vendredi 20 décembre 2013

Mortel réveillon



Pour chasser les dernières paillettes, ce roman est une aubaine. Ça commence justement le soir de Noël où tout le monde se prépare pour le recueillement ou les ripailles. Parfois pour les deux, comme les parents de Jean-Noël le mal nommé qui n'aime ni la messe, ni la soupe de minuit. Deux paliers plus loin, Corinne abandonne aussi le sapin familial pour une virée à l'air libre. Ces deux là finiront par se rencontrer le temps d'une escapade, avec un gros flic disjoncté qui leur sème la mort aux trousses. Pas vraiment la mélodie du bonheur, non, juste une petite fugue. Sans retour.



Corinne n'aimait pas Noël – Jean-Luc Tafforeau - Fleuve noir – 190 pages – 6,40€ chez Decitre par exemple -
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 12 janvier 1997




jeudi 19 décembre 2013

Mourez jeunesse!




C'est l'enfance qu'on assassine dans les polars contemporains mais c'est aussi parfois l'enfant qui est un assassin. Dans le meilleur des cas, l'enfant est également un lecteur qui assure de confortables revenus à tout un secteur de l'édition et Julien Védrenne, dans ce dernier numéro de L'Indic, nous rappelle au bon souvenir du Club des Cinq quand Enid Blyton régnait sur nos frayeurs littéraires. La revue traque les indices de cette violence contemporaine chez des auteurs comme Marin Ledun ou Sophie Loubière pour les parutions récentes. Indispensable aux amateurs du genre.


L'Indic – N°16 – Enfance - 40 pages – 6€ - ***
Lionel Germain


Le site de la revue Fondu Au Noir





 
Constater sans pathos qu’à Londres, un enfant peut coucher dehors plus tranquillement qu’à Bradford parce que la police de la capitale s’est habituée aux enfants SDF, voilà qui fait déjà froid dans le dos. L’histoire de Link n’est pourtant pas très originale. Battu par un beau-père alcoolique, il a préféré l’incertitude de la rue aux brimades sous le toit maternel. Dans ce roman noir pour adolescents, bien dans la tradition anglaise, la réalité n’est pas édulcorée. L’intrigue qui mêle la voix de l’enfant à celle d’un psychopathe qui a décidé de faire le ménage dans la ville fonctionne comme dans les meilleurs polars.


Sans abri - Robert Swindells - Scripto Gallimard - 174 pages - 8,50€ -
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – décembre 2003




mercredi 18 décembre 2013

L'arracheur de temps


Comme tous les menteurs, l'Argentin José Pablo Feinmann a le projet apparent de nous endormir avec une bluette pour nous épargner des vérités trop douloureuses sur nous-mêmes. Mais le menteur est aussi un magicien cruel qui nous laisse espérer des colombes avant de sortir un lapin mort de son chapeau. Dans "Les derniers jours de la victime" (Albin Michel), noir comme un vrai roman, le tueur obsessionnel préparait à nos dépens sa propre mise à mort, et l'accumulation des détails renforçait encore le caractère absurde du contrat qui lie le prédateur à sa proie.




Son deuxième roman publié en France chez le même éditeur, "L'armée des cendres", était une épopée furieuse sur la folie guerrière. Et voilà qu'avec "La ballade d'Ismael Navarro", le menteur nous plonge dans une ambiance de roman noir, c'est à dire le genre de bouquins que les avaricieux réduisent à ses signes extérieurs de détresse, un éclairage indirect dans une salle de billard, quelques crissements de pneus et un pet de saxophone. 



"Un moment: laissez-moi terminer mon whisky. Voilà Je pose mon verre sur le piano et j'allume une cigarette. Alors?" Alors comme le héros désabusé qui ne croit pas une seconde à la vérité de son personnage, on se méfie du menteur. On connaît l'art avec lequel il joue du "temps perdu" pour mieux nous bluffer.

Ismael est un pianiste, et sa compagne, Susy, une chanteuse qui aurait fait mourir Gershwin un jour plus tôt s'il avait entendu son interprétation de "Love walked in". Ismael est également un philosophe très au fait du Dasein de Heidegger, et un écrivain qui cachetonne sous pseudonyme. Susy et lui débitent les standards dans une boîte de Mar del Plata quand un avocat marron leur propose d'arrondir les fins de mois en faisant chanter un architecte millionnaire. 

