mercredi 24 juillet 2013

Avocats et associés


Il est toujours intéressant de s’arrêter sur la profession des personnages de roman. L’apparition récurrente d’une activité traduit souvent l’émergence d’une nouvelle vision du monde. Si le détective privé du roman noir américain n’est qu’une figure littéraire destinée à préserver l’indépendance du regard sur une société corrompue, l’avocat, lui, s’inscrit d’emblée dans la logique du système (américain) en s’efforçant d’apporter la preuve légale du crime. De cette position d’auxiliaire de justice qu’il occupait dans les années trente avec Perry Mason, le voilà qui passe  au premier plan. Avocat d’affaires, il rivalise avec les magnats de la finance et réside dans les mêmes quartiers.


 Bill Wyeth, le héros de Colin Harrison appartient à cette catégorie. Il n’est pas encore au sommet, même s’il habite Manhattan, même si la baby-sitter à elle seule lui pompe cent mille dollars par an. Il a une jolie femme qui lui coûte aussi une fortune et en veut toujours plus. Par exemple une grande maison en bois à Nantucket avec quinze pièces, court de tennis et piscine chauffée. Il est fier de son fils, Timothy, qui justement fête ses huit ans. Et c’est là que Colin Harrison (Manhattan Nocturne s’attardait déjà sur les lumières trompeuses de la ville) déchire le rêve glacé qui hypnotise les promeneurs de la Cinquième Avenue.



Ce soir où Bill Wyeth rentre chez lui à l’improviste pour l’anniversaire de son fils, il va involontairement provoquer la mort d’un autre gamin invité par sa femme sur ses recommandations. Dès lors, l’auteur nous fait vivre les paliers d’une déchéance incontournable. Le père de la petite victime étant l’un des plus gros banquiers lié par contrat au cabinet de Bill, il exercera une vengeance froide qui entraînera l’ancien avocat d’affaires aux limites de la clochardisation. De Manhattan à l’immeuble sordide de la 36è rue Ouest, on découvre une géographie de New-York où la stratification sociale épouse des contours bien précis.

Abandonné de sa femme, privé de son fils, interdit de travail, Bill deviendra le client de la table 17 d’un steack house géré par une femme surprenante. Et c’est là finalement que tout recommence, dans ce restaurant dont une salle, Havana Room, est le lieu d’un étrange rituel.

Havana Room - Colin Harrison - Belfond - 452 pages - 21,50€ - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – janvier 2005




CAPITAL RISQUE




 Quand le New-York Times affirme que Colin Harrison "est à New-York ce que Chandler et Ellroy sont à Los Angeles", on se réjouit à l'idée de plonger dans une œuvre tragique et violente. Mais là où Ellroy multiplie les points de vue, Harrison s'attache à cerner les étapes d'une perdition. Et si Chandler utilise Marlowe comme une caméra désabusée, Harrison, lui, focalise sur la rébellion des victimes: dans ce roman, une jeune Chinoise et un pompier coalisés contre la mafia et les truqueurs de Wall Street.



La nuit descend sur Manhattan – Colin Harrison – Belfond – 380 pages – 21,50€ - *** -
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 10 mai 2009