lundi 25 février 2013

Après que les poètes ont disparu






 Comment évoquer un fantôme sinon en égrenant quelques syllabes qui deviendront la pâte avec laquelle on pétrira le songe. "Elle s'appelait Katherine Carr…", poétesse inconnue et mystérieusement disparue mais dont le nom est une promesse. Une histoire léguée au journaliste George Gates par un flic à la retraite. Le problème du flic, c'est cette enquête inaboutie et ce récit laissé par Katherine Carr où la fiction se mêle au témoignage. Le problème de George Gates, c'est cette phrase inachevée sur laquelle il a préféré s'attarder plutôt que d'aller chercher son fils à l'arrêt de bus. L'assassin, lui, était à l'heure.
 
 
 Sept ans plus tard, en réalisant un reportage sur une gamine de douze ans, Alice, petite vieille au visage ridé atteinte de progéria, George va tenter de comprendre le sens de sa propre histoire. Exigeante et pressée, Alice s'abandonne au principe de Shéhérazade. Le temps du récit prolonge sa vie menacée elle aussi à tout moment de disparition. Médiation entre les mondes visibles et invisibles, elle est l'enfant qui va mourir d'avoir déjà trop vécu. Thomas H. Cook convoque Henri James, les reflets agités de l'âme qu'on appelle des revenants, des détournements de miroir assignés à résidence entre les pages d'un livre. Un territoire de fiction dont l'unique projet est de différer le retour à l'absurdité tragique du monde. Un roman fiévreux et bouleversant.

L'étrange destin de Katherine Carr – Thomas H. Cook – traduit de l'américain par Philippe Loubat-Delranc – Seuil – 296 pages – 19,80€ - ****
Lionel Germain – Sud-Ouest-dimanche – 24 février 2013



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