Feinmann assume ses clichés sans faiblesse, résolvant l'intrigue comme on résout une équation en inversant les signes, et par l'élargissement du champ, une narration à deux voix souvent synchrones, il nous montre l'incongruité des rêves qui nous animent, englués que nous sommes comme des mouches sur le miel d'une durée éphémère.

La ballade d'Ismael Navarro – José Pablo Feinmann – Albin Michel - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – février 1996






mardi 17 décembre 2013

Le Bourreau pleure


En écho au livre de James Sallis, "Le Tueur se meurt", grand prix de littérature policière 2013, retrouvons l'écrivain argentin José Pablo Feinmann, auteur d'une très belle variation sur le thème du tueur en fin de parcours.



Mendizabal, un tueur indépendant, est chargé d'assassiner un homme à Buenos-Aires. C'est un professionnel consciencieux et réputé. Certains contrats qu'il a honorés sont cités en exemple par les membres de l'Organisation. Seulement voilà, il a cinquante ans et même si le rite obsessionnel qui le conduit à apprivoiser les habitudes et les lieux que fréquente sa future victime fonctionne parfaitement, on sent qu'un désarroi profond l'empêche d'agir. 



Mendizabal cherche moins à donner la mort qu'à s'emparer de la vie de Rodolfo Külpe, un homme d'une trentaine d'années dont nous ne savons pas grand-chose. Il multiplie les photos et les intrusions clandestines dans l'appartement de Külpe. Il vole les mégots de sa maîtresse, il en jalouse l'ardeur, cherche à séduire une ancienne relation de sa cible, s'englue dans une impuissance qui le prive de sommeil pendant que l'Organisation s'impatiente.

Dans "Un Tueur récalcitrant", Howard Fast proposait une parabole assez comparable dans laquelle il dénonçait une société calquée sur les systèmes de prédation. Jose Pablo Feinmann symbolise cette chaîne du vivant par l'arme qu'utilise Mendizabal. C'est un vieux Lüger ayant sans doute appartenu à un officier prussien. Il a déjà tué beaucoup d'hommes  "et peut-être cet officier prussien lui-même". Le bourreau pleure.

Les derniers jours de la victime – José Pablo Feinmann – Albin Michel – *** -(chez les bouquinistes avec un peu de chance ou en ligne en format livre de poche)
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – juin 1991




lundi 16 décembre 2013

Réécriture







 Rêve gothique d'une ville des années trente soumise à un maire prédateur, le roman utilise la figure mythique du privé et celle du journaliste pour éclaircir le brouillard d'un passé en pleine réécriture. Tandis qu'un fonctionnaire kafkaïen tente de préserver l'intégrité des archives criminelles parquées dans un lieu rebaptisé les Catacombes, la mafia au pouvoir cherche à effacer les traces de ses crimes.  






Les Catacombes – Toby Ball – Traduit de l'américain par Isabelle Maillet – 10/18 – 432 pages – 8,80€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 15 décembre 2013




vendredi 13 décembre 2013

Folie virale


Flea Marley de la brigade de recherche subaquatique et Jack Caffery, commissaire adjoint à la brigade criminelle, forment un duo étrange, tenu par un secret qui les renvoie de l'autre côté de la barrière, dans cette zone sombre d'ordinaire réservée à ceux qu'ils sont censés poursuivre. Ce jeu du chat et de la souris a commencé dans un précédent épisode dont les incidences n'opèrent qu'à la marge de cette nouvelle intrigue.



A.J., infirmier en chef d'un hôpital psychiatrique de haute sécurité, essaie de vaincre la rumeur qui hante les lieux après les séances éprouvantes d'automutilation de plusieurs patients. Le fantôme supposé de la Maude, une infirmière sadique, provoque une vague de terreur alors que l'hystérie collective est chaque jour étayée par des traces bien réelles. Comme ces poupées, patchwork de laine et de chiffons, objets de désir et de haine, qu'un schizophrène libéré depuis peu pourrait utiliser pour signer ses crimes. 


