf la certitude que cette petite note bleue est intemporelle. "La nuit est sur nous". Elle tombe avec l'arrivée d'un pote synonyme d'embrouilles. Parfois, c'est une impasse de Bastille à Nation où les détenus déambulent et courtisent un carré de ciel bleu improbable. Chez Villard, il n'y a jamais loin de l'aube au crépuscule.






Retour à Magenta – Marc Villard – Rivages – 155 pages – 7,65€ - *** 
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 16 mars 2014







 Villard et Pouy ont désormais leurs habitudes, des rendez-vous de potes sur un bout de zinc, au troquet "Chez Rivages", avec le patron Guérif qui entre deux petits noirs demande de leurs nouvelles. En voilà justement. Des meilleures. Chacun s'est branché sur la fréquence du voisin: Barbès, le foot, le jazz, le rock. Avec une tendresse un peu vacharde, ils nous proposent une jolie vadrouille dans les ruelles des lieux communs. 




Zigzag – M. Villard et J.B. Pouy – Rivages – 220 pages – 7,50€ - *** –
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 24 octobre 2010




mercredi 19 mars 2014

Le Rainbow d'Arthur






 Pour ces deux marginaux qui cheminent, l’amitié n’a guère plus de sens qu’un rêve de parallèles aimantées par la perspective. Pour le rêve, Sam est inégalable, et Arthur préfère se rassurer dans l’ivresse de l’instant. Quand Arthur trousse les filles, Sam détrousse les fantômes de l’écran. Il a tout emprunté à l’autre, le grand Peckinpah. Ses silences, ses postures, et cette cruelle indifférence aux hordes policées. Fatalement, une femme vient se glisser entre le réel et les songes et tout est prêt alors pour l’affrontement final. 

Dernier western - Guillaume Guéraud - Editions du Rouergue - 140 pages - 10,52€ – **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 13 janvier 2002




mardi 18 mars 2014

"Fuir, là-bas, fuir"






 L'histoire est mince et vieille comme l'amour. Arnaud aime Estelle qui ne l'aime plus. Dernière virée au Cap-Ferret avec leur fils et intrusion de l'oncle Max, le marginal. C'est un récit qui baigne dans quelque chose d'irréparable, une tristesse infinie, la perte de l'innocence pour le gamin et le désespoir à peine camouflé de l'oncle en fuite. Le Cap, décor de rêve soudain rendu à la brutalité des vagues.



Baignade surveillée – Guillaume Guéraud – Rouergue – 128 pages – 13,80€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 16 mars 2014




lundi 17 mars 2014

Garde fou






 Pour jouer avec les nerfs du lecteur, le thème de l'enfermement psychiatrique est un bon sujet. Marie Hermanson a bien travaillé son scénario initial: un frère jumeau compatissant prend la place de son cinglé de frangin dans une clinique suisse accueillante. Mais ce qui se présentait comme une maison de repos est en fait un palace pour psychopathes endurcis où se trament de terrifiantes expériences. Brrr…





Zone B – Marie Hermanson – Traduit du suédois par Johanna Chatellard-Schapira – Actes Sud – 400 pages – 23€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 16 mars 2014




vendredi 14 mars 2014

Sang maudit






 Premier volet d'une série argentine, "Le jardin de bronze" s'appuie sur une banale affaire d'enlèvement d'enfant pour épuiser les ressorts traditionnels du polar (corruption policière, enquête d'un détective privé, drame familial), avant de se concentrer sur la figure du père. Roman fleuve qui charrie les échos de Conrad, cette mortelle randonnée évoque aussi le sang maudit cher à Ross McDonald. Fascinant.





Le jardin de bronze – Gustavo Malajovich – Traduit de l'espagnol par Claude Fell – Actes Sud – 528 pages – 23€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 9 mars 2014




jeudi 13 mars 2014

La perfection du diable






 A ranger peut-être au rayon fantastique davantage qu'à celui du polar, ce roman de Peter Straub reprend une obsession récurrente de l'auteur sur la création littéraire et sa validation dans le réel. L'écrivain Timothy Underhill écrit-il l'histoire de Willy Patrick, elle-même femme écrivain bloquée par la mort de sa fille, ou éprouve-t-il la réalité de son personnage? Les deux vont se rencontrer et nous priver peu à peu de repères. Personnage d'un autre roman de Straub, Underhill se confronte dans un souterrain fantastique du récit au mythe du livre parfait, œuvre du diable. 


