jeudi 28 février 2013

Au nom maudit du père



 Et si tout n'était qu'une affaire de cadastre? Dans cette petite ville de Lakeland où Thomas H. Cook a situé l'intrigue de son roman, le professeur Jack Branch est convaincu qu'une assignation à résidence détermine le parcours de chacun. Lui-même est l'héritier d'une grande famille domiciliée aux Plantations, le quartier des Blancs fortunés. Autour de ce paradis trompeur, s'organisent les cercles de l'enfer, "la région damnée des Nègres", à l'extrémité de la ville et la zone des petits blancs déclassés, celle où le Klan recrute les désespérés du rêve américain.



 Eddie Miller vient de cette zone. Étudiant effacé, marqué du sceau de l'infamie à cause du passé criminel de son père, assassiné en prison par un codétenu, il n'est aux yeux des autres que le fils du "tueur de l'étudiante". Pour le professeur Jack Branch, il symbolise le défi de sa carrière. Lui qui a pris le Mal comme fil conducteur de son projet pédagogique, va encourager son étudiant à enquêter sur le crime de son père, l'invitant à écrire et l'introduisant dans le milieu fermé du quartier des Plantations. Au fur et à mesure que son travail de mémoire progresse, Eddie découvre une réalité bien différente de celle inscrite dans les procès-verbaux policiers. Et le professeur va sentir trembler les fondations de l'édifice intellectuel qui légitime son autorité.

 Car, nous dit Thomas H. Cook, les frontières entre le Bien et le Mal sont bien plus poreuses que les frontières de classe. Et méfions-nous du monde derrière le monde, négatif de cette chorégraphie lumineuse destinée à divertir les hommes.

Les leçons du mal – Thomas H. Cook – traduit de l'américain par Philippe Loubat-Delranc – Points – 377 pages – 7,50€ -
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 3 juin 2012