Mo Hayder installe  son huis-clos: des pavillons aux noms de fleurs, des patients aux souffrances indéchiffrables, des infirmiers scotchés devant du porno en boucle et les indices d'une folie contagieuse. Loin d'une simple fascination morbide pour la violence, elle explore les artifices du mal avec cette innocence du conteur qui confère à l'angoisse une densité particulière. 

Fétiches – Mo Hayder – Traduit de l'anglais par Jacques Martinache – Presses de la Cité – 426 pages – 22€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 8 décembre 2013




jeudi 12 décembre 2013

Disparitions





 Flea Marley appartient à la brigade de recherche subaquatique et Jack Caffery est en charge des affaires criminelles. La première n'est qu'une noyée en sursis, accablée par les tourments de son enfance. Le second survit dans la culpabilité d'une disparition, celle de son frère, et apprécie la compagnie fantomatique du Marcheur, un personnage nocturne, vagabond métaphysique à la recherche d'une vérité sur la mort de sa fille. Cette nouvelle enquête passionnante sur des disparitions d'enfants victimes d'un prédateur insaisissable permet à Mo Hayder de poursuivre le portrait de ses héros crépusculaires.  



Proies – Mo Hayder – Presses de la Cité – 436 pages – 21,50 euros
                     Pocket - 544 pages - 7,60€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – juillet 2010






mercredi 11 décembre 2013

Désir de mort






 Avec "Rituel" et le policier Jack Caffery, Mo Hayder fouille le désir de mort de son personnage pris dans la tourmente d'une affaire d'amputation, aux côtés d'une femme flic "plongeuse" très peu conventionnelle. Nous sommes à Bristol et le rituel évoqué ici concerne une Afrique d'exilés dont certaines pratiques culturelles sont détournées pour une exploitation de l'horreur. Politiquement incorrecte, Mo Hayder interroge aussi la fameuse rédemption qui taraude tous les auteurs de polars contemporains. Un thriller de choc.





Rituel - Mo Hayder - Presses de la Cité - 415 pages - 21 euros –                                      Pocket - 512 pages - 7,60€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – juillet 2008






mardi 10 décembre 2013

Police des polices






 La police des polices n'a jamais eu bonne réputation dans les commissariats. Au rayon polar, on les considère généralement comme des emmerdeurs incompétents peu soucieux de solidarité avec les collègues de "terrain". Malcolm Fox ne déroge pas à la règle. Héros paradoxal que Rankin expédie dans l'Écosse profonde où un flic est accusé d'abus de pouvoir, son enquête ravive les mauvais souvenirs d'un nationalisme combattant. C'est bien construit autour d'un personnage dont on devine les failles. Difficile néanmoins d'oublier ce cher Rebus. 




Les Guetteurs – Ian Rankin – Traduit de l'anglais par Freddy Michalski – Le Masque – 480 pages – 22€ - **




lundi 9 décembre 2013

Chantage monarchique







 Un chantage de la CIA sur un secret royal qui pourrait bouleverser l'équilibre du Royaume Uni charpente l'intrigue de Steve Berry. En choisissant de plonger son héros, Cotton Malone, dans les méandres tortueux de la succession des Tudor, ce spécialiste des complots hérités de l'Histoire propose une hypothèse audacieuse sur la personnalité réelle d'Elizabeth I. Divertissant et bien documenté. 






Le secret des rois – Steve Berry – Traduit de l'américain par Danièle Mazingarbe – Cherche Midi – 496 pages – 21€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 8 décembre 2013




vendredi 6 décembre 2013

Cet homme est innocent




 Chauffeur de taxi serviable et d'humeur sereine, Jeff Stutton a le profil du type qui est du bon côté de la barrière. Sauf que rien n'est jamais acquis au brave homme en général quand il n'est pas inscrit dans un réseau plus puissant que le distributeur de bavures institutionnelles.