Le cabinet noir – Peter Straub – Traduit de l'américain par Michel Pagel – Plon – 315 pages – 21€ - ***
Lionel Germain




mercredi 12 mars 2014

Lumpen






 Comment concilier l’appétit du lointain propre à une ville qui fut celle d’où Jack London prit son envol et la pesanteur des destins enracinés dans le ghetto? C’est la réponse à cette question qui épuise les heures et les jours de T-Bird Murphy, personnage pathétique et irradié parfois par la rage de survivre hors des frontières d’Oakland. Les pauvres sont habilement invités à se déchirer entre eux plutôt que de s’unir pour changer le monde. Un grand roman sur la violence sociale.


Gris-Oakland - Eric Miles Williamson - Gallimard la Noire -  303 pages - 22,50€ – ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – décembre 2003







 Les petits Blancs qui sont les héros de ce roman pourraient alimenter les troupes du tea party. Exclus de la grande braderie capitaliste, on les verrait bien en bras armés de cette classe moyenne sur le déclin qui revendique un retour aux valeurs mythiques des origines. Parqués dans les enclaves réservées aux Noirs et aux Chicanos d'Oakland, Williamson préfère les investir d'une rage et d'une révolte aux accents anarchistes. Portrait au vitriol d'un déclassé soldé dans les mécomptes du rêve américain.




Bienvenue à Oakland – Eric Miles Williamson – Fayard – 410 pages - ***
Points (2012) – 322 pages – 7,30€ 
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – juillet 2011




mardi 11 mars 2014

Une femme libre







 Sous le pseudonyme de Benjamin Black, John Banville écrit des romans noirs qui ont cette densité propre à la dramaturgie irlandaise faite de non-dits et de bouffées violentes. Son héros est un "médecin des morts" que sa fille arrache aux brumes de l'alcool pour le lancer sur la piste d'une jeune fille disparue. On est dans les années cinquante et April Latimer, belle et rebelle, dérange d'être une femme libre. 





La disparition d'April Latimer – Benjamin Black – Traduit de l'anglais par Michèle Abaret-Maatsch – 10/18 – 360 pages – 8,10€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 9 mars 2014




lundi 10 mars 2014

Mauvais filon





Comme chez Tomas H. Cook, on sombre sans garde-fou dans cette atmosphère intenable. Un fils rentre au pays après huit ans d'absence, huit ans à digérer la culpabilité d'avoir abandonné son jeune frère sur une plage pour une relation amoureuse. Le frère est devenu simplet, l'amoureuse se prostitue, les amis sont des serpents et l'or scintille dans la rivière. Une rédemption éprouvante et coûteuse.




Empty Mile – Matthew Stokoe – Traduit de l'anglais par Antoine Chainas – Série noire Gallimard – 415 pages – 23,50€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 9 mars 2014




vendredi 7 mars 2014

Les tueuses tristes de Frédéric Dard








 Rattrapé assez tôt par sa créature, Frédéric Dard, écrivain lyonnais prolifique, s'est auto-dissous au profit du commissaire San Antonio en 1965. Combien de lecteurs, l'apercevant sur les plateaux de télévision avec sa faconde et son crâne chauve, se doutaient-ils qu'il était le scénariste d'un univers fiévreux aux antipodes des trépidations "rabelaisiennes" de Bérurier? 












 Près de 180 romans jusqu'à sa mort en 2000 témoignent de cette obligation de service public envers un héros dont le pouvoir subversif se nourrissait d'une exubérance langagière condamnée à se parodier elle-même. Le monstre utile avait fini par signer des œuvres sombres comme "La vieille qui marchait dans la mer" en 1988, ou ce dernier "Dragon de Cracovie", dix ans plus tard, une grimace de clown pour masquer la frayeur de l'écrivain planqué sous pseudonyme.












 Les amateurs de suspense redécouvriront le terreau fondateur sur lequel San Antonio a vu le jour grâce aux éditions Omnibus qui exhument "Les Romans de la Nuit", sept œuvres écrites entre 1956 et 1966 sous le nom de Frédéric Dard dans la collection Spécial Police. Le choix des titres s'est voulu représentatif de l'ensemble qui compte près d'une quarantaine de romans. 










