vendredi 29 novembre 2013

Les dessous noirs du paradis


Quand on évoque la péninsule de Sorrente, le souvenir contraint de plisser les yeux pour échapper à cette lumière qui descend sur la mer. Au loin, Capri dessine une vague idée du paradis terrestre, parfum d'agrumes, échos de tarentelle et caresse de l'air marin. Mais personne n'ignore l'ombre malodorante qui veille de l'autre côté de cette baie de Naples où les ordures sont un trésor de guerre pour la camorra. On a les démons qu'on mérite, c'est ce que nous raconte cette histoire, la huitième d'une série consacrée à l'une des héroïnes les plus intrigantes de la littérature policière, l'inspectrice principale de la police romaine, Mariella De Luca.



Libre, sensuelle, amoureuse, cherchant parfois à se perdre dans les rendez-vous sous le masque, mais terriblement efficace sur le plan professionnel, on la redécouvre ici séduite par un flic britannique marié, ce qui n'est pas pour lui déplaire. Un projet de police européenne les rassemble autour d'une série de meurtres énigmatiques commis un peu partout sur le continent et dont la signature rappelle l'assassinat d'une jeune fille de Capri, onze ans plus tôt. 



Si Massimo Capone, le tueur présumé, est le fils d'un mafieux en cavale longtemps protégé par son clan, sa sœur Amanda est la véritable patronne de cette branche mafieuse. 

Curieux comme le mensonge romanesque permet d'atteindre la vérité du monde. Gilda Piersanti nous en livre le suc essentiel à travers ce personnage féminin calculateur et déterminé comme le plus cruel des parrains.

A plus de 300 mètres d'altitude, la villa Jovis offre un panorama sans égal sur la baie. L'empereur Tibère y condamnait parait-il ses victimes à un plongeon définitif et les désespérés en ont fait leur dernier tarmac. Un peu moins haut sur la falaise se trouve la villa Malaparte et le fantôme de Bardot dont la fameuse scène: "et mes seins, tu les aimes?" pimente le dialogue entre Mariella et son collègue aux allures de Ryan Gosling. Et c'est sans doute grâce à la noirceur de ses dessous que Capri se révèle accueillante et sensuelle comme une escale au paradis.

Le saut de Tibère – Gilda Piersanti – Le Passage – 345 pages – 19€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche – 24 novembre 2013