vendredi 28 février 2014

Mourir de soif








 Plus d'une fois, on nous a fait le coup du soiffard qui se réveille avec la langue chargée et la mémoire vierge dans une chambre d'hôtel où gît le cadavre d'une ancienne jolie fille. Prouver au flic qu'elle n'était pas déjà sur le disque dur avant son formatage à l'alcool, se tirer de ce guêpier, c'est un boulot de romancier à plein temps. Block usine depuis le siècle dernier. Pépère mais efficace réédition. 



Et de deux… - Lawrence Block – Traduit de l'américain par Alain Defossé – Calmann-Lévy – 204 pages – 19,50€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 23 février 2014



En savoir plus sur ce roman avec l'article d'Emmanuel Romer



Et l'article de Bludgeon sur "Le Pouce et l'assassin" (Calmann-Lévy)




jeudi 27 février 2014

Classe biberon




 Depuis la publication de “Huit millions de morts en sursis”, on se demandait comment était Matt Scudder au début de la série. Détective privé officieux, flic démissionnaire après avoir tué par erreur une fillette nommée Estrellita, on l’a connu fréquentant le sous-sol des églises chez les alcooliques anonymes, et les derniers épisodes donnaient l’impression d’un happy-end mou avec auto-compassion et rédemption garantie. Quel bonheur (pervers) de retrouver un dur-à-cuire  très imbibé dont l’enquête nous renvoie aux fondamentaux de la psychanalyse! Genèse d’un classique du roman noir.


Les péchés des pères - Lawrence Block - Traduit de l’américain par Robert Pépin - Seuil - 189 pages - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - septembre 2000


En lire plus sur le site des éditions du Seuil




mercredi 26 février 2014

Jusqu'à la lie



 Au delà de l'intrigue policière, l'œuvre que l'auteur peaufine de livre en livre est un travail sur la mémoire et la volonté d'assumer. 





 Du combat contre l'alcool comme moyen d'oublier la mort accidentelle d'une fillette dans "Huit Millions de morts en sursis" à la nostalgie d'un New-York qui vivrait les rapports humains d'un village dans "Le blues des alcoolos", Lawrence Block n'est pas à la recherche du temps perdu. Il traque le sens d'une ride sur un visage et des raisons d'espérer pour l'avenir dans l'héritage des disparus.





 "Tous les hommes morts", est l'histoire d'une étrange confrérie qui remonterait au roi Salomon et dont le rituel consiste à lire une fois par an la liste de ses morts. Le dernier membre encore en vie est ensuite chargé de recruter trente nouveaux adeptes.






 En enquêtant sur la disparition prématurée de certains membres, Matt Scudder va plus loin qu'un privé ordinaire. Il revendique sa place dans la grande chaîne de l'humanité, refuse le court-circuit qui permet, si l'on n'y prend garde, de suspecter la réalité du génocide. Du grand Block.







Tous les hommes morts – Lawrence Block – Seuil - ***
Lionel Germain




mardi 25 février 2014

Soif du mal



 Dans ce roman publié en France en 1985, apparait pour la première fois le personnage de Matthew Scudder. Il a quitté la police après avoir provoqué la mort d'une fillette. Officiellement, il n'est plus rien, officieusement, il est Privé. Un Privé sans licence.

  

 Une prostituée l'embauche pour qu'il essaie de la libérer de son souteneur, un Noir nommé Chance, amateur éclairé d'art africain, très peu conforme à l'idée qu'on se fait du mac new-yorkais. Quand la fille sera assassinée, on tiendra le coupable idéal. Scudder devra lutter contre cette évidence alors qu'un autre combat l'épuise. Un combat contre lui-même. Il trouve quelques alliés aussi pitoyables que lui dans les réunions des Alcooliques Anonymes. Pourtant, quand vient son tour de parler, il ne peut que répéter inlassablement:



"Je m'appelle Matt. Je vous remercie de votre témoignage. Il m'a vivement intéressé. Ce soir, je préfère écouter."







 Ce leitmotiv revient dans les creux de l'enquête qui apparaissent en négatif comme les moments de crise de Scudder, étiquetant son impuissance à effacer les effets d'une balle perdue. Et pendant ce temps-là, les filles de Chance n'ont guère de veine. Elles meurent les unes après les autres.