 Après avoir chargé une jeune femme à l'aéroport, Jeff Stutton est invité à la suivre dans son appartement pour qu'elle récupère de quoi régler sa course. Il va aux toilettes, remarque dans une chambre un modèle de fenêtres qu'il posait avant d'être chauffeur de taxi, pose une main nostalgique sur son ancien outil de travail avant de reprendre la route. En chemin, il dépanne deux auto-stoppeuses éméchées malgré le règlement. L'une d'elle vomit sur sa banquette et le brave homme nettoie donc sa voiture à la vapeur. Autant de faux pas qui l'entraîneront dans la spirale infernale de l'erreur judiciaire.


 Deux jours plus tard, les flics sont chez lui pour l'inculper d'enlèvement d'enfants. La fillette de la jeune femme a été kidnappée, on a retrouvé ses empreintes sur la fenêtre et il a tenté d'effacer les traces de sang de sa petite victime en rentrant au garage. Direction le couloir de la mort, l'avocat commis d'office et l'enfer procédural ou face au coupable parfait, le système bafoue ce qui pourrait profiter à l'accusé pour conjurer sa peur du vide. Réquisitoire mené du ton badin qui sied aux évidences: ce monde-là n'est pas destiné à protéger les innocents. Avocats minables ou prédateurs du barreau, pour la justice aussi: business as usual.    

Arrêtez-moi là! – Iain Levison – Traduit de l'anglais par Fanchita Gonzalez Battle – Piccolo Liana Levi – 246 pages – 9,30€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 10 juin 2012



Iain Levison sur le site de son éditeur.




jeudi 5 décembre 2013

Balle de match

 
 
 
 
 
 Iain Levison a fait tous les petits boulots qui lui ont permis d'écrire "Tribulations d'un précaire" mais c'est l'au-delà de cette fragilité sociale qu'il inscrit au cœur de ce roman. Dans un bled perdu d'Amérique où les profits ne sont jamais suffisants, on parle de misère noire, de chômage absolu, sans espoir, sans indemnités. La clé de la réussite est alors imparable comme une balle de 9mm. Douloureux.
 
 
 
 
 
 
Un petit boulot – Iain Levison – Traduit de l'anglais par Fanchita Gonzalez Battle – Liana Levi Piccolo – 224 pages – 10€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 1er décembre 2013
 
 
 
 
 
 
 

mercredi 4 décembre 2013

Courts métrages

  


Quelques grammes de pur plaisir pour le lecteur à chacune de ces nouvelles où le superflu est hors champ, évacué dans la sueur. Des harmonies reconnaissables mais une ligne mélodique toujours surprenante, singulière. En 70 pages, on revisite un standard du crime, l'assassinat de Luther King, on se promène d'Atlanta à Memphis. Les solos s'entrecroisent. On change de thème, Paris, Barbès, les putes et les camés. Par-dessus tout: la magnifique petite note bleue de Marc Villard.




Un ange passe à Memphis – Marc Villard – Rivages – 300 pages – 9,15€ - ***
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 10 juin 2012


Marc Villard sur la page de son éditeur.








mardi 3 décembre 2013

Espion froid









 A Stockholm, en 1990, l'Albanais qui s'est apparemment suicidé du haut d'une falaise est en fait un Suédois soupçonné d'espionnage. L'enquête du journaliste Meijtens nous entraîne dans le tourbillon idéologique tourmenté des années soixante. Chauffeur de taxi par nécessité, pianiste par soumission et journaliste par accident, Meijtens prouve que l'accidentel l'emporte parfois sur les probabilités déterministes.






Des illusions – Magnus Montellus – Traduit du suédois par Charlotte Drake et Patrick Vandar - JC Lattès – 396 pages – 22€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 1er décembre 2013



 
 

lundi 2 décembre 2013

De guerre lasse

 
 
 
 
 
 
 Noël Simsolo est l'auteur des "Sept poules de Christelle" chez Baleine, ce dont on ne le remerciera jamais assez, et plus sérieusement de ce passionnant mélodrame historique où le Paris allemand de 1944 sent venir le vent d'ouest porteur de bonnes nouvelles. Enfin pas pour tout le monde. Portrait d'un petit escroc sympathique et amoureux d'une belle Allemande au milieu d'une bande de collabos affairistes et bien peu patriotes.
 
 
 
 
 
 
Paris Chaos – Noël Simsolo – L'Archipel – 352 pages – 18,95€ - **
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 1er décembre 2013