lundi 26 novembre 2012

Des vies sans importance




Inspiré de faits réels, le roman de Sam Hawken raconte le sort tragique des femmes de Juarez.


 
 
Cet État du Mexique a beau s'appeler Chihuahua, il n'évoque pas une seule seconde la tendresse d'un chiot dans son panier. A portée de jumelles des mirages du Nord, séparée du Texas par un fleuve au nom mythique, le Rio Bravo, Ciudad Juarez offre ses propres mirages aux hommes perdus des villes frontières. Drogue, prostitution, la balance commerciale pose des vies sur ses plateaux pour arracher un équilibre terrifiant. En dix ans, plus de quatre cents femmes ont disparu et on a créé ce mot de "feminicidios" pour qualifier les meurtres dont elles sont victimes.
 Sam Hawken leur dédie ce roman. A travers deux personnages, un boxeur américain de seconde zone et un flic mexicain alcoolique, on s'aventure d'une manière radicale sur la scène de crime. Et à y regarder de plus près, Juarez n'est que ça, une scène de crime. On y meurt pour une poignée de pesos, on y survit en lâchant ses dollars.
 Quand les "maquiladoras", usines de sous-traitance pour les Américains, maintiennent la pulsation vitale de la ville de un à trois dollars de l'heure, les narco-trafiquants viennent cueillir leurs proies aux portes du bagne. Justice, police, tout est à vendre et chacun a son prix. Les héros de Sam Hawken sont deux épaves en quête d'une rédemption impossible. Parce qu'à Juarez, les hommes et les femmes ne s'appartiennent plus, maquignons  ou détenteurs précaires d'une vie humaine dont le cours fluctue inexorablement à la baisse.

Les disparues de Juarez – Sam Hawken – Traduit de l'américain par Mireille Vignol – Belfond – 395 pages – 21€ - ***
Lionel Germain - Sud-Ouest-dimanche - 25 novembre 2012

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