 Le roman donnera un film réalisé par Hal Ashby sur un scénario d'Oliver Stone, avec Jeff Bridges et Rosanna Arquette dans les rôles principaux mais il faut lire le bouquin pour se convaincre de la pertinence du cliché sur New-York, "jungle urbaine". 


Huit Millions de façons de mourir – Série noire Gallimard – 1985 - ***
Lionel Germain





lundi 24 février 2014

Viande bouillie et tasse de thé







 Méfiez-vous des étiquettes! Aux Anglais, dit-on, les "Murder Party" raffinées et aux Américains les tueries sanglantes dans la jungle des villes. L'immense popularité de Conan Doyle, Agatha Christie, Dashiell Hammett et Raymond Chandler est bien-sûr à l'origine de cette légende que les historiens du polar ont plaisir à faire mentir.






 Les Américains ont tout inventé en matière de roman à énigme. Dans "Double assassinat dans la rue Morgue", Edgar Poe en 1841 pose les fondations du genre. Son Chevalier Dupin préfigure le Nero Wolfe de Rex Stout, un autre Américain qui nous ramène à notre auteur de la semaine puisqu'en 1984, deux productions de la Série noire le pastichaient à l'évidence. 





 Jusque là, on connaissait Lawrence Block en France pour les aventures de Bernie Rhodenbarr, un cambrioleur moins gentleman qu'Arsène Lupin et manquant cruellement de réussite dans ses entreprises criminelles. Les lecteurs vétérans avaient sans doute lu ses romans noirs des années soixante. Mais "Meurtres à l'amiable" et "L'Aquarium aux sirènes" mettaient en scène deux nouveaux personnages: Chip Harrison et Leo Haig, à la recherche d'un improbable compromis gastronomique entre viande bouillie et tasse de thé.




 Chip Harrison est un jeune homme branché, mais sans qualification. Il trouvera malgré tout un job dans "Meurtres à l'amiable" grâce à une curieuse petite annonce:

"Cherche jeune homme débrouillard pour assister détective. Bas salaire, horaires irréguliers, travail pénible, employeur exigeant. Expérience journalistique sera prise en considération. Connaissance des poissons tropicaux souhaitable, mais non indispensable. Une occasion unique pour un homme exceptionnel…"

 Léo Haig, l'auteur de ces lignes, est un petit bonhomme tout rond. Il rêve d'égaler Sherlock Holmes ou Nero Wolfe et va faire de Chip Harrison un Archie Goodwyn sur mesure. Leur quartier général est au deuxième étage d'un immeuble dont le rez-de-chaussée est occupé par un bordel. Dans "Meurtres à l'amiable", cinq sœurs sont visées par un mystérieux criminel. Pendant que Chip court la gueuse et se bagarre, Léo Haig réfléchit. Solution au dernier chapitre.





 Ce sont les poissons tropicaux qu'on assassine dans "L'Aquarium aux sirènes", mais une jolie stripteaseuse meurt aussi et Chip en profite pour traîner dans les endroits malfamés de la ville. Panachage de roman de détection et de hardboiled humoristique.








Meurtres à l'amiable – Lawrence Block – Série noire Gallimard – 
L'aquarium aux sirènes – Lawrence Block – Série noire Gallimard
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – février 1985




vendredi 21 février 2014

Les dernières petites flammes de Pigalle



 Rien n'est jamais sûr. Dans un recoin déjà poussiéreux de la mémoire collective, Fernand Legros était un escroc. Il alimenta les gazettes du monde de l'art et la rubrique des faits divers en écoulant des Dufy ou des Modigliani qu'il réussissait à faire certifier par les douanes américaines. Ce malfrat mythomane occupe peut-être l'avant-scène dans l'intrigue imaginée par Louis Sanders mais le faussaire, c'est l'écrivain. Fernand Legros est mort en 1983 d'un cancer alors qu'un pic à glace a plongé dix-sept fois dans le corps de M. Fernand en 1979.



 On cherche le colonel Moutarde, les indices et le flic astucieux. Et c'est Pigalle qui s'offre à la fin des années soixante-dix. Monsieur Fernand traverse son royaume dans sa Roll's Silver Shadow, "un tunnel de néons" sur les parois duquel clignotent la fièvre du quartier, un emballement de sueur, de sexe un peu triste, de mélodies de 4 sous. De la rue des Martyrs au rond-point de la place Clichy, l'ancienne prostituée, le peintre dans la débine, la Bovary du faubourg, tout le monde brasse l'air d'une modernité déjà rance et se perd dans les rets d'un pervers narcissique. 