 On ne trouve ni "Coma", mainte fois réédité et dont Richard Anconina interpréta le rôle principal dans le film de Denys Granier-Defferre en 1993, ni "Le Bourreau pleure", grand prix de littérature policière en 1957, ni "Le Tueur triste" de 1958. Par contre, avec "C'est toi le venin", qui évoque le charme trouble de Marina Vlady et d'Odile Versois, on mesure la part d'ombre de l'écrivain. Dominique Jeannerod souligne une proximité évidente  du "héros" de Frédéric Dard avec "l'homme nu" de Simenon. Les deux auteurs partageaient encore cette prolixité qui les a rendus suspects. 





 Dans "Cette mort dont tu parlais", le narrateur est un homme de retour d'Afrique qui vient reposer son foie malade dans une maison de Sologne. Il recherche une femme "de compagnie" au moyen d'une petite annonce. Il sera victime d'une machination terrifiante, à l'image de celle impliquant les deux sœurs de "C'est toi le venin". De même que Maurice, le gamin de 18 ans embarqué dans un pacte faustien avec une vieille actrice. Ou que cet autre narrateur du "Monte-charge", à peine sorti de prison et déjà de retour dans la cage habilement construite par une femme. 

 Le héros de Dard se réveille un matin dans la peau d'un étranger, comme le héros de "L'Homme de l'avenue", un officier américain coincé dans une France fraichement libérée et hostile. Mais que ce soit Paris, l'Écosse ou l'Afrique, le paysage s'estompe au profit d'une figure féminine manipulatrice et perverse. Les femmes menaçantes qui peuplent ces cauchemars nous entraînent au cœur de la nuit.    


Romans de la nuit – Frédéric Dard – Préface et notice de Dominique Jeannerod – Filmographie établie par Jacques Baudou – Omnibus – 851 pages – 26€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 2 mars 2014


Coma sur le site des éditions Fleuve Noir




jeudi 6 mars 2014

Scène et sens



 
 L'histoire d'une très vieille dame qui séduit un très jeune homme, un bouquin dans lequel l'épaisseur des personnages est une fumisterie. Lady M. est un fantôme. Elle s'invente un passé où, Lambert, sa marionnette prend ses aises. Quoi de plus fluide et transparent qu'une vie rêvée! Rien ne prend corps, la sexualité n'est qu'un leurre, une aventure de mots. On se demande jusqu'à la fin pourquoi tant de "félicité" funèbre. La raison surgit quand le récit se désorganise, quand la "minceur" cadavérique de Lady M. révèle enfin sa vérité. 



La vieille qui marchait dans la mer – San Antonio – Fleuve noir – 348 pages – 16€ - **
Lionel Germain – d'après un article paru dans Sud-Ouest-dimanche en 1988





mercredi 5 mars 2014

En grande pompe







 Chargée de nettoyer les scènes de crime, Judith Képler arrive juste après les pompes funèbres. Tout va pour le mieux au royaume des asticots jusqu'au jour où, dans ce Berlin en pleine mutation, c'est son dossier d'admission à l'orphelinat sinistre de l'Est qu'elle découvre dans la chambre. Flashback réussi sur l'enfermement d'un peuple et la paranoïa des services secrets.





Témoin des morts – Elisabeth Herrmann – Traduit de l'allemand par Jörg Stickan et Sacha Zilberfarb – Fleuve noir – 464 pages – 19,90€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 2 mars 2014




mardi 4 mars 2014

Rien sous la bure







 On assassine les moines, ou plutôt, on retrouve un moine étrangement nu sous sa bure dans les parages du Mont-Saint-Michel. Ressuscitant le contexte suranné du printemps 1978, Jean-Pierre Alaux remet en scène Séraphin Cantarel, conservateur des Monuments français. Sur fond de naufrage de l'Amoco Cadiz, l'enquête nous entraîne au cœur de cette merveille architecturale qui fut aussi une terrible prison révolutionnaire. 




Saint-Michel, priez pour eux! – Jean-Pierre Alaux – 10/18 – 216 pages – 7,10€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 2 mars 2014




lundi 3 mars 2014

Docteur folle d'amour







 Incollable sur Adler, Jung et Freud, la psy imaginée par l'auteur de ce roman est pourtant sans défense dans sa vie privée. Elle aime de façon exclusive un homme qui va sombrer dans les bras d'une gamine. Mais qui aimons nous vraiment? Nos amours ne portent-elles pas l'empreinte d'une admiration ou d'une répugnance inscrites au plus loin de l'enfance? Bientôt adapté au cinéma par Nicole Kidman. 





La femme d'un homme – A.S.A. Harrison – Traduit de l'américain par Audrey Coussy – Livre de Poche – 328 pages – 12,90€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 2 mars 2014