 Étourdi par le souvenir de sa propre splendeur, Monsieur Fernand est programmé pour la chute. C'est cette réinvention du monde qui intéresse notre faussaire, l'écrivain Louis Sanders. Rien n'est jamais sûr. Sauf la comptabilité macabre. Dix-sept coups de pic à glace. Le prix d'un effacement.

La Chute de M. Fernand – Louis Sanders – Seuil – 240 pages – 18,50€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 16 février 2014




jeudi 20 février 2014

Disque d'or






 On est dans les années quatre-vingts. A l'heure où les disques vinyle vivent leurs derniers instants, la piraterie des enregistrements est un art féroce. Avec son personnage de Johnny Trouble, Dominique Forma ressuscite toute une faune qui prospérait autour des marchés en revendant les disques des stars de l'underground du rock. 





Skeud - Dominique Forma - Fayard noir - 360 pages - 20 euros – **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche - 2008




mercredi 19 février 2014

Sauce financière






 Un cambrioleur en délicatesse avec les usuriers du milieu profite de sa rencontre avec un ami producteur de cinéma à Hollywood pour prendre ses distances avec Paris. Dominique Forma est un expert en dynamitage. Son producteur est bien-sûr un escroc qui appâte les financiers pour mieux les rouler dans la farine. Les Français d'Hollywoood, les rêves fripés, la vacuité abyssale du décor, ce roman ne rate jamais sa cible. Un régal.



Hollywood Zero – Dominique Forma – Rivages – 250 pages – 8,15€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 16 février 2014




mardi 18 février 2014

Crème et chatoiement







 Avec Émilie, la marquise du Châtelet, Voltaire enquête à nouveau au cœur de ce siècle où les idées trop audacieuses vous destinaient davantage au banquet du gouverneur de la Bastille qu'aux chatoiements du Palais de Versailles. D'une cellule de la Bastille, justement, un détenu a été relâché pour tenter d'en finir avec le philosophe. Expert en sauce à l'arsenic, c'est aussi la gastronomie française qu'il assassine. 




Crimes et condiments – Frédéric Lenormand – Lattès – 300 pages – 17€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 16 février 2014




lundi 17 février 2014

Face à la mer






 
 Ça sent le cabillaud, le hareng, la tourbe et les vapeurs de grain. On aimerait y poser son sac pour quelques jours, pas plus, parce que sur cette île du nord de l'Écosse, l'air marin a vite fait de vous ruiner les bonnes manières et les sentiments, comme le vérifie cet ancien flic de retour parmi les siens. Cadavre exhumé, secrets de famille, amours trahies, Guillaume Audru explore les consciences blessées.




L'île des hommes déchus – Guillaume Audru – Caïman – 238 pages – 12€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 16 février 2014




vendredi 14 février 2014

Maux croisés



 Il y a le père, son roman, et la mère… on pourrait presque fredonner mais Rafael Reig n'a pas vraiment envie de rire. Carlos, le père, vient récupérer Jorge, son fils de 14 ans, pour l'emmener à la montagne et en faire un homme. "Sur la femme morte" est le titre du manuscrit qu'il confie à Carmen au moment du départ. Carmen, c'est la mère, l'ex-épouse. Le suspense absolu du livre procède de ces amours désaccordées.



 Avec au centre, ce polar livré en pâture à la terreur d'une femme séparée de son enfant, une histoire d'enlèvement qui pourrait évoquer Miss Blandish de façon triviale mais qui vaut surtout par "ce qui n'est pas écrit". Carmen cherche en vain les clés de sa propre histoire dans le scénario de Carlos. Si elle pouvait lire le réel, elle interpréterait sans doute différemment la définition de mots croisés qui termine chaque chapitre du polar pour surgir, éclaircie, en tête du chapitre suivant consacré à l'escapade initiatique.



 On tremble tout au long de cette paraphrase mystérieuse. "Ce n'est pas du Cervantès" insiste un peu trop Carmen. Restent cette quête d'une signification qui nous échappe, la sombre puissance de ce héros halluciné, cette triangulation impossible du désir et cette oscillation permanente entre le plaisir du roman inoffensif et la prétention paranoïaque du "lecteur". Un crime parfait. 

Ce qui n'est pas écrit – Rafael Reig – Traduit de l'espagnol par Myriam Chirousse - Métailié – 240 pages – 18€ - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 9 février 2014




jeudi 13 février 2014

A contre courant






 C'est une femme flic mais c'est aussi une sportive de haut niveau. Rebecca Meredith, championne d'aviron, s'entraîne à la tombée de la nuit avec le secret espoir de se qualifier une dernière fois pour les jeux Olympiques. Son assassinat ne provoque pas qu'une émotion sincère à Scotland Yard. Jalousie sportive, professionnelle ou amoureuse, les deux héros de Deborah Crombie devront enquêter à contre courant en évitant de sombrer dans la Tamise. 



Mort sur la Tamise – Deborah Crombie – Traduit de l'américain par Nicole Hibert – Albin Michel – 387 pages – 19,90€ - **
Lionel Germain




mercredi 12 février 2014

Abus de pouvoir






 Est-ce bien raisonnable de ruiner nos fantasmes sur le fair-play et la morale des sociétés nordiques? Au risque de déplaire aux amateurs de légendes, dans ce roman de 1982, le criminologue écrivain Leif GW Persson met en évidence la réalité des brutalités policières et les artifices utilisés par les délinquants en uniformes pour effacer les traces. Dans la lignée des polars critiques de Per Wahlöö.




Les piliers de la société – Leif GW Persson – Traduit du suédois par Catherine Renaud – Rivages – 412 pages – 23,50€ - ***
Lionel Germain




mardi 11 février 2014

Rouge qui tache






 Pierric Guittaut chasse, pêche et "traditionne". Mais il le fait bien et réussit un premier chapitre onirique, ciselé pour le grand écran. Un clerc de notaire en panne sur une route de campagne en plein orage voit débouler à travers ses phares une fille trempée jusqu'à la pointe des seins. Que demande le peuple à part son numéro de téléphone? Une promenade en forêt berrichonne, un quart de rouge et du noir sur la page.



La fille de la pluie – Pierric Guittaut – Série noire Gallimard – 272 pages – 14,90€ - ***
Lionel Germain



lundi 10 février 2014

Recomposition







 C'est une histoire belge mais elle n'est pas drôle. Barbara Abel, Bruxelloise qui a obtenu le prix du polar de Cognac en 2002, est une spécialiste du frisson mitonné dans les haines recuites des pavillons de banlieue. A la manière des scénaristes de "desperate housewives", elle entoure ses personnages féminins d'un halo inquiétant qui réserve le pire aux familles recomposées. Excellent suspense.





Après la fin – Barbara Abel – Fleuve noir – 334 pages – 18,50€ - ***
Lionel Germain




vendredi 7 février 2014

Tristes gondoles



 William Katz était dans l'air du temps en 1987 quand il a publié cette histoire de meurtres en série. Un psychopathe tue les jeunes femmes de New-York qui ont passé une petite annonce pour vendre leur appartement. Du bon boulot de psychopathe à l'issue duquel il abandonne une petite gondole en papier mâché au chevet de sa victime.





 On peut réprimer un bâillement aujourd'hui à la lecture d'un résumé aussi trompeur. Si Katz donne l'impression de ne pas s'intéresser à son persécuteur, c'est pour mieux libérer l'angoisse par paliers. Une triangulaire du frisson avec la dernière proie trop naïve et confiante, le flic persévérant, le tueur peu à peu gagné par la grâce.







 L'inspecteur Karlov renifle parfois à contretemps pour mieux nous hérisser le poil. C'est un personnage sans fioritures et pourtant, on reste songeur devant ses interrogations sur la pratique policière (son obsession à traquer le moindre détail dans le parcours intime de ses cibles) qui rappelle de façon dérangeante à l'exilé du système soviétique, la toute puissance intrusive du KGB.

Violation de domicile – William Katz – Traduit de l'américain par Danielle Michel-Chic – Presses de la Cité – 284 pages – 21€ - ***
Lionel Germain




jeudi 6 février 2014

Du monde aux basques




 Marin Ledun aime s'attaquer à la face invisible des choses. Normal puisqu'il écrit des romans noirs. Son avant-dernier polar, "Dans le ventre des mères" nous entraînait au cœur de la forêt où les ogres s'amusent avec les joujoux du moment, puce, ADN, et femme blessée.  Et voilà que l'écrivain ardéchois s'est installé dans les Landes et que désormais les questions portées par la région voisine ne sauraient lui échapper, même si, comme il le rappelle, la disparition de Jon Anza, militant nationaliste basque dont le corps fut retrouvé à la morgue de Toulouse en 2010, a été le déclencheur du roman "L'homme qui a vu l'homme" sans qu'on puisse réduire celui-ci à une enquête sur ce cas particulier.



 Son héros, Iban Urtiz, travaille comme journaliste au quotidien basque Lurrama. En plein reportage sur les conséquences du stockage de la monazite et de la pollution des sols (tiens, voilà peut-être un prochain sujet de polar pour le scientifique qui sommeille dans le cœur de l'écrivain), son rédacteur en chef le branche sur une affaire de disparu. Présenté par ses amis réunis en comité de défense comme un militant nationaliste, le disparu en question s'appelle Jokin Sasco.  




 Ce n'est pas un militant de première ligne mais il a quand même rejoint ETA et un commando armé, raison pour laquelle il a été incarcéré en Espagne à 18 ans. Selon le dossier d'Iban, à sa sortie de prison, Jokin ne cherchait qu'à se réinsérer en trouvant du travail.

 Une des premières qualités du roman, c'est de mettre en scène un personnage complètement étranger au milieu nationaliste. Fils d'un ouvrier qu'il n'a pas connu, Iban débarque de Savoie avec un patronyme qui ne le protège pas de son ignorance sur la région. Il est vite renvoyé à son statut d'Erdaldur (celui qui parle une langue étrangère) par son collègue du journal. Basque, sans fibre patriotique, son engagement dans l'affaire ne sera donc légitimé que par une éthique très personnelle et la volonté de comprendre pourquoi la direction du journal et les autorités policières sont si pressées de classer le dossier de cette disparition.

 Iban rencontre la sœur, puis la petite amie qui lui détaille son propre enlèvement en 2008 par des hommes cagoulés, la séance de torture, les menaces de viols destinées à lui faire cracher la liste de ses compagnons. Il découvre les obsessions qui hantent les clandestins et les contradictions qui parfois les déchirent. Forcément, il dérange les contrats en cours et ne tarde pas à voir les tueurs en service commandé lui chauffer les arrières.

 Dans les affaires de terrorisme, la raison d'État s'applique à effacer les traces des pratiques illégales, à laisser courir les rumeurs de règlements de comptes. Pour l'enlèvement de Jokin, ses amis ne peuvent opposer à la puissance communicante du pouvoir que le témoignage invérifiable de "l'homme qui a vu l'homme". Et si le roman noir ne prétend rien résoudre, il déconstruit la partition officielle pour nous laisser découvrir la voix censurée des victimes.  

L'homme qui a vu l'homme – Ombres noires – 464 pages – 18€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 2 février 2014




mercredi 5 février 2014

African connection






 Une jeune fille est arrêtée à l'aéroport de Bamako avec de la cocaïne dans ses bagages. Pour son avocat, la première urgence, c'est de connaître le prix du juge. Longtemps flic instructeur au Mali, l'expérience de Laurent Guillaume lui a permis de trouver le ton juste pour ce personnage de détective privé franco-malien, très dur-à-cuire. Malgré ses efforts, l'"African connection" a encore de beaux jours devant elle.



Black Cocaïne – Laurent Guillaume – Denoël – 272 pages – 19,90€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 2 février 2014




mardi 4 février 2014

Chemin des dames







 Tout commence au printemps de 1917, un printemps pourri pour les rescapés d'un régiment, petite meute sans discipline, massacrée par un loup sans morale. Le vilain méchant loup, on le retrouve faussaire et usurpateur dans le Paris des années vingt. Il réussira à berner une jolie journaliste veuve de guerre. Laquelle refait l'enquête avec un photographe et nous offre une belle promenade au cœur des Années folles.  





Veuve noire – Michel Quint – L'Archipel – 231 pages – 17,95€ - **
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 2 février 2014




lundi 3 février 2014

Mauvais joueur








 Amateurs de culture américaine qui n'avez pas l'occasion ou les moyens de vous payer un ticket pour voir les Yankees à New-York, offrez vous une séance de rattrapage avec Grisham. Tout sur le base-ball en prélude à ce petit roman qui raconte avec une grande pudeur l'amour déçu d'un fils pour un père indigne, sportif déshonoré par un mauvais geste fatal au joueur d'en face. 







Calico Joe – John Grisham – Traduit de l'américain par Abel Gerschenfeld – Robert Laffont – 250 pages – 17,90€ - ***

Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 2 février 2014